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Le Pr Marion Delcroix de l'UZ Leuven est catégorique: "Un patient diagnostiqué avec une maladie rare ne sait pas vers quel hôpital se tourner pour la meilleure prise en charge. Même le médecin traitant est souvent démuni." L'absence de centralisation de l'expertise est une impasse qui nuit à la qualité de la recherche et à l'accumulation de connaissances médicales dans les hôpitaux belges. Pour Marion Delcroix, regrouper des patients autour de quelques centres renforcerait l'expérience clinique des soignants, du radiologue au psychologue. 660.000 à 880.000 personnes sont concernées par les maladies rares en Belgique. Pourtant, le manque de reconnaissance politique et de financement systémique freine la mise en place de centres. Eva Schoeters (RaDiOrg) rappelle que la Fondation Roi Baudouin a fait un "travail méritoire", mais pointe du doigt l'inefficacité chronique de l'implémentation de structures dédiées: "La complexité politique, l'absence de gouvernance claire et le manque d'un cadre stratégique bloquent tout progrès. En Europe, les réseaux d'expertise sont établis, alors pourquoi pas chez nous?"Christophe Deborsu relance sur l'absence de décisions concrètes, soulignant une décennie de promesses non tenues. "Est-ce que le prochain gouvernement va enfin prendre en main un plan définitif pour les maladies rares?" interroge-t-il, face à un Jean-François Gatelier (Les Engagés) hésitant: "Nous le souhaitons, mais les politiques sont plus préoccupés par les maladies chroniques."Deborsu rebondit en interpellant Kathleen Depoorter (N-VA), qui estime qu'une hausse du budget santé n'est pas vraiment dans le programme de son parti mais peut s'envisager si "des critères d'efficience clairs" sont établis et s'il existe un soutien accru pour les centres d'expertise. Hervé Cornillie (MR) appelle à "refédéraliser le plan maladies rares" pour éviter une dispersion institutionnelle qu'il qualifie de "lasagne institutionnelle", sous l'oeil goguenard de plusieurs politiciens flamands. La discussion expose également des disparités flagrantes entre Flandre et Wallonie. Mme Depoorter constate que la Flandre est "un peu plus avancée", alors que la Wallonie, selon Cornillie, "réfléchit plus longtemps avant d'agir". Une fracture géographique et politique qui soulève la question de la régionalisation des soins de santé, un sujet récurrent dans les discussions. Cependant, Eva Schoeters réplique qu'en Flandre, il n'existe pas vraiment de centres de référence mais des réseaux dispersés et qui manquent de leadership, soulignant l'importance d'un cadre plus structuré. Dirk Devroey (Open VLD) insiste sur l'urgence: "La reconnaissance des centres ne doit pas être un obstacle. Il est temps de s'aligner sur les critères européens sans perdre une autre décennie." Un appel à l'action concertée et pragmatique. Christophe Deborsu souligne la nécessité de moyens concrets et d'une volonté politique forte pour sortir de l'impasse. Caroline Désir (PS), qui n'a pas vocation à monter au gouvernement (à moins que l'Arizona soit dans l'impasse totale) se dit favorable à un plan, ajoutant que "des moyens doivent accompagner un cadre légal". Rappelons qu'il y a dix ans, "sa" ministre, Laurette Onkelinx avait lancé un Plan maladies rares mais sans les moyens suffisants. Jeremie Vaneeckhout (Groen/Ecolo) met l'accent sur la prévention et des diagnostics précoces, dénonçant un financement déséquilibré: "La prévention relève du niveau flamand, mais ses bénéfices profitent au fédéral. Ce désalignement crée un désavantage systémique."La nécessité de choix stratégiques clairs est soulignée dans le public par le Dr Olivier Devuyst, en charge de la fonction maladies rares des Cliniques Saint-Luc, qui appelle à regrouper les maladies rares en entités spécifiques pour garantir un accès rapide aux traitements innovants. "On ne peut avoir un centre pour chaque maladie, cela nécessiterait des milliers de centres."Les intervenants conviennent qu'il est temps de prendre des décisions courageuses pour éviter que les patients ne restent dans une situation de dénuement face à la complexité institutionnelle et au manque de moyens. Une question cruciale résume le débat: quelle méthode la Belgique compte-t-elle adopter pour enfin reconnaître ses centres d'expertise et offrir aux patients la prise en charge qu'ils méritent? Ce qui manque véritablement face à des malades dispersés (700.000 pour 6.000 maladies différentes), c'est de l'attention, souligne Eva Schoeters, directrice de RaDiOrg, un peu dépitée et au bord des larmes...