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Prétexte à cette exposition crépusculaire dans son ambiance, le cinquantième anniversaire de l'alunissage d'Apollo XI sur la Lune. Combinaisons, objets coupures de journaux et surtout photographies prises par les astronautes rappellent cet exploit, introduction en forme de conclusion pour montrer la très grande force d'attraction de l'astre lunaire sur les hommes depuis longtemps.Le voyage vers cette vieille lune est évoqué notamment au travers de Tintin bien sûr, Jules Verne, le baron de Münchhausen ou Savinien de Cyrano de Bergerac qui raconta L'histoire comique contant les États et Empires de la lune, pour n'en citer que quelquesuns en bédé et littérature, ou par ailleurs les films de Méliès ou Fritz Lang.La Lune est une page blanche brillante, propice à tous les récits, les rêves et les songes imaginaires et dont l'attrait ne faiblit pas à voir des oeuvres contemporaines comme le Lem en bois et parlant de Stéphane Thidet, la fusée rose phallique, The first spaceship on Venus signé en 2018 par Sylvie Fleury ou la vidéo poétique de William Kentridge intitulée Journey to the Moon.Une lune observée depuis longtemps par Galilée dont on peut voir la lunette reconstituée, dont Jean Patigny décrit la surface au 17e siècle tandis que Paul Henry en tire déjà le portrait photographique en 1890 ! À côté toujours, dans un souci de confronter art, histoire et sciences, une photo de Man Ray montrant la Lune avec, au premier plan, un interrupteur : Le monde cela s'intitule et date de 1931. Une Lune, nous rappelle l'exposition, qui s'éloigne de la terre de 3 centimètres par an.L'artiste américain James Turrell ( Serie Moon) fait de l'observation un usage artistique dans ses six phases de la lune reprises sous forme de clichés.Le satellite de la Terre que les hommes ont très tôt personnifié, notamment sous les traits de la déesse Hécate chez les Romains. Elle éclaire la nuit, visite le sommeil des mortels et veille sur les amoureux. Elle symbolise également le passage vers l'audelà et l'inconstance des humeurs puisqu'elle change d'aspect. Humeurs féminines évidemment liées au cycle menstruel à voir le tableau de l'Anversois Abraham Janssens au 17e siècle, intitulé L'inconstance : il montre l'infidélité d'une femme, les seins à l'air, tenant dans une main un croissant de Lune de l'autre un homard qui avance et recule. L'infidélité et l'inconstance féminine ! Une autre Janssens rétabli l'équilibre face à ce machisme pictural : Ann Veronica a filmé une éclipse solaire qui, pour quelques secondes, fait surgir de la Lune une fine pluie de perles (les grains de Baily) dirait-on.La Lune est aussi signe de constance paradoxalement, puisqu'elle revient sans cesse et éclaire Sainte Geneviève veillant sur Paris dans un tableau de Puvis de Chavannes, symboliste, mouvement amateur de Lune s'il en est. Le côté propice aux amours de la clarté lunaire, discrète, se retrouve chez Chagall ( Le paysage bleu), chez William Dyce, un précurseur du préraphaélisme anglais, tandis que Girodet en 1791 montre de façon pompière l'éclat de la lune sur le corps d'Endymion endormi.Les calendriers lunaires perpétuels anciens, venus de Sumatra ou du Bénin, une antique horloge astronomique, voisinent avec notamment un tableau de Philippe de Champaigne Vision de Sainte Julienne de Cornillon qui a lieu sous l'oeil aveugle, mais fidèle, de la Lune. Hasenclever signe avec La sentimentale, une oeuvre romantique en 1846 : image d'une femme éplorée dans sa chambre sous la lumière lunaire. Léonid Thiskov signe lui cinq photographies lumineuses à tout point de vue d'un croissant de lune embarqué dans un esquif au milieu de la toundra ou de la taïga. Caroselli lie cet astre à la sorcellerie au 17e siècle, Gustave Moreau esquisse un Christ sous la Lune au Jardin des Oliviers, tandis que Protais insiste sur l'aspect funèbre de sa lumière tamisée qui éclaire les cadavres du champ de bataille au soir de Waterloo.À ces trois visages de Lune succède sa personnification : dans un masque Luba magnifique, énorme et cubiste, venu de Tervuren, des statues du dieu faucon lune égyptien Khonsou, Chandra en Inde, Soma au Japon... tous sculptés tandis qu'une pierre punique atteste la présence de la déesse Tanit dans les offrandes au dieu Baal.L'Immaculée Conception de Van Beveren en 1680 montre une Vierge debout sur la sphère lunaire et un croissant, piétinant par ailleurs le démon et le péché.Enfin cette exposition pas trop grande, qui n'a hélas pas l'ampleur de celle consacrée à la mélancolie il y a plus de dix ans et oublie les influences supposées ou avérées de la Lune, se conclut sur l'invitation à la beauté que se veut la représentation de la Lune : qu'il s'agisse de la côte toscane qu'elle éclaire, phosphorescente chez le maître des atmosphères et du clair obscur qu'est Wright of Derby, du parc à moutons guidés par l'astre de nuit chez Millet ou moins connus, comme Aïvasovsky qui décrit un Bosphore nocturne en 1894 - pas mal de Russes d'ailleurs dans cette partie dont Larionov qui fit partie de l'avant-garde.Un Américain, Lovell Birge Harrison, signe un Clair de Lune sur la rivière, post-impressionniste en 1919 à côté d'un Port de Boulogne de Manet qui l'est vraiment, tout comme un Boudin de la fin de vie, étonnant, car dans la même veine en 1894. Jean Arp et sa sculpture, Humaine, lunaire, spectrale voisine l'espiègle toile de Dali, La perle dans laquelle le Catalan place sur l'Infante Margarita d'Autriche de Velázquez une sphère lunaire à la place du visage. Miro, Hans Hartung notamment, complètent cette carte de la Lune artistique notamment, qui comprend également Vallotton ou le raffiné Kawase et l'inévitable Paul Delvaux avec L'Acropole.Par contre, il est difficilement compréhensible que dès lors, au milieu de toutes ces faces artistiques et souvent cachées de La lune, le crépusculaire et donc lunaire Léon Spilliaert soit totalement... éclipsé.