Des chercheurs de l'Université libre de Bruxelles et de l'Université de Cape Town montrent que les cellules T V?9V?2, premiers lymphocytes T à être générés dans le foetus humain, forment, après la naissance, une première ligne de défense face aux microbes qui leur permet de lutter contre les infections en début de vie.
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Une fonction essentielle du système immunitaire est la protection contre les infections, tout en évitant une activation excessive, potentiellement délétère pour les organes en développement. Certains micro-organismes, relativement anodins chez le grand enfant ou l'adulte, peuvent causer des infections sévères, menaçant la vie et/ou le développement du foetus et du nouveau-né. Même si les bébés doivent aussi pouvoir se protéger contre les agents pathogènes auxquels ils sont exposés dès la naissance, on a longtemps cru à une quasi-absence de cellules T actives, cette absence permettant d'éviter les réactions inflammatoires. Toutefois, dans un passé récent, des études ont montré que les bébés possèdent des lymphocytes T alpha-bêta, pas encore vraiment développés comme ils le sont chez l'adulte, mais qui peuvent être actifs. D'autres cellules T, les cellules T Vg9Vd2 (lymphocytes T gamma-delta) permettraient aux bébés de se défendre contre les infections en début de vie. Collaboratrice scientifique FNRS, Maria Papadopoulou s'est focalisée sur ces cellules-là dans le cadre de sa thèse de doctorat. À partir de cette thèse et dans le prolongement de précédents travaux, une équipe du département de recherche en Pharmacothérapie et Pharmacie galénique et de l'ULB-Center for Immunology Research, menée par le Dr David Vermijlen, a publié une étude dont le résultat offre des perspectives prometteuses. " Nous avons aussi collaboré avec des chercheurs de l'Université de Cape Town, en Afrique du Sud, " tient à préciser le Dr Vermijlen. " Ils ont isolé des globules blancs à partir d'échantillons sanguins de bébés âgés de 10 semaines et ils les ont envoyés en Belgique après les avoir congelés dans l'azote liquide. Nous les avons décongelés avant de les analyser. " " Grâce à une technique pointue de séquençage des récepteurs spécifiquement exprimés par les cellules T Vg 9Vd 2, nous avons d'abord montré que ces cellules qui se trouvent dans le sang des bébés dix semaines après la naissance ont leur origine dans le foetus, " poursuit David Vermijlen. " Il s'agit des premiers lymphocytes T à être générés dans le foetus, du moins chez les primates car ils n'existent pas chez les souris, ce qui ne permet pas d'utiliser un modèle murin. " " In vitro, c'est difficile de les activer mais apparemment in vivo, on découvre que ces cellules non conventionnelles sont vraiment différenciées et qu'elles ont toute une série de fonctions. Nous les avons aussi comparées avec les mêmes cellules chez l'adulte. Leurs réponses à la stimulation in vitro et leurs fonctions effectrices à la naissance sont plus faibles que celles des adultes. Ce qui s'explique peut-être par le besoin de tolérance in utero. Il est en effet préférable qu'elles ne soient pas trop réactives car s'il y a une surstimulation du système immunitaire du foetus, cela pourrait contribuer à de fausses couches. " Par contre, juste après la naissance, la donne change et les scientifiques de l'ULB ont constaté que lors de la transition vers l'exposition microbienne qui est proéminente à ce moment-là, les cellules T Vg9Vd2 dérivées du foetus prolifèrent et se différencient en cellules effectrices cytotoxiques puissantes. " Dès l'instant où les nouveau-nés et les nourrissons sont exposés aux bactéries du microbiome, nous pensons que lymphocytes T gamma-delta fournissent une première ligne de molécules effectrices antimicrobiennes afin de lutter contre les infections en début de vie, sachant que les autres cellules du système immunitaire, les lymphocytes T alpha-bêta, ne sont pas encore vraiment développées ", indique le Dr Vermijlen. Ces résultats ouvrent la voie à de nouvelles recherches notamment sur le rôle des cellules T Vg9Vd2 contre les infections dans les premiers stades de la vie, comme la toxoplasmose congénitale ou la malaria lors de la grossesse, et chez les enfants prématurés. " En ce qui concerne le parasite Toxoplasma gondii, nous sommes déjà bien avancés au niveau de l'analyse et il apparaît clairement que les cellules T Vg 9Vd 2 peuvent jouer un rôle contre ce type d'infection, " confirme David Vermijlen. " En ce qui concerne le Plasmodium, nous sommes toujours en quête d'échantillons pour entamer les investigations. " Enfin, cette étude pourrait avoir des retombées au niveau vaccinal. " Le fait que les cellules T Vg 9Vd 2 sont tellement actives en début de vie devrait les qualifier pour être prises en compte lors du développement de vaccins pour les nouveau-nés et nourrissons. "