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Ils ont créé un temple itinérant dédié à l'art dans une sorte de secte dont la divinité reste invisible, impalpable, immanente, vue et reconnue par seulement ceux qui y croient. Mélangeant à la fois la référence aux anciennes religions disons préchristiques, aux Rose-Croix et aux rituels maçonniques eux-mêmes " copistes " de ceux développés par les chrétiens, les deux prophètes sont des hérétiques tendances cathares, des " parfaits " voulant revenir à la pureté de l'art sans se prendre (trop) au sérieux. Servi par un logo qui rappelle les oeuvres circulaires d'un Félix De Boeck qui pratiquait une abstraction mystique à compas (artiste qui a peint un portrait du grand-père de Sam), et qui évoque également la pochette d'un album de Death-Metal, les deux compères désirent prendre de la hauteur et observer depuis leur Olympe, la faune de l'art - de haut, mais sans être hautain - un peu à l'image de la colombe symbolisant le Saint-Esprit ou du point de vue de l'oiseau choisi souvent par Brueghel l'Ancien dans ses peintures. Les deux démiurges laissent pourtant le soin à d'autres créateurs de remplir leur " maison " dédiée au dieu " l'art " : de l'art sonore (une composition de Lou Touchard), sculptural (Felix Kindermann, Filip Vervaet), kitsch (les sculptures serpent de Benjamin Husson qui gardent le temple) voire pointu (une tapisserie d'Isabel Tesfazghi) décorent les cimaises de leur première exposition, dont un énorme cube noir signé Ricardo Brey : il fait office de Kaaba ( elle sera ouverte le dernier jour de l'expo, ce dimanche) dans l'espace d'exposition, sans que les visiteurs, pardon les fidèles, ne se sentent obligés de tourner autour. Des oeuvres toujours en concordance avec le credo du temple : une critique comique du consumérisme New age dans la vidéo de Shana Moulton, la référence au spiritisme (tiens, tiens...) dans l'oeuvre en céramique de Fia Cielen ( Three Kings Ritual ) ou une allusion au Tarot de Marseille, dont Philippe Koeune reproduit certaines figures dans ses dessins. Simple, complexe, spirituel dans tous les sens du terme, compréhensible au premier coup d'oeil tout en dévoilant divers niveaux de lecture, ce concept de temple voulu par deux drôles de paroissiens tient à la fois de la performance, de l'installation... et du canular. Même s'il ne vise pas l'éternité, The Agprognostic Temple se veut séculier, et s'il ne se sécularise pas dans un lieu, possède ses Tables de la Loi, annonce un Déluge d'expositions : à commencer par la suivante qui, " bonne nouvelle ", est prévue dès la semaine prochaine, et " consacrée " à Nicolas Provost, objet d'une autre... célébration. Eh oui, il faut que genèse se passe...