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Trop amoureux de la belle Leyli, le jeune poète persan Qeys est, en ce premier siècle d'Islam, congédié par le père de la jeune fille dans le désert d'Arabie, où celui que l'on a surnommé "Majnûn", "le fou", peuple sa solitude des seuls mots de sa poésie amoureuse, pour finalement atteindre, détaché des biens terrestres, via d'autres voies, un bonheur absolu... Au 15e siècle, le poète Jâmi s'empare de ce récit légendaire, en livre une interprétation aux volutes mystiques enrichies de spiritualité soufie, dont le souffle et l'âme transparaissent dans la traduction de Leili Anvar. Elle est rehaussée dans ce livre somptueux des chefs-d'oeuvre de livres enluminées moghols et persans choisis par Patrick Ringgenberg, historien de l'art et des religions, chercheur à l'université de Lausanne, et Amina Taha-Hussein Okada, conservatrice en charge des arts de l'Inde au Musée Guimet de Paris. Un art du livre enluminé et illustré apparaît en effet au 18e siècle, et s'épanouit dans les cours royales et princières de culture persane. Il se nourrit d'une tradition poétique qui, bien avant leur avènement, imposa le persan comme langue littéraire, mystique et scientifique de l'Iran à l'Inde du Nord. Ainsi la légende de Leyli et Majnûn a-t-elle été illustrée dans tout l'Orient, d'Iran en Afghanistan en passant par l'Irak, la Turquie et même l'Inde avec ses écoles mogholes et du Deccan. Outre des images de ce poème légendaire (de Majnûn et Leyli par différents écoles et styles), le lecteur peut admirer en feuilletant ce livre somptueux des dépictions du poète Jâmi, d'anges, de jeune homme élégant iranien de la fin du 16e siècle ou d'exquis calligrammes, dont l'un, extraordinaire, prend la forme d'un perroquet. Des miniatures certes, mais un grand livre d'art!