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Si un patient choisit de vous avantager dans son testament (en vous léguant p.ex. une somme d'argent, une oeuvre d'art ou un bijou coûteux) pour vous remercier de vos bons soins, en principe, ce legs est parfaitement valable. Aucune disposition légale ou déontologique ne s'oppose en effet fondamentalement à ce qu'un médecin hérite de l'un de ses patients, et il en va de même pour les donations. En principe, il suffit donc que le testament ou l'acte de donation réponde aux conditions qui s'appliquent à tout un chacun pour être valable également au bénéfice d'un médecin. Si un patient vous lègue quelque chose, vous avez aussi en règle générale le droit de l'accepter - là encore, aucun texte de loi ne dit le contraire. Néanmoins, quelques nuances déontologiques s'appliquent si vous êtes informé(e) au préalable des intentions du patient, par exemple parce qu'il vous en parle. Vous devriez en effet dans ce cas vous efforcer de le faire changer d'avis (voir plus loin). Il existe par ailleurs une exception aux règles générales exposées ci-dessus. La loi prévoit en effet que, si vous avez soigné le patient durant la maladie dont il est décédé, vous ne pouvez pas être avantagé par un acte de donation ou un testament rédigé dans le décours de cette dernière. Trois conditions doivent être respectées pour que cette exception s'applique. Tout d'abord, il faut que le document ait bien été établi au cours de la maladie. Un testament établi avant que le patient ne la contracte restera donc tout à fait valable. Ensuite, vous devez effectivement avoir traité le patient au cours de la maladie qui lui a coûté la vie. Si vous n'êtes pas intervenu dans le diagnostic ou dans les traitements administrés dans ce cadre, l'exception ne s'appliquera pas. Enfin, il faut que la pathologie dont question ait bien été à l'origine du décès, ce qui ne sera pas le cas si le patient est mort p.ex. d'un autre problème de santé ou d'un accident. Lorsque l'exception s'applique, un legs au bénéfice du médecin ne sera pas valable et vous ne pourrez donc pas le réclamer, même si vous ignoriez que le patient avait choisi de vous avantager dans son testament (et que vous ne l'avez donc appris qu'après son décès). Sachez néanmoins que, en cas de contestation, les héritiers légaux devront prouver que toutes les conditions étaient bien remplies pour que l'exception s'applique. L'exception susmentionnée (qui concerne les testaments établis au cours de la maladie ayant coûté la vie au patient) ne s'applique pas non plus si le patient est un membre de votre famille - ou, plus précisément, une personne apparentée jusqu'au quatrième degré, pour autant qu'elle n'ait pas d'héritiers en ligne directe ou que vous fassiez vous-même partie de ces derniers. Idem si le patient est votre conjoint, cohabitant légal ou cohabitant de fait. Si vous avez vent du fait qu'un patient à l'intention de vous avantager dans son testament, le Conseil National de l'Ordre des Médecins recommande néanmoins dans l'un de ses avis (qui concerne à la base les donations mais qui peut aussi, à mon sens, s'appliquer aux testaments dont vous auriez connaissance) de refuser poliment, en expliquant à l'intéressé qu'il ne serait pas approprié pour vous d'accepter sa générosité. L'Ordre suggère dans ce cas d'en discuter avec lui pour voir s'il n'existe pas d'alternatives acceptables, comme un don à une bonne cause ou la rédaction de remerciements sincères. Lorsqu'un patient insiste malgré tout pour faire une donation (ou un legs) à son médecin, celui-ci doit avoir la conviction que ceci n'influencera pas son jugement professionnel et ne nuira pas à la relation de confiance, en particulier lorsque le patient se trouve dans une position extrêmement vulnérable en raison de son état de santé. Enfin, l'Ordre rappelle qu'un médecin ne peut - évidemment - en aucun cas inciter un patient à faire une donation qui l'avantage directement ou indirectement et ne peut pas susciter ou encourager le sentiment que le patient lui est moralement redevable. L'exercice de sa profession par un médecin ne justifie en effet pas d'autre récompense matérielle que le paiement de ses honoraires.