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Murs en bêton couverts de tags, vitres presque plus translucides, végétation quasi luxuriante dans le puits de lumière central... L'ancien siège de la banque Dexia en plein centre de Bruxelles a des allures de squat. Pourtant racheté début 2016 par la Ville de Bruxelles pour y installer sa zone de police, encore maintenant, le bâtiment est sous occupation par Reset. Jeudi dernier, Ex Æquo, asbl de promotion de la santé visant une diminution des nouvelles infections au VIH/sida et des infections sexuellement transmissibles (IST) auprès des hommes qui ont des relations sexuelles avec d'autres hommes, y tenait sa conférence "Santé LGBTI+, prenons soin de nous!". "Ex Æquo ambitionne depuis quelques années d'ouvrir une maison médicale LGBTI+ à Bruxelles", explique Pablo Sanz Moreno, président de l'association. "Cette conférence fait partie intégrante de ce projet. Elle nous permet d'asseoir un constat simple dans la société belge, auprès des médias et des politiques: en tant que personnes LGBTI+, nos parcours de vie impliquent des vulnérabilités et des besoins de santé spécifiques. Il n'est pas question de les juger, il est simplement question d'y répondre au mieux avec des dispositifs adéquats, tels des maisons médicales spécialisées." Barbara Trachte, ministre-présidente de la COCOF et en charge de la Santé à Bruxelles, était présente à la séance d'ouverture. "Une politique du care est possible", a-t-elle déclaré, en rendant hommage aux premiers militants VIH-sida. "Peu de mouvements ont réussi avec autant de succès à visibiliser et à mettre à l'agenda politique des questions sociétales, et ce à une époque beaucoup plus cis-hétéro-normée que celle d'aujourd'hui. Les violences impactent encore trop souvent la santé des personnes LGBTI+. Bruxelles n'y est pas insensible." La ministre a également fait part de toute sa bonne volonté politique, regrettant toutefois "les accusations de communautarisme, qui ne sont jamais très loin."Début 2022, la Ville de Bruxelles a d'ailleurs permis à Ex Æquo d'obtenir l'occupation temporaire du site des Grands Carmes, bâtiment de 2.300 mètres carrés classé au patrimoine, en plein coeur du quartier LGBTI+. "Depuis, nous avons convaincu la ville d'y construire avec nous l'un des plus importants centres communautaires LGBTI+ en Europe intégrant une maison médicale", se réjouit Pablo Sanz Moreno. Dans le viseur d'ici 2028: en faire un nouveau checkpoint européen, à Bruxelles. Pour mettre au point ce qui sera la Maison Arc-en-Ciel de la Santé (MACS) Brussels Health Checkpoint, Ex Æquo a invité pour les trois jours de la conférence les travailleurs d'autres checkpoints européens. Plus de 30 initiatives ont été présentées. "Cette conférence est importante. De nombreuses personnes LGBTI+ n'ont pas conscience des conséquences négatives de leurs vulnérabilités sur leur santé. Bien trop souvent, celles-ci cachent leur identité à leur médecin, ne réussissent pas à établir une relation de confiance avec les professionnels de santé. Par ailleurs, les études montrent que les personnes LGBTI+ sont une population plus à risque en santé sexuelle mais aussi face à la consommation de tabac, d'alcool, de drogues et, bien sûr, en santé mentale avec une propension plus grande aux troubles dépressifs et au suicide." L'asbl Genre pluriels, notamment, a été mise à l'honneur pour sa démarche de santé communautaire. "Les droit des personnes intersexuées, en termes d'accès aux soins de santé, étaient bafoués", explique Aurore Dufrasnes, psychothérapeute pour Genres Pluriels. "On est allé vers les professionnels de la santé, dont on avait de bons retours. À chaque fois, on leur expliquait, un par un, que le fait de penser protéger les personnes transgenres en leur demandant un diagnostic psychiatrique de dysphorie de genre pour leur donner accès à des soins de santé de transition, non seulement ne les protégeaient en rien du tout, mais en plus était une forme de discrimination sur la base du critère protégé du genre!"Elle donne ensuite un exemple: "Demander un diagnostic de dysphorie de genre à une femme transgenre qui souhaite une augmentation mammaire, là où on ne demandera pas de diagnostic de cis-identité, ou de bonne santé mentale, à une femme cisgenre qui voudrait la même augmentation mammaire, légalement, c'est un acte de discrimination basé sur le genre. On a été expliquer cela à tous ces médecins. Non seulement ils étaient très étonnés, mais en plus ils se rendaient compte qu'ils manquaient cruellement de formation. Ca tombait bien, on en avait à leur proposer." À l'heure actuelle, Genres Pluriels propose aux professionnels de se former spécifiquement à l'accueil des personnes transgenres et intersexuées. Avec son partenaire Ex Æquo, l'association forme environ 2.000 professionnels par an, et accueille en consultation dans neuf villes en Belgique.