Très intéressante exposition au musée de la Médecine, qui s'est livré à l'étude des momies de ses riches collections en les soumettant à l'expertise médicale des différents services de l'Hôpital Érasme.
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L'exposition "Momies en transparence" aborde l'étude des momies qui font partie du patrimoine du musée de la Médecine à travers une approche interdisciplinaire, en utilisant des méthodes qui n'affectent pas l'état de conservation. Ainsi, le Pr Madani (service de radiologie d'Érasme), au moyen de techniques d'imagerie médicale comme le CT Scan, et les Drs Carlot et Niesen (service d'ORL), en utilisant la fibroscopie naso-crânienne, sont parvenus à étudier le squelette et le contenu des momies. De leur côté, les historiens, historiens d'art et archéologues ont eu recours aux techniques de datation afin de déterminer l'ancienneté, celles des isotopes stables afin de vérifier le mode de vie alimentaire, et à la microscopie électronique à balayage pour visualiser de manière détaillée l'embaumement, ainsi que les transformations du corps à travers le temps. L'ensemble a ensuite fait l'objet de discussions sous l'angle de l'expertise médicale légale, notamment en compagnie du Dr Philippe Charlier (médecin légiste et directeur de la recherche au musée du quai Branly de Paris). Deux types de civilisations ont fait l'objet des recherches au sein des collections du musée de la Médecine, celle de l'ancienne Égypte et les précolombiennes - péruviennes, plus précisément. La célèbre momie de Rascar Capac, 'immortalisée' par Tintin dans "Les 7 boules de cristal" et faisant partie des collections du musée d'Art et d'Histoire, avait fait l'objet d'une étude "radiologique" par le Pr Julien Struyven de l'Hôpital Érasme en 1999. Les expertises réalisées récemment sur quelques momies des différentes anciennes civilisations précolombiennes issues des collections du musée de la Médecine, ont permis de déterminer que la momie Chaucey, présentée dans l'expo, est celle d'un enfant de six mois mort de façon naturelle (autour du 16e siècle). L'étude de la momie d'un nourrisson inca, de trois mois cette fois, datée de 1220 à 1280 (vieille de 800 ans, si l'on peut dire), portant un collier de coquillages, a permis de découvrir que son crâne était rempli de graines de nénuphar ou de lotus, ceci afin d'éviter que la boîte crânienne ne s'aplatisse lors de l'enfouissement. Il est également décédé de mort naturelle, contrairement à une tête trophée de jeune enfant portée à la ceinture par les Nazcas! Les enfants de leurs ennemis étant eux-mêmes de futurs ennemis, il fallait les tuer, après leur avoir fait boire une substance hallucinogène, ceci afin de calmer leurs appréhensions face à la mort. Par ailleurs, les expertises médicales présentées dans cette exposition ont déterminé qu'une autre tête inca était fausse celle-là, les techniques d'IRM ayant révélé depuis 20 ans nombre de fausses antiquités dans l'univers précolombien. Autre civilisation férue de momies, celle des anciens Égyptiens, chez qui la momification fut d'abord réservée à l'élite. Le procédé requérait en effet des soins... pharaoniques afin de préparer le défunt au voyage dans l'au-delà. Défunt qui devait passer par le jugement de la déesse Maat, était protégé par Horus et croisait en chemin Anubis, Thot ou Isis. Amulettes, masques funéraires et têtes de momies décorent les vitrines de l'exposition, au milieu d'explications, notamment concernant la momie Athon (qui permet aux femmes de renaître en se faisant passer pour un homme! ), et décrivant le procédé et les études réalisées sur les différentes "reliques". Des panneaux se penchent sur l'analyse post-mortem de Ramsès II et de Toutankhamon. "L'objectif de l'étude des momies égyptiennes (également certaines zoomorphes)" confie Thierry Appelboom, administrateur délégué du musée de la Médecine, "était de visualiser, voire d'identifier si, deux millénaires plus tard, des organes étaient encore présents et de rechercher des traces éventuelles de maladies et malformations". S'agissant des momies précolombiennes, outre la découverte de graines dans une boîte crânienne, les résultats ont permis de diagnostiquer entre autres chez certains individus des déformations ostéo-articulaires. Rien d'étonnant dans le cas du pauvre Rascar Capac, à voir sa position assise (lire ci-contre). L'expo se complète d'une allusion à la fascination pour les momies, présente dans la littérature. "Momies en transparence" illustre en effet "Le roman de la momie" de Théophile Gauthier, une nouvelle - fantastique, bien entendu - d'Edgar Allan Poe, les films dont l'un, ancien, avec Peter Cushing, est présent sous forme d'affiche, et évidemment la bande dessinée avec Tintin, voire Adèle Blanc-Sec, qui n'est pourtant pas mentionnée. Une exposition qui dépasse de loin la simple étude scientifique des momies et va bien... "au-delà".