...

Le Journal du Médecin: À qui avez-vous envoyé la note (lire notre dernière édition) élaborée par le Comité exécutif(1) du GBS? Dr Jean-Luc Demeere: À Jo de Cock, administrateur général de l'Inami. S'il la juge pertinente, nous espérons qu'il la transmettra aux différentes task forces, celles consacrées aux "soins efficaces", présidée par le Dr Ventura, ou aux "objectifs des soins de santé", présidée par le Dr Ceuppens, ou au "cadre budgétaire pluriannuel dynamique", présidée par le Pr Erik Schokkaert. Pourquoi avez-vous rédigé cette note? Parce que certains groupes voulaient profiter de cette réflexion sur les objectifs de santé et les soins efficaces pour introduire deux notions qui sont, pour le GBS, difficile à accepter. La première est le renforcement de la première ligne de soins avec l'inscription obligatoire chez le généraliste- comme c'est déjà le cas en Flandre. La deuxième est l'échelonnement obligatoire. Lors de la présentation le 24 mars 2020 du document Tomorrowlab sur l'avenir des soins de santé au Comité de l'assurance de l'Inami, nous avions déjà attiré l'attention des autorités en soulignant, entre autres, que cette vision des soins est stratifiée non pas en fonction du patient mais en fonction de l'organisation des soins de santé. En 2019, dans notre memorandum publié dans le cadre des élections, nous avions déjà dit qu'organiser notre système des soins en trois lignes était la pire des choses pour les patients. Le 1er mars 2021, lors du "kick-off meeting", le ministre Vandenbroucke a rappelé les quatre objectifs de notre système de santé. En soulignant qu'il veut améliorer les soins aux patients et l'état de santé de la population en se focalisant sur l'accessibilité aux soins et l'équité sociale, accroître la plus-value directe pour le patient et la plus-value pour le professionnel de santé. Dans son discours, le ministre de la Santé a insisté sur les soins de proximité. Cette approche est très importante pour le GBS. Dans votre note, vous appuyez votre argumentaire sur la Déclaration universelle des droits de l'homme. En effet, nos deux juristes rappellent dans la note les principes de droit qui constituent le socle conceptuel de la réflexion du GBS. Par exemple, l'article 22, qui précise que "toute personne, en tant que membre de la société, a droit à la sécurité sociale ; elle est fondée à obtenir la satisfaction des droits économiques, sociaux et culturels indispensables à sa dignité et au libre développement de sa personnalité, grâce à l'effort national et à la coopération internationale, compte tenu de l'organisation et des ressources de chaque pays." Pour le GBS, l'échelonnement des soins n'est pas la bonne solution? Notre message est plutôt de dire que le système de santé doit apporter une plus-value au patient. Il ne faut pas construire un système de santé comme le ferait un gestionnaire d'une entreprise en hiérarchisant les lignes de soins et en contrôlant toute la médecine ambulatoire. La première ligne doit être pensée en fonction du patient et de la compétence des soignants. L'échelonnement obligatoire est contraire au concept de soins de proximité et de "compétences" de la loi qualité. Domus Medica (la société scientifique de la médecine générale flamande, NDLR) considère d'ailleurs qu'il faut un psychologue dans les maisons médicales. Certaines maisons médicales travaillent avec des pédiatres. Le Dr Ri De Ridder dans son livre Goed Ziek, défend des équipes de voisinage où à côté des médecins généralistes, des pédiatres ou gynécologues consultent. La loi qualité est porteuse d'espoir parce qu'elle précise qu'à l'avenir il ne faut plus se focaliser sur la structure des soins mais bien sur les compétences des soignants. Le meilleur traitement est celui qui est administré par le professionnel qui est le plus compétent. Dans le cas contraire, ce traitement risque d'entraîner un retard dans la prise en charge, des consultations et des examens complémentaires, voire inutiles, et des coûts supplémentaires. Les soins délivrés par les prestataires les plus compétents sont, en principe, les moins coûteux et les plus appropriés. Ce n'est évidemment pas toujours le cas, comme l'illustre un exemple concret développé par deux néonatologues du GBS. En effet, cet exemple est parlant. Un nouveau-né reçoit des soins à l'hôpital. Lorsqu'il quitte l'hôpital, il est suivi par un pédiatre. Mais pour que le ticket modérateur soit pris en charge par certaines mutuelles, les pédiatres doivent demander aux parents de trouver un médecin généraliste qui pourra inscrire le nouveau-né dans un DMG afin de permettre le remboursement des tickets modérateurs. Or, ce médecin n'a eu aucun contact avec l'enfant. C'est le monde à l'envers. Vous insistez beaucoup dans votre note sur la propriété du dossier médical global en soulignant qu'il appartient au patient et que tous les médecins doivent y avoir accès. C'est inscrit dans la loi relative aux droits du patient et repris dans la loi qualité. Le patient est détenteur du DMG, pas le médecin généraliste. Notre idée est que tout médecin puisse générer un DMG pour pouvoir y indiquer les informations relatives à son patient. D'où l'intérêt de disposer d'un coffre-fort virtuel auquel les autorités n'ont pas accès. Il est clair que le médecin généraliste - qui est dans bien des cas l'interlocuteur privilégié du patient - va plus fréquemment utiliser le DMG. Le médecin généraliste en sera donc le gestionnaire. Le GBS essaye-t-il dans cette note de renforcer la position du spécialiste extra-hospitalier? Le document Tomorrowlab cite la première ligne et la deuxième ligne, l'hôpital. On n'y retrouve pas la médecine spécialisée extra-hospitalière. Or, pendant la pandémie, les hôpitaux n'ont pas été mécontents de voir que de nombreux patients étaient pris en charge par des spécialistes extrahospitaliers. Lors de ces consultations, les spécialistes ont pu soigner des patients qui avaient peur de se rendre à l'hôpital ou ne pouvaient s'y rendre en raison de la suppression des consultations non-urgentes et non-essentielles. Je m'interroge également sur l'intérêt d'avoir des polycliniques dans les hôpitaux. Cette offre est certainement rentable pour les institutions, mais est-ce une plus-value pour les patients? Pour rappel, le financement hospitalier ne couvre pas les polycliniques. Le gestionnaire hospitalier loue les surfaces, les services et l'informatique aux médecins. Si le spécialiste perçoit un honoraire peu élevé - par exemple 24 euros pour la consultation préopératoire d'un anesthésiste, ces services sont impayables. D'ailleurs, pour éviter ces coûts trop élevés, de nombreux spécialistes se regroupent dans des polycliniques extrahospitalières.