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Dans son discours d'ouverture, le Pr Pierre Van Damme (VAXINFECTIO, Université d'Anvers), l'organisateur de l'événement, a souligné une nouvelle fois que le développement extrêmement rapide du vaccin contre le Covid-19 s'est fait sans transiger sur la sécurité - un point sur lequel on n'insistera sans doute jamais assez, tant il est vrai que cet aspect reste manifestement, dans l'esprit des sceptiques, l'un des principaux motifs de réticence. La grande étude sur le coronavirus organisée par l'université d'Anvers parvient à la même conclusion (1). Si l'immense majorité des répondants sont globalement d'accord avec l'affirmation que les vaccins sont utiles et efficaces, il ressort également des chiffres qu'environ la moitié d'entre eux s'inquiètent des possibles effets secondaires graves qui pourraient se manifester. Quid si on leur proposait un vaccin dont l'efficacité et la sécurité sont établies? Dans ce cas de figure, 84% seraient disposés à se le faire administrer. Lorsqu'on affine les résultats en fonction de l'âge des sondés, c'est parmi les plus de 50 ans - et plus encore parmi les plus de 70 ans - que la volonté de se faire vacciner est la plus marquée. Le sexe masculin, un niveau d'éducation élevé et l'appartenance à un milieu aisé semblent par ailleurs associés à une attitude un peu plus favorable à la vaccination en comparaison avec le sexe féminin, un niveau de formation plus faible et l'appartenance à une classe sociale vulnérable. " Notre enquête a probablement eu plus de mal à toucher les personnes en difficulté financière, et c'est certainement un aspect dont nous devrons tenir compte dans la communication autour de la vaccination Covid-19 et le déploiement du programme vaccinal", précise le Pr Philippe Beutels (VAXINFECTIO). Interrogés sur les principales raisons expliquant leurs doutes voire leur refus de la vaccination, les répondants évoquent avant tout des garanties insuffisantes quant à la sécurité des vaccins contre le coronavirus. L'affirmation " Je préfère attendre que suffisamment d'autres personnes aient été vaccinées" arrive en seconde position ; l'idée que le vaccin a été développé trop vite pour être réellement fiable vient compléter le top 3. Les doutes face à la vaccination voire le refus pur et simple de se faire immuniser peuvent être alimentés par la désinformation sur les réseaux sociaux. La rumeur a notamment circulé que Bill Gates voulait utiliser le vaccin pour nous injecter à tous une micropuce qui permettrait de nous tracer. Heureusement, la population de nos contrées ne semble guère sensible à ce genre de théorie - du moins si l'on veut en croire les résultats d'une étude réalisée en Flandre sous la direction du Pr Karolien Poels, rattachée au département des sciences de la communication de l'université d'Anvers. Son enquête a été réalisée en novembre de l'année dernière, lorsque les médias ont eu vent des premiers résultats positifs de la vaccination contre le Covid-19. À ce point dans le temps, 65% des sondés se déclaraient disposés à se faire vacciner ; le groupe restant se composait en partie de sceptiques, en partie d'opposants purs et durs. Les réponses révélaient toutefois aussi que les répondants étaient au courant des théories du complot en circulation, mais n'y accordaient aucune foi (même lorsqu'ils étaient sceptiques voire opposés à la vaccination). Le Pr Poels estime par conséquent qu'il vaut finalement mieux éviter de discréditer à grand bruit ces affirmations fantaisistes, sous peine d'amplifier leur diffusion (fût-ce peut-être sous d'autres latitudes) et de leur conférer ainsi, paradoxalement, un pouvoir de persuasion accru. Une alternative plus judicieuse peut être de faire passer auprès de ceux qui doutent encore des messages positifs sur le rôle de la vaccination. Une plus grande vigilance est de mise en présence de messages qui présentent une crédibilité de façade, poursuit Karolien Poels. Les vaccins à ARNm sont par exemple accusés d'être à l'origine de maladies auto-immunes et de problèmes de fertilité chez la femme. Sur ce plan, la chercheuse anversoise est formelle: "De telles allégations doivent