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Il y a eu de réelles avancées en ce qui concerne la couverture et des innovations significatives ont vu le jour depuis 20 ou 30 ans, époque à laquelle MSF a commencé à traiter ces patients. C'est une bonne nouvelle pour les très nombreuses personnes - plus d'un milliard - qui comptent parmi les plus pauvres et les plus marginalisées du monde.Pourtant, bien que ces maladies affectent des millions de personnes et fassent chaque année des dizaines de milliers de victimes, l'industrie pharmaceutique, les décideurs politiques et les médias se sont généralement peu intéressés jusqu'ici par cette problématique. Chez MSF, nous avons concentré nos efforts sur les maladies tropicales les plus négligées, qui font le plus de victimes. C'est-à-dire le kala-azar (leishmaniose viscérale), la maladie du sommeil (trypanosomiase africaine humaine) et la maladie de Chagas.C'est lors d'une intervention dans des camps de déplacés près de Khartoum, au Soudan, que nous avons rencontré pour la première fois cette maladie. Nous n'avons toutefois pas pu l'identifier d'emblée. Nos équipes ont vu arriver de nombreuses personnes très affaiblies et souffrant de malnutrition sévère, originaires de l'ouest de la région du Nil supérieur. Elles présentaient une fièvre persistante et une splénomégalie et leur système immunitaire était affaibli. La plupart sont mortes, généralement des suites d'une infection opportuniste.Les années qui ont suivi ont vu le développement de nouveaux outils permettant une meilleure prise en charge de la maladie. Au cours de ces dix dernières années, les donateurs et les programmes nationaux se sont de plus en plus associés à la lutte contre le kala-azar, et l'accès au traitement s'est amélioré. Aujourd'hui, les patients qui arrivent dans nos centres de santé sont encore souvent très mal en point, mais lorsqu'ils reçoivent un traitement et des soins appropriés, ils se rétablissent presque miraculeusement. Des bébés d'à peine trois mois nés avec le kala-azar peuvent être complètement guéris. En outre, une fois rétablis, la plupart des patients sont immunisés à vie contre la maladie, ce qui n'est pas le cas pour le paludisme par exemple.La maladie du sommeil était autrefois l'une des maladies tropicales les plus négligées, mais grâce à des interventions de lutte très efficaces, elle est désormais en voie d'éradication dans le monde, avec moins d'un millier de cas recensés en 2018. Ce résultat a été rendu possible grâce à la collaboration internationale, à la mise au point d'outils de diagnostic plus performants et de nouveaux schémas thérapeutiques, et à la mobilisation et à l'investissement continus de ressources dans le cadre des programmes nationaux.Les avancées réalisées pourraient toutefois être menacées car, même si de nouveaux tests de dépistage plus performants sont en cours de développement, la demande pour ces outils de diagnostic diminuera parallèlement à la baisse du nombre de cas. Je crains donc des problèmes de disponibilité et des ruptures de stocks dans le futur. Il est essentiel que les fabricants s'engagent durablement à produire des médicaments de qualité et à garantir la disponibilité des outils de diagnostic pour la maladie du sommeil. Et ce d'autant plus vu l'objectif d'éradication, les outils de diagnostic étant appelés à jouer un rôle déterminant dans la validation et la pérennité de l'élimination de la maladie.La maladie de Chagas est la maladie parasitaire la plus courante mais aussi la première cause de mortalité et d'insuffisance cardiaque dans les pays d'Amérique latine, où cette maladie tropicale négligée est endémique. Malheureusement, selon les estimations, 99% des personnes qui en sont atteintes ne sont pas diagnostiquées et moins de 0,2% des malades reçoivent le traitement dont ils ont besoin. Depuis le premier projet MSF de lutte contre la maladie de Chagas, dans les années 1990, les institutions, les groupes de patients, les ONG et d'autres acteurs sont de plus en plus nombreux à se mobiliser au niveau local et international en faveur de la sensibilisation, du diagnostic, du traitement et de la prévention de cette maladie.Il reste un long chemin à parcourir et de nombreux défis à relever pour reléguer les maladies tropicales négligées dans les oubliettes de l'histoire. Les progrès dans la lutte contre ces maladies, en vue de leur éradication, sont mis en péril par de nombreux facteurs, notamment les crises humanitaires, les catastrophes nationales, le changement climatique et les déplacements de population.L'éradication de ces maladies impose d'améliorer de toute urgence l'accès aux tests de diagnostic existants et de mettre au point très rapidement de nouveaux tests plus performants. Les tests existants ne font en effet pas l'objet de dons et ils ne sont souvent pas disponibles sur le terrain.De plus, de nombreux tests de diagnostic ne sont pas suffisamment précis.La disponibilité sur le terrain de tests de diagnostic fiables faciliterait grandement l'intégration du diagnostic et du traitement des maladies tropicales négligées dans les services de soins de santé. Dans les pays aux ressources limitées, un pourcentage élevé des fièvres persistantes d'origine inconnue a probablement pour origine une maladie tropicale négligée. En l'absence de tests sensibles et spécifiques faciles d'emploi, la plupart de ces cas ne sont ni diagnostiqués ni traités.La qualité et la sécurité d'approvisionnement des médicaments contre ces maladies tropicales négligées méritent toujours toute notre attention. Les pays endémiques et les bailleurs de fonds doivent continuer à concentrer leurs efforts sur les besoins des plus pauvres parmi les pauvres. En outre, une réforme de l'écosystème mondial de la recherche et du développement s'impose pour encourager le développement de nouveaux outils plus performants dont les patients négligés ont besoin de toute urgence.