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L'auteur célébré serait-il devenu un ermite ratatiné, un misanthrope rabougri et desséché ? Pas du tout : au travers de ces 533 jours, plutôt que se complaire dans l'introspection, il regarde le monde qui l'entoure par de ce petit bout de lorgnette îlienne, qu'il s'agisse des attentats de 2015 ou de la crise migratoire, saisissant son microscope pour observer les papillons, les fourmis, les chenilles processionnaires, donnant esprit et pas seulement vie aux plantes qui l'entourent, usant son regard télescope pour observer les étoiles, suivre le parcours de Voyager 1 et 2, partis sondés l'infini après avoir exploré le système solaire.Parvenu au chapitre final du livre de son existence, Nooteboom qui se révèle d'une sagesse visionnaire quant aux destins de l'Europe et de l'Espagne, mesure la petitesse de l'homme, tout autant que l'importance de toute vie... même lilliputienne.Et, bien sûr, au coeur de cette vision chamanique qui prête conscience à toute chose existante, les livres ont aussi leurs mots à dire, les écrivains parfois renvoyés à leur jalousie et leur chamaillerie. Cultivant son jardin à la manière de Candide, mais sans croire comme Pangloss que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes, ce jardinier de la pensée passe du local à l'universel... voire l'inverse. Et si Nooteboom cite Montaigne, cela ne signifie pas pour autant que ces miscellanées ont valeur d' " Essais ". D'ailleurs, l'amoureux des cactus ne se pique pas de lui ressembler, même s'il est cerné d'une tour de livres. Certes pleine de bon sens et d'humanisme, ses réflexions ont l'imagination d'un Cervantès, et son style l'austérité d'un Zurbaran : elles transforment sa contrée mentale en des Pays-Bas... espagnols.