Depuis le début de l'épidémie de Sras-Cov-2, les experts ont suggéré que le traitement par plasma convalescent pouvait constituer une solution. Une étude randomisée a d'ores et déjà débuté à l'UZ Leuven, afin d'étudier le potentiel et les implications de ce traitement. Le coordinateur de l'étude, le Pr Geert Meyfroidt (du service de médecine intensive de l'UZ Leuven) nous en dit plus.
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"L e point de départ de l'étude est que nous n'avons, pour l'instant, toujours pas d'antiviral ou d'anti-inflammatoire dont l'efficacité a été prouvée contre le Covid-19 ", explique le Pr Meyfroidt. " Une petite portion de la population infectée se retrouve en soins intensifs et reçoit une assistance respiratoire, mais en chiffres absolus, cela représente un grand nombre de patients. C'est ce qui a provoqué la rupture du système de soins de santé dans certains pays. " " Avec Dawn-Plasma1, nous voulons donc administrer du plasma convalescent à un stade précoce de la maladie. Nous estimons que la réponse immunitaire active du patient est à ce moment-là assez faible. Grâce au plasma convalescent, nous espérons pouvoir contrer l'implication virale dans le corps. " Dawn-plasma est un projet multicentrique. Pour l'instant, seul l'UZ Leuven accueille des patients, mais une fois les dernières formalités réglées, 15 autres centres se joindront rapidement à la danse, dispersés de manière homogène sur tout le territoire belge. Tous les hôpitaux universitaires belges siègent dans le comité d'accompagnement. L'étude est financée par le KCE à hauteur de deux millions d'euros. " Nous remercions du fond du coeur le KCE pour ce geste ", déclare Geert Meyfroidt . " Nous devons une fière chandelle à Frank Hulstaert du centre fédéral d'expertise, qui nous a aidé à mettre ce consortium sur pied. De son côté, la Croix-Rouge a lancé un appel à donneurs dès la fin du mois de mars. C'est ce qui a permis au plasma convalescent d'être disponible dès la fin du mois d'avril, car nous travaillons avec des donneurs qui sont asymptomatiques depuis au moins 28 jours. " À Louvain, on se montre très fier de la collaboration efficace entre tous ces acteurs. " Tout bien considéré, il aura fallu un mois entre les premiers contacts et l'implication des premiers patients. Cela n'aurait pas été possible sans la collaboration parfaite avec le professeur Timothy Devos du service d'hématologie, qui nous a aidé à coordonner l'étude. Ensemble, nous avons sacrifié toutes nos soirées et nos weekends pour arriver à un beau résultat. " De quoi justifier une petite interview sur l'étude ! Tout d'abord, pouvez-vous nous éclairer sur le protocole de l'étude ? Pr Geert Meyfroidt: La finalité première de l'étude est la diminution du nombre de patients nécessitant une assistance respiratoire. Ce but est pertinent tant pour le patient que pour le système de soins de santé. Quinze jours après l'inclusion dans l'étude, nous voyons si le patient est ventilé ou non. Un patient qui, à l'issue de ce terme, n'a pas été mis sous respiration artificielle ne le sera probablement plus par la suite. La randomisation se base sur un rapport de deux pour un : le patient a deux chances sur trois de rejoindre le groupe auquel est administré le plasma convalescent. Cela veut dire une chance sur trois de se retrouver dans le groupe de contrôle. C'est ici une demande du comité d'accompagnement, qui souhaitait augmenter les chances que le patient reçoive un traitement potentiellement actif. Et cela ne représentait qu'une petite augmentation du nombre de patients à inclure dans l'étude. Comme buts secondaires, nous avons choisi les objectifs fixés par l'Organisation mondiale de la santé. Nous pourrons ainsi réaliser par après une analyse globale des études autour du plasma convalescent, qui ont cours actuellement dans d'autres pays européens. L'étude Dawn-plasma entend randomiser 483 patients avec traitement de référence (tel qu'il est appliqué pour le moment dans l'hôpital concerné) ou avec traitement de référence plus plasma convalescent. Entrent en ligne de compte les patients suffisamment atteints du Covid-19 pour être hospitalisés. Bien entendu, aucun patient recevant une assistance respiratoire n'est inclus dans l'étude, étant donné que le besoin de ventilation constitue justement l'objectif premier de l'étude. Lors de l'inclusion, chaque patient reçoit deux unités de plasma convalescent. Vingt-quatre heures plus tard, deux unités sont à nouveau administrée. Chaque unité contient environ 200 à 250 ml. Pas en aveugle donc ? Justement pas. En guise de placebo, nous aurions pu administrer le plasma au groupe de contrôle des donneurs qui n'ont jamais été infectés par le Sras-Cov-2, mais cela n'aurait pas constitué un traitement standardisé. En d'autres mots, vous ne savez pas ce que vous administrez. Si nous avions voulu utiliser le plasma comme placebo, nous aurions dû, au préalable, vérifier que le donneur n'était pas par hasard immunisé contre le Sras-Cov-2. En bref, l'administration d'un placebo ne nous paraissait pas indiquée. Le traitement comporte-t-il des risques ? Il existe, comme pour chaque transfusion, un risque d'immunisation. C'est pourquoi nous sommes attentifs au risque de surcharge hydrique, bien que l'apport liquidien supplémentaire soit léger. Les modèles animaux suggèrent que l'administration de plasma avec anticorps peut surstimuler la réponse immunitaire et peut-être aggraver encore les dommages pulmonaires. La raison est à chercher du côté de l'internalisation des complexes antigène-anticorps par des cellules présentatrices d'antigène qui, ce faisant, expriment les antigènes viraux sur leur surface. Dans les études avec plasma convalescent dans le traitement du Sras, du Mers ou d'Ebola, cette complication n'est pas survenue. Lors de précédentes épidémies, le plasma convalescent n'a pas démontré son efficacité, mais bien sa sécurité. Nous n'avons donc pas beaucoup de craintes de ce côté. Dans tous les cas de figure, l'étude est encadrée par un comité indépendant de surveillance et de suivi. Des inquiétudes subsistent encore autour du développement du vaccin contre le Sras-Cov-2, car le rôle des anticorps dans la réaction immunitaire contre le virus n'est pas clair. Dawn-plasma éclaircira-t-elle cette question ?Le vaccin vise à susciter une réponse immunitaire active, ce qui est différent d'une immunisation passive avec plasma convalescent. Peut-être notre étude offrira-t-elle aux développeurs de vaccins un levier, mais cela ne sera qu'une partie d'un ensemble d'outils. Il est surtout important de vérifier que le vaccin protège bien les personnes qui ont déjà été infectées naturellement. La visée de Down-Plasma est ailleurs. Les études autour du plasma convalescent dans le traitement du Sras, du MERS et d'autres infections virales non pas dépassé le niveau observationnel, parce que l'épidémie s'est trop vite dissipée. Avec le Covid-19, nous avons l'occasion d'étudier plus en profondeur le concept, grâce a un protocole randomisé. Un objectif pertinent dans la perspective d'une pandémie future. Quand les résultats de Dawn-plasma seront-ils disponibles ? Le but est de clôturer l'étude en un an. Il est difficile de donner un délai précis car le rythme d'inclusion des patients dépendra de l'activité de l'épidémie. Nous espérons, pour le bien-être de chacun, que l'épidémie s'apaise et suive stablement son cours. Mais même en cas de nouveau pic, tous les centres participants sont prêts à l'inclusion. 1. DAWN, ou Donated Antibodies Working against Novel coronavirus.