Le Laboratoire hospitalier universitaire de Bruxelles (LHUB) a de nombreuses ambitions. Un plan stratégique de 55 axes a été mis sur pied. Mais quatre points se dégagent de la stratégie de ce laboratoire unique en Belgique, puisqu'il regroupe cinq hôpitaux bruxellois qui n'ont pas fusionné. Rencontre avec Anne Janssen, directrice du LHUB depuis un peu plus d'un an.
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Le journal du Médecin: Le milieu de la biologie clinique est un milieu qui évolue très vite. Quelles sont les grandes ambitions du LHUB? Anne Janssen: Nous avons quatre grands défis. D'abord, faire face à l'évolution de la biologie clinique et de son organisation. Il y a eu, par le passé, un phénomène important de centralisation des activités et des analyses avec les grands plateaux. Aujourd'hui, un phénomène presque contraire se met en route avec la biologie clinique délocalisée, les POCT (Point-of-Care Testing). Autre mouvement important: la poursuite du développement de plateformes techniques multidisciplinaires. Le précurseur étant évidemment les Corelabs mais les plateformes de biologie moléculaire ou de cytométrie vont dans le même sens. Cela ouvre des perspectives prometteuses avec d'autres services comme l'anatomopathologie ou la génétique. Ensuite, nous voulons investir dans les services aux prescripteurs et à leurs patients, notamment au travers de l'e-santé. Cela concerne l'e-prescription, mais aussi le développement d'une application pour l'accès aux résultats. Le deuxième volet est celui du rôle du biologiste qui évolue. Au-delà de la validation et l'aide à l'interprétation des résultats, il doit davantage jouer le rôle de conseil auprès du prescripteur avec, par exemple, un rôle plus soutenu dans l'aide à la prescription. Troisième point: le virage ambulatoire. Nous sommes, historiquement, un laboratoire hospitalier. L'essentiel de nos analyses et de nos services vient des hôpitaux. Mais les trajets de soins actuels diffèrent totalement des trajets de soins d'il y a 15 ou 20 ans. Nous devons accompagner ce changement et nous positionner dans le paysage ambulatoire pour offrir à nos cliniciens et à nos patients une prise en charge totale du volet biologie clinique tout au long de ce parcours. Comment? L'objectif consiste à être davantage présent à l'extérieur de l'hôpital mais également partenaire avec les centres de prélèvements de nos hôpitaux partenaires. Nous souhaitons nous positionner dans l'ambulatoire extrahospitalier, avec un plan de développement vers des prestataires de soins extérieurs comme les médecins généralistes et les maisons de repos. Cette nouvelle clientèle nécessite de travailler sur nos temps de réponse. Dans le milieu ambulatoire, certaines analyses doivent avoir un temps de réponse plus rapide par rapport au milieu hospitalier. Cela demande soit la mise en place de flux d'acheminement des tubes et d'analyse spécifiques, soit l'implémentation de nouvelles techniques comme par exemple les POCT. Parallèlement, nous devons également renforcer notre activité ambulatoire hospitalière où nous devons réfléchir avec les centres de prélèvements de nos hôpitaux partenaires sur une organisation qui corresponde aux besoins des patients et des cliniciens. De manière générale, nous avons des patients intrahospitaliers qui sortent de l'hôpital et qui continuent à suivre un traitement. Ils restent nos patients. Nous devons pouvoir continuer à leur offrir nos services. Nous avons tout intérêt à sortir de nos murs et à nous assurer que le patient revienne dans notre environnement. Il faut pour cela aller au-delà de nos centres de prélèvement, dans l'esprit. Au-delà donc d'une considération économique, c'est donc un enjeu sociétal qui répond à l'évolution des trajets de soins et de la qualité de la prise en charge continue. Ce virage ambulatoire crée une concurrence plus importante par rapport aux laboratoires privés. C'est évident. Mais nous avons un savoir-faire et des domaines d'expertise nombreux, de bonnes infrastructures, une grande qualité analytique. Cette qualité doit pouvoir bénéficier à des prestataires et des patients extérieurs à l'hôpital. Ce que nous n'avons pas et qu'il faut mettre en place, c'est une logistique, en ce compris un service adapté, pour aller chercher cette patientèle. La réforme du financement hospitalier prévoit une diminution du remboursement de toute la biologie clinique pour financer des secteurs plus déficitaires dans les hôpitaux. Les laboratoires privés souffriront davantage de cette mesure que les laboratoires hospitaliers. Cette réforme n'est pas encore arrêtée. Il y a des indications qui montrent un rééquilibrage de la biologie clinique en faveur des hôpitaux, avec notamment une nomenclature déforcée par rapport aux types de prises en charge. Dans notre environnement, nous faisons beaucoup d'autres choses (enseignement, recherche, patients complexes). Il y a des coûts objectivables et objectivés par rapport à un laboratoire privé. La nomenclature doit être revue à la lumière de ces différences et ce sera en effet l'occasion de rééquilibrer la nomenclature entre spécialités médicales. En biologie clinique, comme en imagerie médicale, l'ambulatoire a toujours été fortement laissé au secteur privé marchand. Ce qui m'a toujours étonnée. Il faut que nous nous investissions dans ce champ. L'objectif est d'investir, de développer une expertise pour nos patients à l'extérieur des murs des hôpitaux. Nous traiterons toujours des cas complexes, souvent plus onéreux et moins bien remboursés. Mais il faut aussi chercher ces cas plus rentables qui sont davantage l'apanage du privé. Vous parliez de quatre grands défis. Nous en avons abordé trois. Quel est le dernier? Il s'agit de nos missions académiques. Nous évoluons dans un milieu concurrentiel tant financièrement qu'au niveau des ressources humaines. Pour faire face, nous avons développé plusieurs actions. Nous avons créé une unité, appelée Unrit, dédiée au soutien à la recherche et l'innovation technologique. Nous allons la faire reconnaître par le pôle santé de l'ULB. Cela va permettre d'avoir un guichet unique pour l'ensemble de nos cliniciens qui font de la recherche et de concentrer et développer des partenariats industriels ou sociétaux, à l'instar des partenariats que nous avons avec le laboratoire de Panzi en RDC ou avec MSF, avec qui nous avons développé un minilab. La recherche passera par la collaboration. Nous avons initié, en septembre dernier, une plateforme avec les laboratoires hospitaliers universitaires belges. Nous avons déjà eu deux réunions. L'objectif est de partager nos défis, qui sont similaires, de les relayer à d'autres niveaux, de devenir une force de proposition, d'interpellation, et aussi d'être une force en termes de recherche et d'innovation. Ensemble, nous y arriverons plus facilement. Il faut être lucide: seul, on est peu de chose dans le domaine de la recherche de pointe. Au niveau international, nous faisons partie d'un G4 avec le laboratoire de la Mayo Clinic, les Health Services Laboratories (HSL) de Londres et le laboratoire de Berlin, qui ont des profils identiques au nôtre, avec des tailles évidemment différentes. Nous travaillons ensemble pour partager nos expériences, nos évolutions technologiques.