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Le 21 janvier prochain aura lieu la dernière réunion du groupe de travail "New Deal". Ensuite, Frank Vandenbroucke en recevra la substantifique moelle. Le ministre de la Santé publique a promis qu'il tiendrait compte de manière fidèle des desiderata de la base dans son approche (sans préciser toutefois comment il compte financer tout cela). Cependant, il n'y a pas de réel consensus au sein du groupe de travail et le ministre devra bien trancher à un certain moment... Le débat qui a eu lieu au Glamo était mené de main de maître en cinq thématiques correspondant aux cinq piliers développés dans le document de VDB publié en juin. Chaque syndicaliste exprimant son point de vue puis une large plage était laissée à la salle, remplie à ras bord de généralistes locaux. L'objectif de la matinée était de répondre à trois questions principales: Qu'en est-il clairement du "New Deal"? Quelle implication pour l'avenir de la médecine générale? Quels sont les impacts sur la pratique des MG? Les deux protagonistes (Drs Simon et Deudon) n'ont bien sûr pas tout à fait respecté le canevas, ce qui a donné lieu à des mises au point parfois cocasses. Mais nous étions à Liège et la bonne humeur l'a emporté... 1. Un nombre suffisant et une bonne répartition des MGPierre-Louis Deudon constate qu'actuellement, la Belgique francophone compte moins de 40% de MG alors qu'un AR en exige 43%, le Collège de médecine générale en revendiquant 50% et le ministre VDB est ouvert à cette proportion. Pour les répartir, le Dr Deudon appelle à "prendre en compte les réalités sociologiques et territoriales, penser à la rétention des jeunes médecins et éduquer la population". Concernant une possible "loi à l'installation" sur le modèle français, il préfère inciter plutôt que contraindre. Une meilleure répartition des tâches entre MG et professionnels de soins fait partie de la solution. David Simon confirme que l'Absym souhaite augmenter le nombre de MG et donc augmenter le nombre d'étudiants ad hoc. Mais il faut s'assurer qu'ils optent bien pour cette spécialité et qu'ils ne la quittent pas précocement. Il souligne que la médecine solo, contrairement à la volonté de Frank Vandenbroucke qui veut "donner un élan décisif à sa disparition", attire encore un tiers des jeunes médecins. Le Dr Simon propose sept voies pour une meilleure répartition des MG, tout en soulignant le refus absolu de son syndicat d'obliger des jeunes MG à s'installer en zone de pénurie: "La commune offrirait une bourse d'études non remboursable si le jeune médecin s'installe en MG pendant cinq ans, une infrastructure gratuite pendant cinq ans ainsi qu'une exonération des taxes communales si le MG s'y domicilie pendant le même laps de temps. Le MG recevrait une prime Impulseo couvrant 100% des frais de secrétariat pendant cinq ans. La Commission de planification ajouterait un sous-quota supplémentaire de MG réservé à ces communes. On garantirait un honoraire de disponibilité à 50 euros/h avec maintien des honoraires de garde à leur niveau actuel d'où 100 euros par heure en frais de déplacement."2. Réduction des formalités administratives inutilesDavid Simon insiste notamment pour augmenter la polyvalence de l'assistant de pratique (un "infirmier de médecine générale" formé pendant un an et demi après les Secondaires et relevant d'une commission paritaire moins coûteuse que les infirmières). Il devrait notamment vérifier les démarches de prévention: mammotest, dépistage du cancer du côlon et schéma de vaccination ainsi que vérifier les démarches liées aux maladies chroniques (consultation ophtalmologique et cardio/diabétique). L'assistant pourrait réaliser des biométries, ECG, spirométries, prises de sang, PCR, vaccinations. Pierre-Louis Deudon propose de nombreuses pistes comme la numérisation de toutes les prescriptions, la structuration des données, l'harmonisation et la numérisation des certificats (tout en permettant trois jours d'incapacité de travail sans certificat). Le chapitre IV doit être simplifié au niveau des demandes de prolongation de remboursement. Il faut mettre en place un statut unique pour les patients nécessitant des soins complexes. Tout en réalisant qu'il y a une fracture numérique dans notre pays. 3. Une meilleure accessibilité pour les patients Le Dr Deudon tient beaucoup à la "subsidiarité", à savoir que, dans un cadre de responsabilisation et de confiance, chaque prestataire de première ligne devient une porte d'entrée pour les soins. Le GBO, comme son président Paul De Munck l'a encore répété, tient beaucoup à l'échelonnement (passage plus ou moins obligé par le MG). M. Deudon parle de "définir les lignes de soins pour diminuer les tensions, réduire le temps d'attente chez les spécialistes ainsi qu'augmenter la couverture du DMG et la qualité de cette couverture". Le soutien aux PMG non rentables et la complémentarité forfait-acte fait également partie de ses desiderata. Convaincu d'une troisième voie (forfait/à l'acte), le Dr Simon rejette le tiers payant obligatoire, le conventionnement obligatoire et la suppression du ticket modérateur. Le forfait ne va pas améliorer la disponibilité du MG, pense-t-il. Entendre de la bouche de VDB que "le MG honoré à l'acte multiplie les actes inutiles pour gagner plus d'argent" fait frémir les MG présents. "En moyenne un MG honoré à l'acte gère 1.000 DMG et un MG rémunéré au forfait gère 500 DMG. À Bruxelles, quasiment aucun patient en maison de repos n'est pris en charge par un MG de maison médicale (ndlr: "Mensonges!", s'offusque Pierre Drielsma, trésorier du GBO, présent dans la salle)." "En Grande-Bretagne les MG sont salariés, la consultation dure dix minutes, en Espagne six. Au Canada, en Angleterre, en