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Dans le cadre du programme belge, le médecin généraliste peut prescrire un schéma de sevrage progressif aux patients qui prennent une BZD ou une Z-drug depuis au moins trois mois, dont la dose est prise en une seule fois par jour et ne dépasse pas trois fois la dose journalière recommandée (DDD). Le programme s'adresse donc, en pratique, aux personnes qui recourent à ces médicaments comme somnifères. Le programme se déroule en cinq, sept ou dix étapes, de 10, 20 ou 30 jours chacune. Le médecin peut prescrire deux fois un traitement de stabilisation d'une durée maximale d'un mois, à la même dose que l'étape précédente. La durée du traitement est donc comprise entre 50 et 360 jours. La première préparation contient la dose initiale du médicament (100%), et la dernière préparation en contient 20% ou 10%, selon le schéma choisi. Ajoutons aussi que le programme n'est pas gratuit pour le patient: il paie le conditionnement utilisé pour réaliser les préparations magistrales, ainsi que les consultations du médecin. Dans une publication récente [1], Steven Wright, médecin généraliste et spécialiste des addictions, fait une recommandation en amont d'éventuelles mesures de sevrage progressif: réfléchir à deux fois avant de prescrire une BZD. En effet, il existe des alternatives thérapeutiques pour les indications les plus courantes de cette classe de médicaments, l'anxiété et l'insomnie. Dans les deux cas par exemple, une thérapie cognitivo-comportementale donne de meilleurs résultats que les BZD, comme il ressort d'une revue citée par l'auteur. Le Dr Wright souligne un certain nombre d'effets secondaires des benzodiazépines qui, en raison de leur nature inhabituelle, ne sont pas toujours immédiatement attribués au traitement lui-même. L'un de ces effets secondaires est l'anxiété. Si l'anxiété n'est pas reconnue comme un effet secondaire pendant un traitement par BZD, elle peut conduire à une augmentation de la dose, avec en corollaire une augmentation des symptômes. L'auteur parle bien d'un effet secondaire, alors que l'anxiété peut également être due à un rebond des symptômes lorsque les taux sanguins du médicament diminuent dans l'intervalle entre les doses. Une autre explication possible est l'accoutumance, qui nécessite des doses plus élevées pour contrôler les symptômes. L'accoutumance et la dépendance physique qui en résultent sont dues à l'adaptation progressive de récepteurs impliqués dans l'effet sédatif de la BZD, principalement les récepteurs GABAA. L'accoutumance des récepteurs explique pourquoi l'arrêt soudain de BZD peut entraîner des symptômes de sevrage graves, voire mortels, tels que des convulsions. Dans la lignée de Steven Wright, Chinyere Ogbonna et Anna Lembke soulignent, dans l'American Family Medicine [2], l'importance d'une concertation intensive entre le médecin et le patient. Il ne s'agit pas d'un modèle dans lequel une décision commune est prise après avis du médecin généraliste. Le patient doit avoir son mot à dire, de sorte que l'on parte d'un schéma de sevrage progressif qu'il juge réaliste. Une communication régulière permet de procéder à des ajustements en cas de symptômes de sevrage. Selon Ogbonna et Lembke, une condition préalable est que le patient soit informé des effets à long terme des BZD et du concept de sevrage. En outre, ils recommandent de proposer au patient une tentative 'préliminaire' de sevrage progressif, où il peut vérifier l'effet d'une légère réduction de la dose, sans qu'il ne doive forcément tendre vers une réduction plus poussée. Cela peut donner au patient un plus grand sentiment de contrôle sur la situation, tout en réduisant la crainte des symptômes de sevrage. De plus, le médecin peut recommander au patient de prendre ou de renforcer des mesures de soutien pour contrôler son stress. Des activités telles que l'activité physique ou la méditation sont des options. Selon les auteurs américains, la principale indication pour recommander une tentative de sevrage progressif est l'utilisation de BZD pendant plus d'un mois. Cela vaut particulièrement pour les personnes âgées de plus de 65 ans, en raison du risque d'effets indésirables (chutes, par exemple). Le schéma d'arrêt progressif doit être individualisé sur base de critères personnels, du mode de vie, de la personnalité, du stress environnemental, de la motivation à recourir aux BZD et de la présence ou non d'un encadrement social. Certains patients voudront opter pour un arrêt rapide a priori, mais cela doit être mis en balance avec le risque de symptômes de sevrage. Certains chercheurs préconisent un arrêt progressif, tandis que d'autres suggèrent de tenter un arrêt plus rapide, sur une période de huit à 12 semaines. À première vue, l'arrêt progressif semble l'option la plus prudente, mais des cas ont été décrits de patients qui, lorsqu'ils ont suivi un calendrier de plus de six mois, se sont trop concentrés sur l'arrêt lui-même, ce qui a eu pour effet de réaugmenter leur anxiété. Néanmoins, un schéma de réduction progressive sur une période d'un à deux ans peut s'avérer une réussite. Les facteurs qui compromettent le succès de l'arrêt progressif sont les suivants: des tentatives ratées dans le passé, une comorbidité psychiatrique ou physique chronique, des troubles de la personnalité, des antécédents d'abus de substances, un manque d'encadrement social et un âge avancé. Inversement, la tentative a plus de chances de réussir si c'est le médecin généraliste qui prescrit le programme de sevrage plutôt qu'un autre médecin. Ceci souligne l'importance d'une relation étroite médecin-patient. Le sevrage peut se faire avec la molécule que le patient prend, mais le passage à une BZD avec une demi-vie plus longue est possible également. Dans le programme de sevrage progressif proposé par les autorités belges, cette possibilité existe (conversion en diazépam), mais le CBIP déconseille son utilisation dans un commentaire, parce que la longue durée d'action expose les patients à des effets indésirables, en particulier chez les personnes âgées [3]. Ogbonna et Lembke suggèrent de commencer le schéma par une réduction de la dose de 5 à 25%, puis d'appliquer la même réduction toutes les une à quatre semaines, si le patient le tolère. Cela correspond à ce que suggère le programme des autorités belges. Les auteurs américains ajoutent que tout inconfort lié à la réduction progressive peut être atténué par l'utilisation de carbamazépine, d'imipramine ou de trazodone.