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" Dans les années 70, il y a eu une unification de la réflexion sur le trauma (sexuel, de guerre...) pour créer une entité nosographique particulière, le trouble de stress post-traumatique (TSPT) qui ne résume pas les effets psychiques du trauma, mais c'est l'élément le plus consensuel et spécifique ", précise le Pr Jacques Dayan, pédopsychiatre (CHU Rennes), venu parler de l'effet des traumas sur le nourrisson le 30 janvier dernier, dans le cadre du cycle de conférences sur les événements de vie traumatiques chez l'enfant et l'adolescent, organisé par le service de pédopsychiatrie de l'Huderf (ULB). " Ensuite, il a fallu faire une deuxième révolution en s'intéressant aux traumas non plus chez l'adulte mais chez l'enfant, et puis une troisième en s'intéressant aux bébés où le trauma est marqué par deux éléments opposés : l'intrusion ou la répétition et l'évitement ou le refoulement, qui agissent dynamiquement l'un avec l'autre. On tend à penser actuellement que la répétition est l'élément fondamental du trouble. "Le Pr Dayan met en garde : " Contrairement à ce qu'on peut penser, il y a des violences sexuelles sur les bébés, certaines sont évidentes (introduction d'objets, viol...) et d'autres sont limites (excitation anormale lors des soins...). Ces populations entre 0 et trois ans sont les plus menacées de maltraitance. "A côté, il y a les agressions physiques, les violences psychologiques et domestiques. " Par exemple, le sommeil des enfants dont les parents se disputent souvent est altéré, pas simplement en termes comportementaux mais aussi sur les EEG de sommeil. Dans les enquêtes rétrospectives, environ 20% des adultes font part de la maltraitance qu'ils ont subie dans l'enfance. Les hospitalisations en psychiatrie ne reflètent donc que partiellement la réalité. "Les traumas collectifs ont ceci de particulier qu'ils atteignent l'enfant et ses parents : " Souvent c'est à travers les adultes que les enfants manifestent des troubles, l'enfant est en effet assez résistant à son environnement sauf si ses parents n'y résistent pas. Mais, on ne peut pas concevoir le trauma sans concevoir ce qui va être un facteur de résilience à savoir la mère (ou les 'care givers'). "In utero, à partir de six mois, le développement cérébral est très sensible à l'environnement. C'est l'épigenèse neuronale, la capacité de l'organisation cérébrale à s'adapter aux stimuli environnementaux. " Chez le bébé et les adolescents, les conduites à risque et exploratoires contribuent à façonner le cerveau. Dès qu'il se meut, le bébé a des tas de conduites à risque ", prévient-il.Ensuite, la période autour de la naissance est à risque de traumatisme non collectif (non lié à la guerre...) parce que c'est le moment où les mères vont plus facilement aller mal et sont plus à même d'avoir un comportement inadapté, voire violent, voire traumatique chez leur enfant.Selon l'âge du trauma, il y a un risque de développement de pathologies mentales spécifiques : " Le tout petit présentera des troubles de la régulation sensorielle et émotionnelle ou de l'attachement, qui vont plus facilement devenir des troubles du comportement (TDAH, oppositionnels ...) : c'est la part environnementale du trouble mental dans le développement, elle est en tension avec la part innée du développement qui va faciliter le trouble mental. Il est toujours difficile de conceptualiser ce qui est inné ou acquis. "Dans le trauma du bébé et de l'enfant, on distingue la transmission transgénérationnelle (affecte plus d'une génération et n'est pas nécessairement le fait de générations en lien entre elles), la transmission intergénérationnelle (entre deux générations en relation) et la traumatisation secondaire (conséquence des effets du trauma du parent déprimé, agressif qui frappe son enfant...). " Les parents transmettent non seulement des éléments traumatiques mais aussi des moyens de se défendre contre ceux-ci. "Il y a 4-5 types de maltraitances et de situations (père en prison, alcoolique, divorce...) : ces événements sont à risque pour le développement, altèrent l'équilibre mental et s'accompagnent de nombreux troubles somatiques. " Le trauma parental s'exerce par des voies multiples : il peut influencer les difficultés sociales, la relation de couple, modifier le système biologique intra-utérin, se manifester à travers le type de parentage ou d'éducation donnée... C'est tout un système complexe qui est à l'oeuvre et n'agir que sur un des éléments de la transmission a beaucoup de chance d'être inefficace à titre de thérapeutique ou de prévention ", indique le spécialiste.Chez le bébé, le TSPT peut se manifester par de l'hypervigilance, de l'anxiété de séparation, des troubles émotionnels quand un indice rappelle le trauma, de la peur ou évitement des endroits rappelant l'événement, des troubles du sommeil, des cauchemars, des jeux répétitifs... D'autres sont non spécifiques : pleurs, cris, vigilance figée, aspect choqué, retrait, perte du comportement ludique, du sourire et des babillages..." Les symptômes du TSPT tendent à perdurer même s'il y a un traitement, or on sait que ce sont les prémices des troubles psychiques et somatiques chez l'adulte. En général, on ne recherche pas le TSPT chez les bébés, même chez l'enfant et l'adolescent, parce qu'on est souvent pris par d'autres pathologies associées et parce qu'on a du mal à se positionner dans la balance inné/acquis. Le TSPT chez le bébé et le très jeune enfant est plus fréquent et plus grave qu'on ne le croyait et c'est un facteur de risque pour tout et notamment pour un nouveau TSPT ", conclut le Pr Dayan.