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C'est en effet à l'ensemble de la carrière de cette autre figure de proue du Pop art que s'attache à faire découvrir le musée montois, bien au-delà de ses seules oeuvres tirées des bandes dessinées. Des séries certes emblématiques, mais qui ne durent que quelques années au début des sixties, avec un retour détourné 30 ans plus tard. Dès son entame, l'exposition confiée à l'italien Gianni Mercurio insiste sur la variété des techniques que ce designer industriel de formation va utiliser. Lui qui affiche une grande maîtrise de l'estampe, débutera par la gravure et des sérigraphies quasi enfantines dont l'une, clin d'oeil montois, met en scène Saint-Georges et le dragon. Mais très vite, celui pour qui la forme importe bien plus que le fond se tournera vers l'histoire notamment américaine: celle des cowboys-Indiens et de la tradition notamment tapissière des Navajos, présentée dans la première salle sous forme de tapisserie tardive qui, bien que personnelle, intègre les éléments stylistiques amérindiens dans l'univers de Lichtenstein. Ceci dans sa phase prépop, qui ne durera pas. Dès le début des années 60, le designer s'empare des objets du quotidien et les décline sur la porcelaine émaillée dans sa série hot-dog, dans une simplification qui touche jusqu'aux couleurs: le noir, le jaune, le rouge et le bleu (comme dans les comics) associé au blanc restent la marque de l'oeuvre de l'artiste américain. Le support peut-être aussi bien un sac en papier ( Turkey shopping bag, conçu pour Thanksgiving), le plasticien utilisant parfois des miroirs, et bien sûr les multiples de la sérigraphie dans ses natures mortes ( Still Life With Lobster par exemple) dénuées de tout dégradé de ton. Suit la découverte des points ben-day dans les journaux par ce fou d'impression, que l'on retrouve dans les fameux action comics, dont le fameux Crack!: Lichtenstein y détourne des cases de bandes dessinées militaires (il en a exécuté lui-même pour les comics de l'armée lors de son séjour en Europe durant la dernière guerre), série qui l'arrêtera avec l'entrée en guerre des USA au Vietnam, l'artiste refusant toute assimilation politique (mais affirmant après coup que c'était une dénonciation de l'interventionniste américain). La loi des séries continue à s'imposer à Lichtenstein (et à l'expo), laquelle aborde, sans toujours suivre un ordre chronologique, mais plutôt thématique, la série des interiors débutée à Rome dans les années 70 sur base de bottins de téléphone et de magazines de décorations: des estampes stylisées d'intérieurs en effet, quasi sans personnages ; sofas, rideaux lampes, rendus dans des tons toujours tranchés fantomatiques qui ont un côté vide métaphysique. Un autre thème pop-ulaire chez Lichtenstein est celle des figures féminines: d'une mélancolie à la Kim Novak et pop- platoniques, hitchcockiennes dans les années 60, le "point" de vue (et les points qui changent de grandeurs jusqu'à 15 différents par tableaux) varie dans les années 90, époque où ces figures se font plus érotisantes, sensuelles évoquant Ingres et Picabia (sauf quand Roy les traite façon action painting, à coup de brosses grossières: c'est grossier en effet...). L'artiste, dont on découvre les talents (moindres) de sculpteur, connaît d'ailleurs une période abstraction pour rire qui le voit moquer l'action-painting d'un Pollock dans "Brushstrokes" qu'il "pointe" à sa façon dans les 60, pour plus tard s'en prendre à l'abstraction géométrique d'un Mondrian (superbe et énorme porcelaine émaillée intitulée devinez quoi? "Modern painting in porcelain"). Lichtenstein détourne d'ailleurs toujours en utilisant différentes techniques des grands maîtres du 20e siècle: Fernard Léger dans Peace Through Chemistry, Calder dans un Suspended mobile en 3 dimensions, Monet en utilisant les miroirs dans Water Lilies, Le semeur de van Gogh dans The Sower façon abstraction lyrique. Des artistes à qui il rend hommage sans jamais les nommer, exception faite de Pablo dans Still Life With Picasso, dont la découverte au travers de Guernica fut une révélation pour le très jeune Roy au début de la Deuxième Guerre. Autre aspect moins connu de l'oeuvre de Lichtenstein et du personnage, dont l'expo à travers la variété de son travail révèle des traits de caractère comme cette ironie espiègle, ses paysages qu'il exécute aussi bien dans sa face comics ( This must be the place) au cours des années 60 qu'à la toute fin de sa vie, où ce maître de l'estampe utilise ses fameux points de différentes dimensions pour concevoir des Chinese landscapes à la manière philosophale des peintres chinois de la dynastie Song. Auparavant, il en fit de moins convaincants utilisant le rowlux, matière brillante suggérant une impression de mouvement destinée aux panneaux de signalisation américains. L'expo - rehaussée d'explication sur les techniques utilisées, d'une vidéo montrant l'artiste et d'un atelier de gravure de la région reconstitué - se termine sur quatre couchers de soleil stylisés évoquant un vieux drapeau japonais de bédé militaire justement. Un résumé parfait de la diversité de techniques maitrisées par Lichtenstein: présenté sur rowlux, en sérigraphie, sur acier, et acier perforé. Impressions... soleil couchant!