Italie, le temps d'attente pour un rendez-vous en médecine générale dépasse la semaine. Les patients sont obligés de consulter des MG privés qui facturent leurs consultations 250 euros. Actuellement les MG tirent 77% de leurs revenus des honoraires à l'acte et 23% des forfaits. Si on va vers 30% d'acte et 70% de forfaits, alors le DMG est à 100 euros, la consultation à 11 euros et la visite à 16 euros. La consultation à 11 euros va-t-elle donner envie de passer plus de temps avec le patient? Et pour 16 euros, vous sortez encore votre voiture? (Non massif dans l'assemblée, ndlr)."4. Une meilleure organisation de la pratiqueAvec la vaccination (prescription et administration des vaccins anti-Covid) par le pharmacien, l'exercice illégal de la médecine a "perdu sa virginité", regrette le Dr Simon. Pour autant, des non-médecins peuvent réaliser certains actes sous le contrôle et prescrits par le médecin. David Simon entrevoit des menaces majuscules sur le magistère du médecin. "Le dossier santé intégré belge (BIHR), soit un dossier patient unique, centralisé et multidisciplinaire que tous les professionnels de santé seraient obligés d'utiliser entraînera la disparition voire l'interdiction du dossier médical informatisé du MG. Celui-ci devient un professionnel de santé comme les autres. Le MG perd la main sur son outil de travail: sa structure et son fonctionnement seront décidés par négociation avec les autres professions de santé où le MG aura un douzième des voix."À l'autre bout du fusil, "le patient doit garder la main sur les finalités de traitement des données médicales. Il doit pouvoir interdire l'accès à ses données à certaines catégories de professionnels (et non au cas par cas)". Sinon, infirmiers, pharmaciens, kinés, dentistes, et même psychologues, logopèdes, diététiciens, orthopédistes, podologues vont avoir accès au Sumehr. Les quatre premiers nommés auront accès aux résultats de laboratoire, aux protocoles d'imagerie, aux courriers de spécialistes et aux lettres d'hospitalisation. Le Dr Deudon veut affermir la diversité des pratiques qui soit axée sur une pratique de groupe, centralisée et partiellement décentralisée, en réseau et diversifiée. Via un "tuilage" (imaginez le médecin au sommet du toit aidé par des professionnels répartis comme des tuiles sur lesquelles glisse l'information), il faut maintenir le médecin et/ou les soignants à la manoeuvre, autonomes, libres dans leur pratique tout en les sevrant de leurs honoraires. 5. Un modèle de financement équilibréLe Dr Deudon rappelle les "5P" du financement: paiement à la Prestation, par Patient, par Prestataire, à la Pratique et à la Performance (qualité). Pour chacun des P, il fait des propositions. Que devient, par exemple, le code téléconsultation? Va-t-il disparaître après la pandémie Covid? , se demandent certains MG présents. Pierre-Louis Deudon souhaite, comme les MG présents, sa pérennité, la revalorisation de l'avis médical, un meilleur financement des concertations, des codes de nomenclature spécifiques à la MG et revoir l'accès à certains codes de nomenclature dont l'inclusion d'office, par exemple, de l'exérèse de tumeurs cutanées (des "vieux" MG dans la salle signalent que c'est le cas). Sans oublier le financement de la consultation de longue durée. Le DMG doit être renforcé mais sous condition qualitative et d'un véritable accord du patient vis-à-vis de son MG référent. Le paiement à la performance "ne doit pas dépendre de la compliance du patient" et "nécessite un monitoring en temps réel des indicateurs par le médecin".David Simon rappelle cette loi d'airain: "Le budget des soins de santé est dans une enveloppe fermée. Jamais Alexander De Croo ne permettra à Franck Vandenbroucke d'augmenter les dépenses. Dans l'enveloppe des soins de santé, il y a une enveloppe destinée à chaque profession. C'est ce qu'on appelle le financement en silos (silo des médecins, pharmaciens, infirmiers). Le transfert des compétences implique qu'il faudra financer les honoraires des non-médecins. Tout acte médical réalisé par un non-médecin est financé par le fait qu'un MG ne le réalise pas. C'est ce qu'on appelle des financements transversaux. Les honoraires des non-médecins sont donc puisés dans l'enveloppe des honoraires médicaux."Or, dans la "note de consensus" reçue le 25 novembre par les membres du groupe de travail "New Deal", il apparaît, outre que le "New Deal" n'est pas ouvert au médecin solo, que "les profils de soins et de soutien minimaux sont financés par le MG". Selon le Dr Simon, "il faudra puiser dans les honoraires des MG qui ne suivront pas la troisième voie. C'est déjà le cas dans l'accord médico-mutualiste 2022-2023 qui prévoit une enveloppe de 16,5 millions d'euros pour l'aide à la pratique du MG prélevé sur les honoraires de tous les MG, pas seulement ceux qui optent pour la troisième voie."Lundi, en médico-mut, les membres ont appris que l'assistant de pratique ne serait pas financé par l'Inami car l'institut est convaincu que son rôle serait limité à l'aide administrative et logistique, et que la 6e réforme de l'État a transféré le budget 'aide administrative' aux Régions. "Vous connaissez Impulseo! Être financé par les Régions, cela signifie n'être financé qu'à 50%. Si je fais le bilan: être obligé de payer deux aides en étant financé seulement à tiers temps par 1.000 DMG, cela signifie que le MG solo payerait 80.000 euros et ne serait remboursé que de 13.000 euros, soit 67.000 euros à sa charge, soit 45% du revenu moyen du MG. Le New Deal est donc bien là pour donner un élan décisif à la disparition des MG solo."Sauf qu'il reste à la Vivaldi (et VDB) seulement un an et demi avant les prochaines élections... pour lesquelles nous voterons pour l'ensemble des niveaux de pouvoir...