absolument être recadrées par des arguments scientifiques." Enfin, elle évoque également la piste du "prebunking", qui consiste à enseigner au public comment identifier la désinformation par le biais, par exemple, de jeux vidéo. Le citoyen lambda apprend ainsi à se méfier de messages formulés d'une manière excessivement émotionnelle ou sensationnaliste, mettant trop l'accent sur le statut ou l'autorité scientifique du messager, etc. Pour conclure, précisons encore que 81% des personnes ayant participé à l'enquête du Pr Poels déclaraient que, s'agissant de la vaccination, elles suivraient les conseils de leur médecin ou pharmacien. Ces professionnels représentent donc une source d'information cruciale même chez les personnes qui doutent encore, et peut-être même chez les opposants au vaccin. " Il n'existe aucun mécanisme biologique plausible capable d'expliquer un lien entre vaccination et infertilité", souligne le Pr Isabelle Leroux-Roels (centre de vaccinologie, UZ Gent). " Dans le cadre d'études de biodistribution réalisées chez l'animal, les chercheurs ont examiné à l'aide de marqueurs fluorescents où se retrouvaient les constituants du vaccin après administration. Ils ont ainsi pu établir qu'ils restent largement localisés dans les environs immédiats du site d'injection et du ganglion lymphatique drainant. Ils ne se propagent pas aux organes, qu'ils soient reproducteurs ou autres, et ils n'interfèrent pas avec l'équilibre hormonal de l'organisme." " Le dossier d'enregistrement d'un médicament comporte obligatoirement des études de toxicité pour la reproduction et le développement (études DART, pour developmental and reproductive toxicology), qui consistent à administrer des doses élevées du produit à des animaux femelles au cours de la gestation. Ces études n'ont pas permis d'observer d'effet néfaste des vaccins sur le développement prénatal et postnatal de leurs petits." " L'hypothèse d'un effet indésirable sur la fertilité reposait sur certaines similitudes entre la protéine spike et la syncytine-1, une protéine responsable du développement du placenta au début de la grossesse", précise le Pr Van Damme. " Si une femme développe des anticorps contre la protéine spike, ceux-ci auraient pu en théorie neutraliser la syncytine-1... n'était que les points communs entre les deux protéines sont en réalité tellement limités que, dans la pratique, ils ne présentent aucune pertinence pour un éventuel impact négatif du vaccin sur la fertilité." " En ce qui concerne le risque de maladies auto-immunes, nous savons qu'une infection naturelle peut parfois être à l'origine de manifestations auto-immunes", clarifie Isabelle Leroux-Roels. " Il arrive que les virus et bactéries déclenchent des réactions immunitaires tellement violentes que les anticorps se retournent contre les structures propres de l'organisme. On peut citer l'exemple de l'arthrite après une maladie de Lyme ou celui de l'endocardite après une infection streptococcique de la gorge." " Un vaccin pourrait-il avoir le même effet, sachant qu'il vise finalement aussi à provoquer une réaction immunitaire? De nombreuses recherches ont été consacrées à la question... et aucun vaccin n'a jamais provoqué de réactions auto-immunes de façon régulière, même si des phénomènes peu fréquents ont effectivement été rapportés. Avec le vaccin contre la grippe, par exemple, il existe un risque d'un sur un million de développer un syndrome de Guillain-Barré, une paralysie ascendante attribuée à une réaction auto-immune. L'infection par le virus influenza est toutefois associée à un risque de 17 sur un million de souffrir de ce syndrome, et on pourrait donc affirmer que le vaccin a en réalité un effet protecteur. Les autres exemples sont peu nombreux, parce qu'un vaccin déclenche toujours une réponse immunitaire beaucoup plus contrôlée qu'une infection naturelle. Nous ne pensons pas qu'il en ira différemment pour les vaccins à ARNm, parce que la réponse immunitaire générée est la même... mais en tout état de cause, les responsables restent à l'affût de toute anomalie médiée par l'immunité, aussi bien dans les essais de phase 3 que dans le cadre de la surveillance post- commercialisation."