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Qui aurait pu prévoir que la seconde vague de la pandémie serait pire encore que la première? Peter Degadt évoque l'exemple de l'AZ Damiaan à Ostende. "Le weekend dernier, il a accueilli en l'espace de 48 heures 40 patients Covid-19, dont quatre aux soins intensifs. Le virus est en train d'atteindre les recoins les plus isolés du pays et les SI, en particulier, commencent à se heurter à leurs limites. D'un autre côté, j'ai aussi l'impression que le roulement est plus important: les patients peuvent rentrer plus rapidement chez eux."Il faut dire que les hôpitaux sont tout de même mieux préparés qu'au cours de la première vague, avec davantage d'appareillage, d'instruments et de connaissances médicales qui améliorent le diagnostic, le traitement et la vitesse d'intervention. La situation n'en reste pas moins précaire de par le nombre colossal de patients. La situation est extrêmement pénible pour les hôpitaux et les prestataires. "La fatigue s'installe chez le personnel soignant et chez les médecins. C'est un peu le grand écart entre les spécialités qui sont au coeur de la crise (intensivistes, urgentistes, pneumologues, etc.) et celles qui ne sont pas directement concernées par le Covid-19 (chirurgiens, orthopédistes, ORL, etc.) - et c'est dur aussi pour eux qui ne peuvent pas exercer, il y a toute une capacité qui reste inutilisée. La tension est mal répartie. Les orthopédistes veulent bien participer à la lutte contre l'épidémie, mais c'est stressant et fatiguant." Peter Degadt évoque encore la vulnérabilité des institutions pour personnes handicapées. "Le centre Heilig Hart à Deinze ne dispose par exemple que d'un nombre limité d'infirmiers pour 430 patients. Il faudrait tout de même qu'il puisse compter sur un médecin ou responsable médical rattaché à l'hôpital. Il est indispensable de continuer à investir dans l'humain, dans les aptitudes et dans un soutien adéquat."Peter Degadt voit également toute une génération de médecins de famille qui approchent des 65 ans décrocher sous le poids du covid. "Dans d'autres circonstances, la plupart auraient sans doute encore exercé pendant quelques années, en particulier ceux qui travaillent en association ou en groupe... mais dans le contexte actuel, ils choisissent souvent de jeter l'éponge."Les laboratoires extramuros sont un peu restés hors du champ des radars au cours de la crise, mais Peter Degadt aimerait les voir intégrés aux réseaux hospitaliers. "On a l'impression que c'est un autre univers, on ne les voit émerger que lorsqu'un laboratoire est racheté. Pourtant, eux aussi font partie du système de santé publique. Ils font actuellement figure de corps étrangers... mais au fond, il serait préférable qu'ils développent une stratégie conjointe avec les hôpitaux pour relever plus efficacement les défis." Le fait qu'ils s'agisse d'organisations à but purement lucratif n'y change rien. "Les généralistes aussi exercent souvent en société. On peut comparer cela aux cliniques privées qui ont recours à l'anesthésie: là aussi, elles doivent répondre aux normes et s'intégrer à la politique de soins dans son ensemble."Si cela ne dépendait que de Peter Degadt, les réseaux hospitaliers feraient d'ailleurs de la place non seulement aux laboratoires, mais aussi aux MRS, aux médecins de famille, aux services de soins infirmiers à domicile... "Loin d'être un luxe inutile, une collaboration entre tous les échelons est au contraire essentielle. La crise lui a donné un coup d'accélérateur. Des structures qui existaient à l'état latent se sont avérées robustes, utiles et pertinentes. La réponse à la pandémie, c'est un modèle de soin qui voit large et qui intègre et connecte bien-être, maladies chroniques et aiguës, etc. Dans l'immédiat, il faut avant tout vaincre l'ennemi, mais cette collaboration devra être maintenue par la suite. C'est le message positif que nous devrions retenir."Un argumentaire qui rejoint l'idée d'une nouvelle réforme de l'État. "Le commissaire au coronavirus Pedro Facon a évidemment mille fois raison lorsqu'il affirme qu'il faut une autorité unique en temps de crise. Une réforme de l'État permettrait de la concrétiser. Le fond du débat ne concerne toutefois pas telle ou telle compétence: la question cruciale, celle du "pourquoi", c'est de savoir quel modèle de soins nous voulons mettre en place. Commencez par y répondre et examinez ensuite comment réformer en vue de réaliser cet objectif. C'est l'inverse de l'approche traditionnelle, qui consiste à dresser la liste des compétences qui peuvent être transférées à un autre niveau."Enfin, force est bien de constater que le virus a fait des ravages dans le domaine de la santé. Alors que l'on dénombre habituellement quelque 3.000 décès par semaine, au printemps, il y en a eu 4.500 (Covid et non Covid confondus). Le secteur des soins est-il en mesure de gérer cette crise? "Les organisations professionnelles des intensivistes et urgentistes et l'Ordre des médecins ont proposé des algorithmes de tri qui peuvent aider à poser des choix", rappelle Peter Degadt. "Sur le fond, cette question relève toutefois de l'éthique sociale plutôt que de l'éthique médicale. À ce stade, il n'est d'ailleurs pas nécessaire de faire des choix: nous ne sommes pas en situation de conflit, nous ne faisons pas de la médecine de guerre et, moyennant une gestion efficace et des transferts de patients judicieux, notre capacité actuelle est suffisante. Si les nouvelles mesures font leur effet, nous y arriverons. Ce n'est que si la situation devait encore se dégrader que les directives pourraient avoir leur utilité."