...

Depuis 1980, date de l'introduction du Trouble de Stress Post-Trautmatique (TSPT) dans le DSM-III, les études sur les traumatismes chez les adolescents se sont multipliées. " Néanmoins, les spécificités pédopsychiatriques de ce trouble restent mal connues aujourd'hui. Or, les ados qui en souffrent sont très impactés", observe le Pr Jean-Philippe Raynaud, pédopsychiatre au CHU de Toulouse, invité par le service de pédopsychiatrie de l'Huderf pour donner une conférence sur "le TSPT à l'adolescence".(1) Selon les études, les chiffres de prévalence et d'incidence du TSPT chez les ados sont très variables (36% à 4,7%), avec une prévalence féminine importante. Il existe deux types de traumatismes psychologiques: le premier est associé à un événement traumatique unique et limité dans le temps (accident, catastrophe) et le second, à une exposition répétée ou de longue durée à un événement traumatique (maltraitance, torture, guerre...). " Ce qui fait la dimension traumatique, c'est la confrontation à la menace de mort. La réaction péritraumatique (sidération, détresse, dissociation...) est la réponse psychologique immédiate à un traumatisme." Dans le DSM-V, le TSPT fait partie des troubles anxieux. " Le Trouble de stress aigu (TSA) a été introduit dans le DSM-IV afin de différencier les détresses et les réactions invalidantes de courte durée (survenant trois jours à un mois après le traumatisme) du TSPT. Il permet aussi d'identifier les individus à risque de développer un TSPT un mois plus tard. Quand on a reçoit très vite la victime et qu'on l'accompagne pendant un à trois mois, en principe, les choses s'atténuent (sauf dans 5-10% des cas)", précise-t-il. Les facteurs de risque de TSPT à l'adolescence sont la réaction péritraumatique, le sentiment de menace pour sa vie, le faible niveau social, l'isolement, les comorbidités psychiatriques, le dysfonctionnement familial et certaines stratégies cognitives (distraction ou suppression de la pensée). Dans les familles les plus résilientes, ce sont les liens sociaux, familiaux et religieux qui sont protecteurs. Le TSPT se caractérise par une triade clinique: ? symptômes de répétition: souvenirs et rêves répétitifs de l'événement, hallucinations, détresse psychologique et réactivité physiologique lors de l'exposition à des indices évoquant l'événement traumatique... ? manifestations d'évitement: efforts pour éviter les pensées ou les conversations associées au traumatisme, incapacité à se rappeler un aspect important du traumatisme, réduction nette de l'intérêt pour les activités importantes, restriction des affects et sentiment d'avenir bouché (qui peuvent se rapprocher d'un état dépressif)... ? hyperactivité neurovégétative: difficultés d'endormissement, irritabilité, colère, hypervigilance anxieuse... " Dans tous les troubles anxieux, dépressifs et dans le TSPT, un adolescent qui va mal peut avoir tendance à 's'automédiquer', à avoir des conduites addictives (alcool, médicaments, mais aussi nourriture - boulimie voire anorexie). Chez ces jeunes, il faut rechercher une dimension traumatique", poursuit le psychiatre. " La conduite de l'entretien clinique est essentielle pour ne pas confondre une crise d'adolescence avec un TSPT. Les symptômes peuvent être frustes et minimisés par l'adolescent et son entourage. La présence de la famille durant l'entretien peut être un obstacle à l'expression symptomatique. Il est important de questionner les réactions émotionnelles de l'ado (au moment et dans les suites du traumatisme)". Le psychiatre attire l'attention sur le diagnostic différentiel: " L'exposition à un événement traumatique peut favoriser de nombreuses expressions psychopathologiques. Le diagnostic de TSPT est souvent associé à d'autres pathologies psychiatriques, les tableaux sont souvent complexes et les diagnostics différentiels nombreux (TSA, troubles anxieux, TOC, troubles de l'adaptation, dissociatifs ou psychotiques, épisode dépressifs, intoxication à une substance, traumatisme cérébral...)". " On sait que le TSPT peut avoir des conséquences très lourdes chez l'adolescent", insiste-t-il. "Il peut y avoir une évolution spontanément favorable, un risque de chronicisation (10%), une récurrence épisodique des symptômes, notamment durant les périodes de stress, comme le confinement qu'on connaît actuellement, avec la déscolarisation, puis la reprise de scolarité dans des conditions stressantes... Une évolution chronique peut entraîner une modification durable de la personnalité à l'âge adulte: troubles de la personnalité, du lien, de l'apprentissage et du comportement". Enfin, il y a une forte corrélation entre les tentatives de suicide (TS) à l'adolescence et le TSPT. La prise en charge passe par trois phases: ? l'intervention psychologique immédiate (defusing) sur les lieux de la catastrophe ou de l'agression pour accueillir et réintégrer la victime au monde des vivants ; ? les soins post-immédiats dont les interventions psychothérapeutiques pour les victimes volontaires présentant des symptômes psychotraumatiques majeurs ou non dans la semaine ou la quinzaine qui suit l'événement ; ? la prise en charge à court, moyen et long terme: psychothérapies (TCC, approches psychanalytiques, EMDR, hypnose... et traitements médicamenteux. " Aucun traitement définitif, aucune donnée ne supporte l'utilisation des médicaments" (thymorégulateurs, antidépresseurs, neuroleptiques...) " Globalement, ce sont les approches psychothérapeutiques centrées sur le trauma qui doivent être privilégiées, on essaie d'accompagner le retour à la narrativité et à la symbolisation", conclut le Pr Raynaud.