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Des Scandinaves qui scandent en anglais, et pas dans la langue d'Ikea, un rock qui, par miracle, retrouve toute sa fougue juvénile, mêlant le post-punk au jazz dans un maelström revigorant. Une musique comme la Suède sous Covid: sans masque et finement pas con. Du blues (comme le Viagra), suède (bien sûr), shoes (pour la trépidation) qui n'a pas la prétention d'inventer, ce qui n'empêche le... sextet d'être créatif, mais de revenir à un rock érectile et excitant. Une musique pleine de vigueur et, on l'a compris, qui ne bande pas mou, dans la ligne de Fontaine D.C, Idles, Osees, Ty Segall ou les King Gizzard et leur lézard, et qui rend hommage aux furieux anciens: Iggy Pop, qui lui a longtemps joué sur scène de son organe... et pas que vocal ; ou Nick Cave, lequel, on l'oublie souvent aujourd'hui, a connu une phase juvénile bien déchaînée elle aussi et assortie de drogues et, qui sait, également de petites pilules... Le titre de ce très attendu deuxième album Welfare Jazz réfère de façon ironique au programme d'aide gouvernemental suédois à la scène jazz local durant la pandémie. L'état social scandinave est ainsi moqué par le groupe et son chanteur Sebastian Murphy, amoureux de la bouteille, dans ce qui pourrait ressembler à une version musicale de Drunk, récent film du Danois Thomas Vinterberg. Sur une musique salie à plaisir, version porno crade au plan sexuel, Murphy rappelle surtout un Gibby Haynes des cultes et légendaires Butthole Surfers, autre chanteur éthylique que le Californien Stockholmisé et alcoolisé évoque sur Toad. D'autant que la folie foutraque et inventive de ce morceau rappelle leur trou noir musical. Une tendance abrasive et "in your face" présente tout au long de l'album, et notamment sur Girls and Boys, sorte de version brute de la chanson éponyme de Blur, mais comme montée à l'envers. Porté par un saxe fou (j'ai bien dit saxe) évoquant le Andy Mackay du début de Roxy Music (période "Do The Strand"), l'album est pourtant varié dans sa rugosité: "6 shooter" (référence indirecte au "Sex shooter" écrit à l'époque par Prince pour la sulfureuse Vanity 6? ) est un instrumental coïtal, en tout cas pour l'instrument d'Adolphe Saxe, dont les audaces rappellent le Taxiwars de Tom Barman, chanteur de Deus. Cette variété doit aussi beaucoup à Murphy qui dicte sa loi, pardon sa voix: il en joue sur les parlés This Old Dog et Best In Show II, peut prendre des intonations râpeuses genre Gauloises sans filtre à la Tom Waits sur les claudicants Into The Sun ou I Feel Alive, se faire crooner-twister sur le ska, punk, boogie Secret Canine Agent, se grimer en Phil Oakey sur le Human Leaguien "Creatures" ou singer la country lourde, lestée de fers à cheval, sur le duo Inspite of ourselves, chanté avec Amyl Taylor, légende du genre décédé du coronavirus le 7 avril. Ceci alors que le cynisme noir des Viagra Boys, pourfendeur de la misogynie, le racisme, le nombrilisme masculin (la branlette quoi! ), continue à se vautrer à plaisir dans la drogue, l'alcool et donc le vomi, tout en dégueulant sur l'aseptisation molle du modèle social suédois, et en prenant soin de prendre avec lui leurs distances. Mais toujours sans gants... ni masques.