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Le journal du Médecin: Quelle est votre vision sur l'empathie dans l'IA en médecine? Pr Hugues Bersini: L'empathie en IA médicale est un sujet complexe. Malgré les avancées, l'IA reste incapable de ressentir de véritables émotions. Elle peut simuler une forme d'empathie, notamment par l'analyse de données issues de multiples conversations, à la manière dont fonctionne GPT. Cette simulation peut sembler convaincante, mais elle reste une imitation sans véritable fondement émotionnel. Cependant, il est envisageable que les développements futurs améliorent cette capacité de simulation, rendant l'IA plus crédible dans son expression d'empathie. Concernant l'utilisation des outils IA par les professionnels de santé, où en sommes-nous? Les technologies d'IA sont déjà bien intégrées dans les milieux académiques et font leur chemin dans le milieu hospitalier, notamment dans des domaines tels que la radiologie ou la cardiologie. Ces technologies permettent d'analyser des données à une vitesse et avec une précision inégalées. L'avenir verra probablement le développement d'applications web facilitant encore davantage le processus diagnostique grâce à l'envoi de données pour l'analyse à distance. Cela représente une avancée majeure, permettant un diagnostic plus rapide et potentiellement plus précis. Et en matière de responsabilité en cas d'erreurs médicales liées à l'IA, quelle est la jurisprudence? La question de la responsabilité en cas d'erreur médicale impliquant l'IA est délicate. Les systèmes d'IA, bien que de plus en plus avancés, ne sont pas exempts de biais et peuvent donc commettre des erreurs. Il est impératif que les décisions critiques pour la santé des patients restent sous la supervision d'un médecin, qui devrait en dernier ressort assumer la responsabilité, tout en ayant la possibilité de remettre en question la fiabilité du diagnostic proposé par l'IA. Concernant la confidentialité des données dans l'IA, pouvez-vous approfondir? La gestion de la confidentialité des données dans les systèmes d'IA représente un défi majeur. L'opacité des algorithmes "d'apprentissage machine", qui constituent le coeur de nombreux systèmes d'IA modernes, rend difficile la transparence et la justification des décisions prises par ces systèmes. Bien qu'ils puissent fournir une estimation statistique de leur fiabilité, expliquer le raisonnement sous-jacent à leurs décisions reste un problème non résolu, soulevant des questions éthiques et légales importantes. Comment envisagez-vous l'éthique et la régulation autour de l'IA? La nécessité d'une éthique forte et de règles claires encadrant l'utilisation de l'IA dans la médecine est indéniable. Les organismes de régulation, notamment au niveau européen, travaillent à l'élaboration de directives pour garantir que l'IA soit utilisée de manière équitable, transparente et sans discrimination. Ces efforts visent à assurer que l'IA contribue positivement au domaine médical sans compromettre les droits et la sécurité des patients. Qu'en est-il des inégalités d'accès aux technologies IA? Les inégalités d'accès aux dernières technologies d'IA entre les hôpitaux et à l'échelle mondiale posent un problème éthique majeur. Toutefois, la possibilité de réaliser des diagnostics à distance grâce à des logiciels d'IA pourrait contribuer à réduire ces inégalités, en permettant même aux régions éloignées ou moins dotées en ressources d'accéder à des diagnostics de haute qualité. La transparence est-elle assurée avec les patients lorsque l'IA est utilisée pour le diagnostic? Informer les patients de l'utilisation de l'IA dans leur diagnostic et traitement est crucial pour maintenir la confiance. Il est également important de recueillir leur consentement, particulièrement pour l'utilisation de leurs données personnelles dans le but d'améliorer les algorithmes d'IA. Cette transparence et ce respect du consentement sont essentiels pour l'acceptation et l'intégration efficace de l'IA dans la pratique médicale. Comment voyez-vous l'avenir de l'IA en médecine? L'IA a le potentiel de transformer radicalement la médecine, en améliorant la précision des diagnostics, en personnalisant les traitements et en rendant les soins de santé plus accessibles. Cependant, pour réaliser pleinement ce potentiel, il est crucial d'encadrer soigneusement les défis éthiques, réglementaires et techniques. L'aspect humain de la médecine restera toujours au coeur de la profession, l'IA servant d'outil puissant pour augmenter, et non remplacer, les capacités humaines. Pour la première fois dans l'histoire d'Homo Sapiens Sapiens, celui-ci a créé une espèce plus intelligente que lui. Par rapport au tropisme "Terminator", vous êtes plutôt parmi les optimistes ou les pessimistes? Ceci fait l'objet de gros débats dans la communauté IA entre, en gros, ceux qui disent que l'IA ne dépasse pas l'intelligence d'un chat ou d'un mollusque et, les autres, pour qui on approcherait celle d'Einstein... Mais en médecine, le côté relationnel, émotionnel est si fort que l'IA ne rivalise pas. J'étais ce matin chez mon dentiste... C'est un type de médecine particulier. Mais je vois mal une IA remplacer un dentiste avant très longtemps. Parce qu'au-delà du diagnostic et de la prise en charge, il y a toute une intelligence très particulière, émotionnelle, une intelligence sociale. L'IA est mise en défaut à cet égard. Une facette de l'intelligence est le traitement pur de l'information. Là, l'IA peut faire mieux. Mais concernant l'autre facette de notre intelligence, la créativité, l'imagination, le rapport social, l'empathie, je vois mal l'IA se substituer à nous avant longtemps...