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Plusieurs collègues m'ont décrit leur vécu des lourdeurs bureaucratiques. "Y a-t-il un mieux?" Réponse unanime: "un pire". Quand on leur demande de préciser, ils insistent sur les encodages liés à la pandémie Covid-19 et sur les bugs informatiques. Harcelés de cases à cocher ou à remplir, nous obtempérons le plus vite possible pour en être quitte. Quant aux conditions générales de la moindre application, nous les acceptons sans lire leur phraséologie juridique. N'en va-t-il pas ainsi depuis des générations? Combien de contrats présentés par des professionnels n'ont-ils pas été signés après des explications souvent réduites à un bref résumé, rarement poussées jusqu'à la lecture complète à haute voix. Seule différence avec aujourd'hui: l'obsolescence programmée des contacts personnels par le biais des FAQ (Foires Aux Questions) et... les bugs. Les décideurs d'en haut devraient se mettre à la place de ceux d'en bas lorsqu'ils conçoivent des programmes consommateurs d'énergies médicales et infirmières. Les malades ne se rendent pas compte du temps d'attention qui leur est volé par les usines à gaz bureaucratiques désormais informatisées. Ils signent eux aussi les yeux fermés. Les consentements éclairés par exemple. Jusqu'à ce que l'un d'entre eux vous interpelle avec un raisonnement aussi pertinent qu'inattendu. Vous me mettez tout le fardeau sur le dosAprès s'être dûment informé, le patient va donner le feu vert. Dernière formalité: le consentement éclairé. La plupart des gens ne lisent pas. Ce patient hors norme, lui, a tout lu. Vous rendez-vous compte de ce qui est écrit là-dedans?Je m'adresse à la médecine pour qu'elle m'aide à porter un fardeau et vous me le remettez sur le dos tout alourdi de précautions juridiques. Si les consentements éclairés ont pour but premier le respect du patient, celui-ci rate sa cible. Réaction minoritaire sans doute, mais nous aurions tort de la balayer. J'y vois au contraire un signal sur un des aspects important de cette période de transition: l'asymétrie des relations humaines dans une société où les savoirs se fragmentent en inévitables spécialisations et où les pouvoirs, par essence généralistes, se barricadent derrière des textes de spécialistes... illisibles pour les profanes. Une sourde lutte d'egos entre la base et le sommetRetour au jdM N°2692 (du 11 novembre 2021). Les médecins doivent passer de la science au sens et à la valeur dans leurs relations avec les patients. Dès ce niveau interpersonnel, les caractères et les egos entrent en jeu, pouvant soutenir ou saborder les meilleures décisions. Mais sans autres conséquences qu'individuelles. Il en va tout autrement dans les enjeux de pouvoirs et d'intérêts qui caractérisent les relations verticales dans les groupes. En principe, les fonctions bureaucratiques servent à mettre de l'huile dans les rouages et non des bâtons. Malheureusement, à ces niveaux décisionnels, les egos exercent de telles pressions qu'il faut les canaliser par des procédures et revers de la médaille, ces diaboliques egos se servent des procédures pour bétonner leurs pouvoirs. Comment redonner du sens et de la valeur aux fonctions bureaucratiques? Mobiliser les egos nuancés pour apaiser les egos extrêmes. Il y a du travail sur la planche. Mais avons-nous le choix? L'essentiel contre les lourdeurs bureaucratiques? Respecter les bureaucrates en donnant du sens et de la valeur à leurs fonctions. ? Au lieu de s'opposer à eux, négocier avec eux comme de plus en plus de patients le font avec les médecins. ? Leurs montrer qu'ils peuvent réduire les répétitions d'écritures et d'encodages sans altérer, au contraire, en améliorant, leurs rôles de facilitateurs. ? Davantage penser les documents pour en faciliter la lecture, le remplissage et la communication. ? Expliquer le pourquoi des documents, leur utilité précise. ? Offrir aux utilisateurs la possibilité de suggérer des améliorations, ce que font déjà les bons helpdesks.