Le 15 janvier dernier, le Comité de l'assurance de l'Inami a validé 48 candidatures pour le New Deal. Au total, 158 médecins généralistes tenteront l'aventure du New Deal le 1er avril prochain. Pour certains, ce chiffre est faible et peu étonnant. Pour d'autres, ce n'est pas si mal. "L'impact de ces pionniers ne doit pas être sous-estimé", souligne notamment le ministre Vandenbroucke.
...
L'annonce de l'Inami a rapidement a été suivie de nombreux commentaires sur les réseaux. La majorité estime que les résultats sont "attendus" et "peu surprenants", surtout côté wallon. Néanmoins la lecture des chiffres bruts peut être trompeuse et une analyse peut les éclairer sous une nouvelle lumière. 158 médecins généralistes ont donc sauté le pas. Ils sont 14 à pratiquer en solo (8,8%) et donc 144 à pratiquer en groupe (91,2%). Un calcul que l'on peut faire autrement puisque ces 144 médecins travaillent au sein de 34 pratiques de groupe. Ce qui donne un ratio pratiques solo/pratiques groupées plutôt de l'ordre 30% - 70%. Si le nombre de candidats est plus élevé en Flandre (29) qu'en Wallonie (12) et à Bruxelles (2), la répartition par province montre que les généralistes anversois ont été davantage séduits par la formule - ils représentent plus d'un quart des candidats (29%) - que leurs collègues du Limbourg (1), du Hainaut (1) du Brabant wallon (1) et de Namur (1). On voit donc se dessiner une répartition davantage nord-ouest/sud-est que nord/sud, puisque la participation en province de Liège (5) et de Luxembourg (4) est similaire à la participation dans les provinces de Flandre orientale (7), de Flandre occidentale (5) ou du Brabant flamand (7). La faible participation de Bruxelles (2) est par contre difficilement explicable. Le peu de candidats wallons et bruxellois ayant décidé de se lancer dans l'aventure n'est pas une surprise pour le GBO/Cartel, qui avait anticipé cette frilosité côté francophone. "Notamment en raison du peu de délai de réflexion laissé aux pratiques avant la date limite de dépôt des candidatures, mais également à cause du timing choisi puisque ces trois mois tombaient en plein durant la période où les cabinets de médecine générale ne désemplissent jamais en raison des virus et infections respiratoires", souligne le syndicat francophone. "De là à imaginer que les généralistes francophones, plus touchés par la pénurie que leurs homologues flamands, ont été débordés et n'ont pas eu le temps d'étudier la question avant de se lancer, il n'y a qu'un pas... Un pas facile qu'on serait bien tenté de franchir, même si la différence de mentalités entre le nord et le sud du pays explique probablement plus cette méfiance par rapport au changement observée côté francophone."De son côté, le ministre fédéral de la Santé Frank Vandenbroucke voit évidemment le verre à moitié plein. "Je constate sur le terrain que de nombreux médecins généralistes sont intéressés par ce modèle, mais que certains d'entre eux ont besoin de plus de temps pour prendre une décision réfléchie. Il est crucial d'avoir un premier groupe de 'pionniers' convaincus, prêts à s'engager. Ils croient en l'efficacité de ce modèle de financement, combinant des revenus par consultation et un montant fixe par patient inscrit, ce qui favorise une stabilité financière propice à des soins de qualité. Ils adhèrent également à la collaboration avec d'autres prestataires de soins, tels que les infirmières de cabinet. Moi aussi j'y crois."Le ministre estime, en outre, que la médecine générale doit évoluer parallèlement à la société. "Les besoins de la population évoluent, et les soins de première ligne doivent s'adapter en conséquence. Nous faisons face à une population vieillissante et à une augmentation du nombre de malades chroniques: les gens vivent plus longtemps, ce qui est positif, mais sont également plus longtemps malades."Co-auteur de la proposition du New Deal, au côté du Dr Ann Van den Bruel (nouvellement nommée directrice générale du KCE, lire en page 6), le Dr Jean-Luc Belche (ULiège) estime qu'il est utile d'analyser ces chiffres et de formuler quelques hypothèses. "Si nous comparons avec les expériences antérieures belges, le modèle forfaitaire a débuté avec une seule pratique, et attendu plusieurs (dizaines? ) d'années pour avoir un enrôlement significatif. 48 pratiques (158 médecins généralistes), cela correspond à 120.000 patients enrôlés dans ce mode d'organisation/financement ; ce qui n'est pas si mal..."Ce qui explique un niveau d'engagement différent peut être lié à différents éléments, explique le Dr Belche. "Le fait d'être déjà engagé dans un mode de pratique proche du nouveau modèle peut faciliter, au même titre que la situation dans laquelle le médecin se trouve (en pénurie, avec une charge de travail pour maladies chroniques plus lourde) peut amener un recrutement plus important." Le médecin liégeois note encore le degré d'information sur le sujet et la manière dont il est abordé dans les cercles professionnels locaux et les instances et la capacité d'envisager le changement et l'existence d'outils efficients. "Ces éléments devraient faire partie de l'évaluation à venir, pilotée par le KCE", conclue-t-il. Enfin, David Hercot, conseiller politique santé du ministre Alain Maron et de la secrétaire d'État Barbara Trachte, ajoute: "Dans les critères d'évaluation, je mentionnerais aussi le prix du m2 et la taille du cabinet. Cela peut prendre plus de temps de se réorganiser lorsque l'on ne dispose pas de l'espace pour accueillir un nouveau collaborateur. À Bruxelles beaucoup de médecins solo ont des cabinets de taille assez réduite et ce n'est pas une sinécure d'en changer et encore moins d'agrandir." Une réalité qui explique peut-être le faible taux de participation à Bruxelles.