Une exposition d'art contemporain commémore la disparition prématurée de l'écrivain W.G. Sebald et célèbre "Austerlitz", son chef-d'oeuvre...
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Talentueux jeune commissaire, Sam Steverlynck, déjà auteur de Temple concept novateur en termes d'expositions, s'est vu confier par le Tlön project d'Amsterdam qui met en valeur des pièces de collections privées françaises, belges et néerlandaises afin que l'on ne les oublie pas (leur nom est tiré d'une planète fictive décrite par Borgès sur laquelle les choses non observées finissent par disparaître) un projet original. Projet d'ailleurs d'origine littéraire, Austerlitz ne se réfère pas à la fameuse bataille, mais au roman tout aussi célèbre désormais de W.G. Sebald, auteur décédé trop tôt, il y a tout juste 20 ans. Une oeuvre qui mélangeait à la fois fiction et faits réels, écriture et photographies, emplie de mélancolie et de nostalgie d'un monde disparu, la Mitteleuropa, engloutie et dévorée par deux guerres. Sam Steverlynck a réuni ici 25 plasticiens dont les oeuvres puisées au coeur des collections (seul Oriol Vilanova propose une nouvelle pièce faite de cartes postales anciennes faisant référence au chef-d'oeuvre de Sebald) en choisissant de créer un sentiment sébaldien par le biais de référence allusive et pas directe à ce chef-d'oeuvre de la littérature contemporaine. Des propositions essentiellement photographiques et faites d'images du 19e siècle: celui des gares (celle, majestueuse, d'Anvers est importante dans Austerlitz), des musées, hôtels (Peggy Buth, Béatrice Balcou, ) l'histoire personnelle et la grande Histoire (Marzena Nowak, la Polonaise décrivant une nature morte pour évoquer l'envoi au goulag de ses parents), parfois dans des objets (l'horloge francomtoise retournée de Simon Fujiwara). Des projections déconstruisent par ailleurs le temps détruit comme Agnès Geoffray dans Flying Man qui décompose le vol fatal d'un pionnier de l'aviation depuis la tour Eiffel, tandis que le Belge Jasper Rigole par un procédé ancien et donc analogique, en analysant une photo noir et blanc de jeunes garçons tisse des liens entre eux en focalisant sur l'un et puis sur un autre voire une troisième, comme le fait Sebald pour les personnages de son roman... Collage (Alexandra Leykauf), matérialité (la petite installation de Chaim van Luit fait de bagues de pigeon trouvées dans les anciens bunkers allemands), voire oeuvre sonore (Pierre Bismuth) exprimant l'incommunicabilité - l'un des thèmes du livre, l'exposition dont l'affiche, la photographie d'une image inversée au travers d'une boule de verre sur un support de bronze très ouvragé façon 19e signée Alexandra Leykauf, se déroule sur trois niveaux dans un lieu original ( A Tale of a Tub) situé à Rotterdam. Ironie de l'histoire et de l'Histoire (la beauté du livre comme de l'expo, est de mêler à la fois histoire personnelle et universelle), cette cité qui fut fortement bombardée durant la dernière guerre est évoquée par Sebald au début de son ouvrage " La destruction des villes... allemandes".