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En Belgique, 10.000 décès par an recevraient un diagnostic erroné quant à la cause de la mort et 5 à 10% des morts considérées comme naturelles ne le seraient pas (1). Ces erreurs de diagnostic ont des conséquences d'une part, au niveau épidémiologique et scientifique car la politique en matière de soins de santé et les recherches scientifiques se basent sur des statistiques erronées et, d'autre part, au niveau judiciaire en mettant en péril la protection des citoyens et l'indemnisation des victimes (2, 3, 4, 5). L'examen actuel des décès - dont leur prise en charge par les intervenants de première ligne soit, le médecin certificateur (MC), la police de première ligne et le procureur du Roiexpliquerait ces chiffres alarmants (1, 2, 3, 6, 7).L'objectif de ce travail a été d'une part, de comprendre la problématique des morts violentes ignorées en Belgique et, d'autre part, de déterminer les étapes importantes d'un constat de décès et les erreurs que les médecins généralistes (MG) de garde réalisent.En premier lieu, j'ai effectué une revue de la littérature. Ensuite, j'ai utilisé une méthode mixte en réalisant d'abord une étude qualitative par entretiens individuels, anonymes et semi-directifs en interrogeant deux médecins légistes et un médecin épidémiologiste. Puis, en réalisant une étude quantitative avec un questionnaire auto-administré par le répondant adressé aux MG. Pour finir, j'ai eu des communications personnelles avec d'autres intervenants tels qu'un employé de l'état civil du service population d'une commune bruxelloise et un inspecteur de police afin de clarifier certains points.La revue de la littérature, les entretiens et le questionnaire ont permis de mettre en lumière des faiblesses au niveau du système belge de constatation des décès. La législation incomplète et obsolète, le manque de clarté du certificat de décès modèle IIIC (CD), le faible taux d'autopsies, le faible nombre de médecins légistes en service et les compétences insuffisantes des intervenants de première ligne par manque de formation et d'expérience permettent à des morts violentes d'échapper à la justice (1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9).Le questionnaire a mis en évidence les difficultés que les MG rencontraient et les erreurs qu'ils réalisaient lors d'un constat de décès. Tout d'abord, les MG semblaient méconnaître les notions de mort naturelle et de mort violente alors que la prise en charge du corps diffère selon le type de décès. En effet, près d'une réponse sur dix était erronée lorsqu'ils devaient déterminer si la mort était naturelle ou violente et certains MG ont considéré qu'une chute dans les escaliers (20,2%) et une intoxication médicamenteuse (7%) étaient des morts naturelles.De plus, l'examen clinique post-mortem, essentiel lors d'un constat de décès, n'était pas un acte systématique pour les MG ; 35,6% des MG sondés n'examinaient pas toujours le corps.L'obstacle médico-légal (OML), pierre angulaire de la prise en charge d'une mort violente et point de départ de toute investigation, était par ailleurs une notion méconnue des MG ; 63,8% des MG ne cochaient pas l'OML en cas de mort subite et inattendue et 52,1% en cas de chute dans les escaliers. En outre, 43,1% des MG déclaraient ne pas du tout connaître la procédure à suivre en cas d'OML.Ensuite, 42,4% des MG sondés adoptaient une attitude qui risquait de contaminer la scène de crime (SC) en cas de mort violente alors que sa préservation est primordiale pour la suite des investigations.Enfin, malgré les recommandations d'appeler la police en cas de mort violente, un MG sur huit a déclaré ne pas savoir dans quelles situations il fallait la contacter.Les pistes éventuelles pour diminuer ces erreurs étaient une amélioration du CD, une meilleure formation en médecine légale des MG et une modification de la législation et du système de constatation des décès.Suite à ces différentes observations, j'ai créé un protocole destiné aux MG reprenant les étapes importantes d'un constat de décès et des recommandations sur la prise en charge d'une mort violente dont le contenu est tiré majoritairement des entretiens, des recommandations européennes en matière d'autopsie, des instructions pour compléter le volet médical du certificat de décès proposé par Eurostat, du manuel de Karen Plasschaert sur la prise en charge des décès suspects, de la proposition de loi du sénateur Jacques Brotchi déposée en 2012 réglant l'examen post-mortem et d'un article paru dans UZ Leuven concernant les cas de décès inhabituels (1, 3, 8, 10, 11).Le système belge de constatation des décès permet à des morts violentes d'échapper à la justice (1, 2, 5, 6). Les MG réalisent des erreurs lors de la constatation des décès au niveau de la cause et du type de décès, de l'examen clinique, de l'OML et de la préservation de la SC (1, 2, 6, 7, 9). Ils méconnaissent les indications de cocher l'OML et la procédure à suivre alors qu'il s'agit d'un des éléments fondamentaux dans la prise en charge d'une mort violente (6, 7).Le constat de décès a un rôle à la fois judiciaire, épidémiologique et d'accompagnement des proches du défunt (2, 4). Ces différents aspects, bien que difficiles à associer, doivent chacun être pris en compte par le MG afin d'améliorer les soins de santé, la justice et le soutien des proches.