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"Nos priorités ne sont manifestement pas partagées par les coupoles hospitalières", justifie la DeMeFF. "Nous constatons, depuis le début des discussions, une impasse dans les débats sur les points litigieux et une absence de transparence vis-à-vis de leurs membres - les hôpitaux. Dès lors, avec l'assistance de notre conseil juridique spécialisé, nous mettons en demeure l'ensemble des hôpitaux en Fédération Wallonie-Bruxelles de respecter la législation et l'accord trouvé."Les arguments de la DeMeFF et de son conseil, Progress Lawyers Network Brussels, se concentrent sur quatre points essentiels. Premièrement: il faut enregistrer et valoriser le travail réalisé à domicile au cours des gardes appelables comme du temps de travail effectif."Les médecins-spécialistes en formation (MSF) prestant des gardes appelables sont notamment tenus de répondre au téléphone pour des questions concernant le domaine dans lequel ils exercent", explique Me Leila Lahssaini. "Or, hormis le forfait pour la garde, les MSF ne bénéficient d'aucun enregistrement du temps effectif passé à donner des avis ni d'aucune compensation pour la mobilisation de leurs connaissances. Ces conditions de rémunération sont contraires à la législation nationale et européenne concernant le temps de travail." Elle prévoit que le temps de prestation durant lequel le travailleur est appelé pour répondre à des questions constitue du temps de travail et doit être rémunéré comme tel. "La Cour de justice de l'Union européenne a clairement confirmé cette position quant aux médecins de garde à domicile mais pouvant être à tout moment appelés pour des consultations médicales. La législation européenne doit donc être appliquée en Belgique selon cette même interprétation. La Cour de cassation a également rappelé que les heures durant lesquelles le MSF répond à des appels professionnels sont des heures de prestations effectives, et doivent donc être rémunérées comme telles."Deuxièmement: respecter l'obligation d'une pause de midi effective ou, à défaut, l'absence de décompte automatique du temps de midi.Un temps de midi ne peut être décompté du temps de travail qu'à la condition expresse que le médecin en formation puisse s'absenter de son service, sans rester à disposition de celui-ci (par téléphone ou physiquement). Or la DeMeFF a transmis à ses avocats la constatation que la "pause de midi" est décomptée du temps de travail automatiquement, quand bien même les MSF effectuent durant cette période des actes médicaux. La mise en demeure enjoint dès lors les coupoles hospitalières "à confirmer, vérifier et contrôler que, durant la pause de midi, les MSF ne sont pas à disposition de leur service de stage ou, le cas échéant, à rémunérer correctement l'ensemble du temps de travail effectivement presté". Et les avocats d'insister: "En l'absence de réponse positive sur ce point pour le 31 janvier 2023, notre cliente se réserve le droit de soutenir tout MSF dans toute procédure judiciaire visant à obtenir la rémunération due pour tout travail effectivement presté."Troisièmement: il faut calculer convenablement les heures supplémentaires.Il s'agit ici des sursalaires pour heures supplémentaires et heures "inconfortables". Leur paiement est "problématique". "En effet, les sursalaires attribués pour les heures inconfortables (+25% si nuit de semaine ou samedi, +50% si dimanche ou jour férié) et ceux liés à l'opting-out (+10% si heure prestée durant l'opting-out) ne sont pas cumulés. À l'heure actuelle, toute heure ayant bénéficié du paiement d'un sursalaire pour heure inconfortable est soustraite du calcul du total sur 13 semaines afin d'établir quelle part est à payer selon le régime de l'opting-out." Pour être conforme à la loi du 12 décembre 2010, il s'agit de considérer ces taux de 125% et 150% comme rémunération de base pour les heures inconfortables. "Une rémunération complémentaire de 110% du montant de base de 125% ou 150% doit donc être rajoutée à cela pour les heures prestées au-delà du temps de travail de base". Sur le terrain, les MSF constatent que ce n'est pas le cas. Enfin, le décompte des heures supplémentaires n'est pas calculé par semaine mais bien souvent reporté. C'est illégal, selon les avocats de la DeMeFF: "Les travaux préparatoires de la loi du 12 décembre 2010 sont clairs, précisant que les heures additionnelles (de opting-out) ne peuvent pas être reportées à la semaine suivante en cas de non utilisation au cours d'une semaine. Il ne s'agit en effet pas d'une durée moyenne, mais bien d'une durée maximale hebdomadaire. Il est donc contraire à la législation applicable de calculer le nombre d'heures additionnelles prestées sur une période de 13 semaines. Ce calcul doit être établi pour chaque semaine de travail."Notons que ceci est également plus conforme à une approche "sécuritaire" au niveau du surmenage.