Désormais, les interventions non médicamenteuses (INM) bénéficient d'un cadre scientifique et d'un site qui facilite l'accès à ces prises en charge pour les professionnels de la santé et les patients.
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Pourquoi parler des interventions non médicamenteuses (INM) aujourd'hui? "Parce que la médecine personnalisée est en marche, parce que les repérages précoces arrivent dans les cancers, les maladies psychiatriques et neurologiques, parce que les repérages vont se faire de plus en plus tôt chez la personne âgée et parce qu'il faudra offrir aux soignants et aux acteurs de la prévention des outils pour leur permettre d'aider les personnes fragiles ou en difficulté. Il est intéressant d'avoir des messages de santé publique, mais il faut aussi avoir des actions ciblées, personnalisées et efficaces", précise Grégory Ninot, président de la NPIS (Non-Pharmacological Intervention Society) et professeur à l'Université de Montpellier. Le 16 octobre, à l'occasion du "NPIS Summit 2024", un événement international rassemblant les acteurs de la prévention, du soin et de l'accompagnement en santé, la NPIS a présenté le "Référentiel des interventions non médicamenteuses" et les premiers protocoles EBM. "Élaboré en collaboration avec des autorités sanitaires et l'appui d'acteurs académiques et de mutuelles, ce référentiel rendra accessibles aux professionnels de la santé européens et au grand public des solutions personnalisées de prévention, de soin et d'accompagnement, labellisées selon un cadre scientifique rigoureux. Il facilitera la recherche et l'accès aux pratiques non médicamenteuses, reconnues comme pertinentes", explique-t-il. "L'absence de définition et de cadre scientifique consensuels sur ces pratiques ne permettait pas de donner toute leur place aux INM, pourtant essentielles pour la prévention et le soin de nombreuses pathologies. Grâce à ce référentiel, les prises en charge marcheront enfin sur leurs deux jambes: celle des traitements médicamenteux et celle des INM, complémentaires et sources d'équilibre pour les patients."Le "NPIS Summit 2024" (16-18/10) a permis d'expliquer l'ensemble du dispositif mis en place, à savoir la société savante internationale Non-Pharmacological Intervention Society, créée en France mais sollicitée au niveau européen et mondial, la définition des interventions non médicamenteuses, coconstruite par la NPIS, avec le soutien de l'Inserm, sur la base d'un travail préliminaire de dix années au sein d'une plateforme universitaire collaborative et, enfin, le NPIS Model, un cadre d'évaluation conçu en deux ans selon une démarche scientifique interdisciplinaire et intersectorielle avec plus de 1.000 participants. Qu'est-ce qu'une intervention non médicamenteuse? L'OMS en donne une définition depuis 2003 et le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (ECDC) depuis 2020: il s'agit "des méthodes ciblées sur un problème de santé connu de la médecine occidentale, explicables, efficaces, sûres et encadrées par des professionnels formés. Ces pratiques corporelles, nutritionnelles et psychosociales constituent un complément aux autres solutions de santé dont les contours, les bénéfices et risques sont clairement identifiés et définis, et en aucun cas en remplacement des prescriptions en cours." On parle ici de protocoles de kinésithérapie, d'ergothérapie, de sport santé, de nutrition, de psychothérapie, d'éducation thérapeutique, etc. Le site www.referentielinm.org permet de rechercher une solution par problème de santé ou par catégorie d'INM (psychosociale, corporelle et nutritionnelle). Pour l'instant, onze fiches sont disponibles reprenant les premiers référentiels validés et codifiés (notice usager et mode d'emploi pour professionnel). La NPIS a nommé cette bibliothèque de protocoles opérationnels le "Référentiel des INM". Il est amené à être enrichi et adapté grâce au retour d'expériences des usagers et des professionnels. "L'enjeu est d'améliorer les pratiques en continu et surtout de les faire connaître au plus grand nombre, y compris aux décideurs. Qu'il s'agisse de soin ou de prévention, nous estimons à 10.000 le nombre d'INM pouvant être intégrées", estime-t-il. La Belgique était présente au congrès de la NPIS par l'entremise du Pr Steven Laureys, neurologue à l'ULiège et au Canada, venu parler du rôle de la méditation en médecine. Pour illustrer encore l'intérêt des INM, le Pr Ninot a donné trois exemples d'interventions présentes dans le référentiel. La première concerne la prévention des chutes chez les personnes âgées. "Le Pr Archibald John Campbell, ex-doyen de la faculté de médecine de l'Université d'Otago en Nouvelle-Zélande, a développé une méthode, le programme Otago d'exercices, comprenant 72 séances de groupe données par un kinésithérapeute pendant six mois. Cette intervention montre une efficacité remarquable, avec une diminution du risque de chutes et de blessures de 35% par an, et où 1 euro investi en rapporte 2,5. C'est très loin la Nouvelle-Zélande, et ce programme Otago n'est pas très connu, dès lors, le référentiel permet de dire que cette méthode existe. Partager cette connaissance est un élément important."La deuxième intervention vise la réduction des troubles cognitifs chez les personnes âgées. La Pre Aimee Spector (University College London) a mis au point une thérapie par stimulation cognitive. Cette intervention de groupe dure sept semaines, réparties en 14 séances, et est donnée par un psychologue, un neuropsychologue, un ergothérapeute ou un infirmier. "Cette méthode est extrêmement efficace. Elle a non seulement un impact significatif pour la santé des patients (amélioration de la mémoire, des fonctions exécutives, du langage, de l'humeur et des interactions sociales), mais elle améliore aussi la qualité de vie des aidants. Elle n'est pas très connue non plus, notre ambition est de la diffuser", assure-t-il. Le troisième exemple démontre que les INM ne sont pas des anti-médicaments, insiste Grégory Ninot: "Avant, les chimiothérapies étaient systématiquement données en intraveineuse. Depuis quelques années, on propose des traitements par voie orale, avec comme conséquence qu'un patient sur trois ne les prend pas correctement. Ici, plusieurs personnes dans le monde ont collaboré pour mettre au point une solution d'une efficacité remarquable. Il s'agit d'une consultation par un pharmacien pour les sujets à risque, suivie par trois appels téléphoniques donnés par une infirmière pour vérifier pendant trois mois si le traitement est effectivement pris. On observe une amélioration de l'observance, une réduction des toxicités et des effets indésirables, une diminution du risque de décès prématuré et une amélioration de la qualité de vie.""Pour des chimiothérapies qui peuvent coûter de 27.000 à 100.000 euros par patient, financer un humain qui soigne un autre humain n'est-il pas un investissement utile pour éviter des conséquences dommageables?", s'interroge-t-il. "Paradoxalement, ce travail de suivi de sécurisation montre que même un pharmacien peut être un acteur d'une INM!"Les autres INM concernent la réduction de l'anxiété et de la fatigue durant les traitements d'un cancer, la rééducation des thromboses lymphatiques superficielles induites par les traitements d'un cancer du sein, la thérapie cognitivo-comportementale contre l'insomnie... Reste à diffuser ce référentiel. Un forum est organisé avec le soutien de l'Inserm à Bruxelles le 5 décembre prochain pour discuter des questions d'harmonisation scientifique, réglementaire, économique et technique.