...

Le journal du Médecin: Pouvez-vous expliquer l'alignement des planètes en politique actuelle pour vous et son impact potentiel sur la situation des médecins? Dr Luc Herry: L'alignement des planètes avec la coalition de centre-droit qui semble accéder au pouvoir, c'est-à-dire un contexte politique favorable, pourrait permettre des réformes positives pour les médecins. Cependant, il est souvent observé que même dans de telles conditions, les attentes sont parfois déçues. Par exemple, dans le passé, certains ministres libéraux n'ont pas toujours soutenu les initiatives attendues. Quelles sont alors vos préoccupations concernant une politique de centre droit? Une politique de centre droit signifie généralement une gestion stricte des finances publiques, ce qui pourrait limiter les marges de manoeuvre pour améliorer le système de santé. La dette publique étant élevée, il ne faut pas s'attendre à des miracles. Une meilleure répartition entre les médecins, notamment en révisant la nomenclature médicale, pourrait être envisagée, mais cela reste incertain. Quelle est votre vision concernant la pénurie de médecins en Belgique? La Belgique forme suffisamment de médecins, mais beaucoup d'entre eux quittent le pays après leur formation. Cela est dû en partie à un manque de valorisation des métiers médicaux en Belgique, tant en termes de conditions de travail que de rémunération. Si nous voulons retenir ces professionnels, il est crucial de mieux valoriser ces métiers. Quelles mesures proposez-vous pour réduire la surconsommation des services de santé par les citoyens? Par exemple, nous envisageons de rendre obligatoire le triage via le 1733 pour tous les appels non urgents. Cela permettrait de diriger les patients vers le bon service, évitant ainsi une surcharge des services d'urgence ou des postes de garde. Ce système de triage pourrait grandement améliorer l'efficacité du système de santé. Seriez-vous favorable à une modulation des remboursements pour éviter le "shopping médical"? Cela pourrait effectivement être un moyen de lutter contre le "shopping médical". L'idée serait d'inciter les patients à respecter un parcours de soins coordonné, en consultant d'abord leur médecin généraliste avant de voir un spécialiste, par exemple. Cependant, il faut être prudent avec la mise en place de ce type de mesure, car elle pourrait pénaliser certains patients, notamment ceux qui ont des difficultés à accéder à un médecin généraliste dans certaines régions. Une réflexion approfondie est nécessaire pour s'assurer que cette mesure soit équitable et ne crée pas de nouvelles inégalités dans l'accès aux soins. Quel bilan tirez-vous du mandat de M. Vandenbroucke? Souhaitez-vous qu'il rempile (puisque Vooruit est attendu dans la coalition fédérale, c'est une réelle possibilité)? Le bilan est mitigé. Bien qu'il ait été actif et n'ait pas tout fait de travers, sa manière de travailler, sans concertation, a été problématique. Il impose ses décisions sans écouter les parties prenantes, ce qui a conduit à des erreurs. Je préférerais qu'il soit remplacé par quelqu'un de plus ouvert à la concertation. Envisagez-vous la possibilité d'avoir un ministre de la Santé issu de la N-VA? Bien que la N-VA soit généralement associée à des positions libérales, elle est également très soucieuse de son électorat, qui comprend de nombreux médecins. Cela pourrait être un atout pour maintenir un dialogue constructif, même si les finances publiques resteront une contrainte majeure. Quelles sont vos priorités pour la prochaine législature en matière de santé? Finaliser la réforme de la nomenclature et celle du financement des hôpitaux est crucial. Ces réformes doivent être mises en oeuvre rapidement, idéalement en 2025, car de nombreux hôpitaux sont en difficulté financière. Si ces réformes ne sont pas finalisées, la situation des médecins risque de se détériorer encore plus. Comment peut-on améliorer la rémunération des médecins tout en évitant des systèmes incestueux comme la rétrocession aux gestionnaires d'une partie des suppléments d'honoraires? La réforme de la nomenclature est la clé. Il faut que les actes techniques soient correctement rémunérés pour que les médecins n'aient pas besoin de recourir à des suppléments pour compenser. Une bonne organisation de la nomenclature permettra aux médecins de recevoir une rémunération juste pour leur travail sans recourir à des pratiques contestables. Comment percevez-vous la rémunération actuelle des médecins généralistes en Belgique? La rémunération des médecins généralistes est souvent inférieure à celle de leurs homologues salariés, ce qui est problématique. Les généralistes assument des responsabilités cliniques importantes, contrairement aux médecins administratifs qui n'ont que des responsabilités administratives. Cette situation rend le salariat plus attractif pour de nombreux médecins, d'autant plus que les conditions de travail y sont souvent meilleures, notamment en termes de qualité de vie et de pension. Pourquoi êtes-vous opposé aux trois systèmes de rémunération en médecine générale tels que le propose le New Deal ? Les trois systèmes de rémunération actuels sont trop complexes et incohérents. Un seul système bien étudié serait plus efficace et plus juste. Cela permettrait aux médecins de mieux gérer leurs infrastructures et d'améliorer la qualité des soins. Travailler en groupe est devenu la norme pour la plupart des médecins, et un système unique faciliterait la gestion de ces groupes. Que pensez-vous, comme seul système, de celui d'une rémunération forfaitaire? Je suis sceptique à l'égard d'un système totalement forfaitaire. Si tout est gratuit pour les patients, ils risquent de ne pas valoriser les soins reçus, ce qui peut conduire à des abus. Un certain degré de participation financière de la part des patients est important pour qu'ils prennent au sérieux leur propre santé. Le gratuit peut rapidement devenir coûteux pour le système. Le GBO vient de changer radicalement sa direction. Une personnalité, côté francophone, va-t-elle être mise sur orbite de votre côté? On s'y perd un petit peu! Sur orbite, je ne dirais pas. Mais des élections auront lieu en 2025. L'Absym sera dirigée (collégialement) par un francophone. Les Drs Bejjani, Emonts et Brunel se présenteront probablement. La Dre Elodie Brunel poursuit sa formation "syndicale". Une femme dirigeant l'Absym pourrait être un "plus" dans le contexte actuel. Par ailleurs, l'Absym poursuit sa nécessaire modernisation fonctionnelle. Nous en parlerons prochainement lors de notre colloque du 12 octobre. Quid de vos moyens ridicules face aux mutuelles? Les syndicats médicaux devraient, au total, bénéficier d'au moins un million d'euros supplémentaires de subvention pour fonctionner convenablement.