La prévalence très élevée des maladies neurologiques dans le monde et en Belgique pousse l'Hôpital universitaire de Bruxelles à multiplier investissements et collaborations. Un bruissement en recherche fondamentale et translationnelle peut parfois avoir d'immenses échos en recherche clinique.
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Une personne sur trois, dans le monde, est atteinte une fois dans sa vie par une maladie du système nerveux. Vertigineuse, la statistique rappelle cette phrase souvent entendue sur les bancs de l'université: "Vous voyez la personne à votre gauche, vous voyez la personne à votre droite ...?". Mais, appliquée au principe selon lequel l'un de vous trois subira, dans sa vie, un AVC, une maladie neurodégénérative, de l'épilepsie, une maladie neurodéveloppementale, une tumeur du système nerveux central ou une de ces maladies neurologiques "rares", cette proportion justifie toute l'attention que porte l'Hôpital universitaire de Bruxelles (HUB) à la neurologie. Le HUB collabore avec l'Institut des neurosciences de l'ULB (INU) pour le développement de son plan stratégique neurosciences. "C'est grâce à une grande synergie entre l'INU et les cliniciens du HUB que nous pouvons faire avancer la recherche et permettre à nos patients de bénéficier d'essais cliniques et d'avoir une perspective de guérison grâce à de nouveaux traitements", se réjouit le Pr Serge Schiffmann, neurologue chercheur et directeur de l'INU. "L'approfondissement des connaissances du fonctionnement cérébral se réalise en un véritable continuum de recherche, où les recherches fondamentale, translationnelle et clinique se nourrissent l'une de l'autre."Pour soutenir son propos, le Pr Schiffmann propose l'exemple d'une recherche récente, qui montre comment une recherche en laboratoire peut parfois mener, de façon tout à fait fortuite, à des applications thérapeutiques. Il est ici question d'un chercheur de l'ULB qui étudie, comme modèle expérimental, un tout petit ver d'un millimètre de longueur. Encore une fois, on voit que ce n'est pas la taille qui compte, puisque ce ver présente un intérêt majeur en termes de modélisation. Ce nématode possède exactement 302 neurones et présente donc un réseau neuronal parfaitement cartographié. S'intéressant à la transmission synaptique dans le cerveau, ce chercheur a identifié de manière totalement fortuite une corrélation entre un gène actif de cette transmission synaptique et une mutation génétique connue comme responsable d'une forme rare d'épilepsie. "Le gène muté chez cet animal donnait lieu a des altérations du fonctionnement neuronal", raconte le Pr Schiffmann. "Dès lors, maintenant que ce mécanisme moléculaire est identifié, l'idée est de monter vers d'autres modèles animaux et de trouver des molécules, des mécanismes qui remodifieront cette forme mutée du gène, pour éventuellement proposer un traitement personnalisé pour les patients qui présenteraient cette sorte spécifique d'épilepsie génétique."L'épilepsie ne touche malheureusement pas que les vers. Dans un registre beaucoup plus humain, le Pr Alec Aeby, directeur du service de neuropédiatrie du HUB rappelle qu'environ 70 millions de personnes dans le monde souffrent d'épilepsie, dont 80.000 en Belgique. La moitié sont des enfants de moins de dix ans. "Correctement choisis, les médicaments antiépileptiques fonctionnent dans 60 à 70% des cas, ce qui permet de supprimer les crises d'épilepsie et de minimiser voire de résoudre les séquelles", contextualise le Pr Aeby. "Lorsque les crises d'épilepsie persistent après échec de plusieurs antiépileptiques, il est recommandé de diriger le patient vers un centre expert en épilepsie réfractaire." À Bruxelles, seuls deux centres de ce type existent (ceux du HUB et des Cliniques universitaires Saint-Luc). "Les alternatives aux médicaments pourront être une intervention chirurgicale pour retirer la partie du cerveau à l'origine des crises, un régime cétogène riche en graisses, ou encore un traitement personnalisé basé sur l'identification de la mutation génétique responsable de l'épilepsie." C'est dans cette troisième voie que notre ver épileptique pourrait jouer un rôle. Le HUB profite de l'occasion pour diriger le scialytique vers son plateau neurotechnique et génétique et mettre en lumière plusieurs projets innovants en clinique. On pense à la possibilité de réaliser un EEG-vidéo pour enregistrer les crises d'épilepsie du patient 24h/24 et débuter le bon traitement le plus rapidement possible ou encore à la réalisation d'un EEG intracrânien pour les patients bénéficiant d'une chirurgie de l'épilepsie, afin de retirer le plus précisément la zone responsable des crises. "La magnétoencéphalographie (MEG), ensuite, permet d'étudier l'impact de l'épilepsie sur la cognition chez les enfants épileptiques et d'aider à identifier précisément les lésions cérébrales à retirer lors de traitements chirurgicaux", détaille le Pr Aeby. "Enfin, en collaboration avec la génétique, la médecine de précision permet d'adapter les traitements en ciblant spécifiquement les causes génétiques. Toutes ces avancées améliorent non seulement l'efficacité des traitements mais elle réduit également les effets secondaires, contribuant ainsi à une meilleure qualité de vie pour nos jeunes patients."