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Le prix des médicaments innovants inquiète les autorités belges (et d'ailleurs européennes). Un récent rapport de l'Inami évalue à près de 35% (1,930/5,522 milliards - 2020) du budget idoine la place prise par les médicaments "art 81" qui s'adressent à des catégories de patients peu nombreux et souffrant de maladies hors du commun. La médecine évolue par ailleurs (et c'est une bonne chose) vers des traitements de plus en plus personnalisés et donc une explosion des coûts. Les "licences obligatoires" pourraient-elles inverser la tendance? C'est la question posée par la Commission Santé de la Chambre au KCE. "Il ressort de notre étude, menée en étroite collaboration avec des équipes coordonnées par l'Universiteit Antwerpen et la KULeuven, que les licences obligatoires sont un mécanisme qui permet de pondérer la protection étendue conférée par les brevets lorsque celle-ci semble déséquilibrée", explique le KCE. "Elles ne peuvent toutefois être utilisées que dans des circonstances exceptionnelles, et comme un outil parmi d'autres pour tenter de préserver un prix abordable pour les médicaments. Chaque situation doit donc être envisagée au cas par cas. Les chercheurs considèrent également qu'il est nécessaire de se coordonner avec d'autres pays européens."L'idée de limiter la protection du brevet - récompense légitime d'un laboratoire pharmaceutique pour ses recherches mais qui lui octroie souvent des positions dominantes sur le marché et donc des prix très élevés - pour encourager la production de médicaments hors-brevets moins chers est bonne. Dans ce cadre, le principe de la licence obligatoire est de permettre de fabriquer un médicament concurrent avant l'expiration de la protection par la patente. "Le titulaire du brevet reçoit alors une rémunération "raisonnable" à titre de compensation. Les licences obligatoires sont autorisées sous certaines conditions par le droit international, européen et national des brevets."Est-ce pour autant une solution pour la Belgique? Jusqu'à présent, la licence obligatoire est surtout utilisée dans des pays en voie de développement. "Il n'existe que quelques rares exemples de licences obligatoires octroyées dans des pays à revenu élevé, et il ne s'agissait pas, en général, de réagir face à des prix jugés trop hauts, mais plutôt de répondre à une indisponibilité de certains médicaments." Par ailleurs, d'autres mécanismes peuvent rendre ces licences inopérantes comme les règles d'exclusivité qui interdisent à un génériqueur d'utiliser les données démontrant l'efficacité de la thérapie pendant huit ans et qui obligent celui-ci à mener ses propres essais cliniques, forcément coûteux. En outre, les licences obligatoires ne donnent pas accès au savoir-faire des firmes innovantes, ce qui limite la capacité des firmes produisant des génériques. "D'autres défis potentiels, d'ordre plus pratique, sont la capacité de production des entreprises locales et l'accès aux matières premières nécessaires, pour ne donner que ces deux exemples."Outre les obstacles susdits, le KCE pointe, enfin, le risque de déséquilibrer "l'écosystème pharmaceutique" belge, soit un environnement propice à l'innovation et mondialement réputé qui attire des fleurons de la recherche pharma sur notre territoire et qui pourvoie à de nombreux emplois de haut-niveau.