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D'après les experts, les effets secondaires systémiques sont liés à la réaction du système immunitaire à la vaccination... mais peut-on pour autant en conclure que les personnes chez qui ils sont très marqués développent une meilleure réponse immunitaire et sont donc mieux protégées? Ce n'est évidemment pas une question de vie ou de mort, puisque tous les spécialistes s'accordent sur le fait que l'immense majorité des personnes en bonne santé sont adéquatement protégées contre le covid-19 après un schéma de vaccination complet. Tout scientifique digne de ce nom veut toutefois aussi savoir ce qui se passe en coulisses. L'un des premiers articles à aborder la question a été publié en août de l'année dernière dans la revue JAMA Internal Medicine. Des chercheurs américains ont réalisé une étude chez 954 prestataires de soins immunisés au moyen de deux doses d'un vaccin covid (Pfizer ou Moderna), qui ont été invités à rapporter eux-mêmes leurs éventuels symptômes et ont été soumis à une analyse sanguine tous les trois à quatre mois. Chez ceux qui avaient rapporté des plaintes cliniquement significatives (fatigue, fièvre et frissons) après vaccination, les taux médians d'IgG dirigées contre la protéine spike étaient supérieurs de 5% aux valeurs observées dans le groupe exempt de symptômes. Les investigateurs soulignent toutefois que tous les participants sauf un - qui était sous immunosuppresseurs au moment de l'administration du vaccin - avaient produit des IgG anti-spike suite à la vaccination. Le mois dernier, JAMA Network Open a publié les conclusions d'un autre groupe de recherche, qui a recueilli les données de 928 individus appartenant à la cohorte de la Framingham Heart Study. Après avoir reçu deux doses du vaccin Pfizer ou Moderna, les participants avaient subi une prise de sang et complété un questionnaire portant sur leurs éventuels symptômes. Dans ce groupe, la présence de plaintes systémiques semblait associée à une réponse accrue de 50% au niveau des IgG anti-spike. Sur la base de ces études, tout porte à croire que des plaintes systémiques sont un marqueur de titres d'anticorps accrus après vaccination. Une étude coréenne publiée en mai 2021 dans le Korean Journal of Internal Medicine est toutefois parvenue à des conclusions... diamétralement opposées! Dans un groupe de 135 prestataires de soins en bonne santé, elle n'a en effet observé aucun lien entre les plaintes et les titres d'IgG anti-spike après deux doses du vaccin Pfizer ou une dose du vaccin AstraZeneca (une seconde dose a également été administrée pour ce dernier, mais après la fin de la période d'étude). Après les deux doses du vaccin Pfizer, 100% des sujets vaccinés avaient développé des IgG anti-spike ; après une dose du vaccin AstraZeneca, cette proportion était de 88%. Enfin, mentionnons encore une étude allemande publiée en septembre de l'année dernière dans la revue Vaccines, qui a prélevé dans un groupe de 735 sujets vaccinés les 38 participants qui avaient développé les effets secondaires systémiques les plus marqués, pour les comparer à 38 sujets contrôles appariés pour l'âge et le sexe, qui avaient présenté tout au plus des manifestations locales. Cette fois, semblait effectivement exister une corrélation entre la présence de graves effets secondaires systémiques et les titres d'IgG anti-spike chez les hommes, mais pas chez les femmes. Notons au passage que cette étude s'est également intéressée à l'immunité lymphocytaire T, qui ne semblait corrélée aux effets secondaires systémiques ni chez les hommes ni chez les femmes. Conclusion des experts? Certains sont enclins à penser que les personnes qui développent une réaction systémique violente ont un avantage immunologique contre le SARS-CoV-2. D'autres ne sont pas convaincus, soulignant que les études réalisées à ce sujet ont livré des résultats contradictoires et qu'à ce jour, aucun paramètre immunologique n'a pu être corrélé de manière univoque à la protection contre le coronavirus. En outre, rappelons que la question n'a jamais été étudiée au moyen de critères d'évaluation "durs": pour être réellement convaincantes, les preuves devraient obligatoirement découler d'études investiguant le lien entre la gravité des effets secondaires systémiques et les incidents susceptibles de survenir après exposition au SARS-CoV-2 (maladie et éventuellement hospitalisation ou décès). Trop s'exprimer sur la signification des effets secondaires systémiques après vaccination peut en outre être une arme à double tranchant. D'un côté, cela peut permettre aux personnes qui développent des plaintes de ce type de se rassurer en se disant que leurs symptômes sont simplement le signe que leur système immunitaire réagit au vaccin. De l'autre, les personnes qui ne présentent pas d'effets secondaires systémiques risquent peut-être de se dire que le vaccin ne provoque pas chez elles une réponse immunitaire (suffisante), ce qui peut être néfaste pour leur volonté de se faire immuniser... alors que cette idée repose vraiment sur un malentendu.