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Un choix surprenant qui pourrait s'expliquer par le fait que la mise au point des vaccins à ARNm s'est étalée sur plusieurs décennies et a fait intervenir des dizaines de chercheurs et d'entreprises, ce qui complique évidemment grandement la sélection des lauréats. Comment faire un choix dans cet écheveau de découvertes successives qui semblaient certes toutes révolutionnaires au moment même, mais qui n'ont pas encore trouvé leur place définitive dans le contexte d'une évolution plus large? Mais revenons-en aux heureux élus. Spécialiste en chimie biologique et biologie moléculaire à l' University of California - San Francisco, David Julius se concentre sur la recherche des mécanismes qui permettent à notre corps de percevoir la chaleur, le froid et l'irritation par des substances chimiques. Une série d'irritants en provenance des règnes animal et végétal l'ont mis sur la piste des canaux ioniques qui déterminent très spécifiquement une série de sensations. Il a réalisé une première grande percée en 1997, avec l'identification et le clonage du gène codant pour le TRPV1, un canal ionique dont la stimulation génère une sensation douloureuse de brûlure. Il a été découvert grâce à la capsaïcine, un alcaloïde que l'on retrouve dans les piments forts et qui est capable, justement, d'activer TRPV1. En 2002, l'extrait de menthe qui lui a ensuite permis d'associer le canal ionique TRPM8 à la perception du froid. Enfin, on doit encore à David Julius la découverte d'un troisième canal ionique, le TRPA1, qui est impliqué dans la survenue des douleurs inflammatoires et stimulé par... le wasabi. L'expert planche actuellement sur les finesses de la structure de TRPV1 dans l'espoir d'en tirer de nouveaux traitements contre la douleur. Des recherches cliniques sont par ailleurs déjà en cours avec un antagoniste TRPA1. David Julius partage les honneurs avec Ardem Patapoutian de l'institut californien Scripps Research. Celui-ci se spécialise dans le phénomène de la mécanotransduction, qui reste d'après lui la modalité sensorielle la plus mystérieuse au niveau moléculaire. Les canaux ioniques qui détectent les stimuli mécaniques jouent vraisemblablement un rôle dans la perception de la douleur, du bruit et des forces de cisaillement. On doit à Ardam Patapoutian la découverte de Piezo1 et Piezo2, deux canaux ioniques qui s'expriment dans les cellules mécanosensibles. Son équipe s'efforce actuellement de clarifier le rôle exact de ces protéines dans la mécanotransduction.