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La perception du système de soins de santé par la population francophone se dégrade, montre le dernier Baromètre Solidaris, de même que l'accessibilité perçue aux soins. Au-delà des chiffres purs (à lire sur notre site www.lejournaldumedecin.com), quelle méta-analyse peut-on en tirer et quelles priorités pour éviter que le système ne s'effondre dans les prochaines années? La question est criante à l'heure d'arriver à boucler un nouveau budget... La stabilité des soins chez le médecin généraliste (9% de renoncement, soit le taux le plus bas) est remarquable. Pilier fondamental de notre politique de santé publique, le généraliste est au coeur du système. L'accessibilité exemplaire au niveau de la première ligne pourrait inspirer d'autres secteurs, notamment la seconde ligne (18% de renoncement chez le spécialiste), mais aussi les soins dentaires qui demeurent ceux auxquels on renonce le plus (quasi un quart de la population). "La médecine générale reste la discipline la plus accessible grâce aux 98% de taux de conventionnement et à des mécanismes qui permettent réellement à une population plus précarisée d'y avoir accès", analyse Brieuc Wathelet, coordinateur du plaidoyer politique sur les enjeux fédéraux au Service études de Solidaris. La généralisation du tiers payant pour les personnes sous statut BIM chez le généraliste est l'une des mesures qui explique la diminution du renoncement en 2024. "Elle a un impact direct, elle accroît l'accessibilité à partir du moment où le patient sait qu'il ne doit plus avancer d'argent. On pourrait l'étendre à tous les prestataires."Parmi les autres mesures prises sous la dernière législature à l'origine du meilleur accès aux soins constaté en 2024, la diminution du plafond pour le Maximum à facturer (250 euros au lieu de 400 auparavant) et l'octroi automatique du statut BIM pour certaines catégories. La future interdiction des suppléments d'honoraires pour les BIM, prévue au 1er janvier prochain, devrait également soulager le report de soins... à condition qu'elle ne soit pas remise en question par l'Arizona si elle advient. Généraliser le tiers payant n'a cependant aucun sens si des suppléments d'honoraires continuent d'être appliqués... Pourquoi le patient irait-il davantage chez le médecin s'il ne doit plus payer de ticket modérateur... mais quand même des suppléments? La politique en matière d'accessibilité des soins de santé doit être globale et transversale, en agissant à la fois sur les mécanismes de protection des plus vulnérables et un conventionnement plus solide. Une réforme du conventionnement améliorerait l'accès pour toute la population, même pour les mieux nantis (= un quart de la population) qui sont quand même 24% à renoncer, eux aussi, à certains soins. "Travailler sur le conventionnement n'est pas une mesure spécifiquement pour les plus pauvres", souligne Brieuc Wathelet. "Lesmécanismes de protection ne sont réellement effectifs et performants qu'à partir du moment où l'on dispose de prestataires conventionnés." Or, on assiste à une forte diminution des taux de conventionnement parmi les dentistes, les kinés, les logopèdes... Au point, pour rappel, que le ministre sortant a dû abaisser en urgence le seuil (de 60% à 55%) d'adhésion à la convention pour les dentistes. "Le conventionnement est la clef de voûte du système d'accessibilité, le cheval de bataille de Solidaris", rappelle notre interlocuteur. Et d'aller plus loin, par exemple en matière de soins dentaires: "Il faut que l'État puisse mettre en place un 'bouclier tarifaire', c'est-à-dire une interdiction de suppléments d'honoraires là où il y a pénurie de dentistes conventionnés et des reports de soins catastrophiques, comme à Anvers. N'oublions pas que le secteur de la dentisterie a été largement revalorisé dernièrement..."Parmi les recommandations formulées dans le sillage de l'étude "renoncement aux soins", le relèvement des indemnités à 10% au-dessus du seuil de pauvreté pour les personnes en incapacité qui, rappelons-le, constituent la plus grosse frange de la population à déclarer reporter des soins (63%). En 2024, le seuil de pauvreté est établi à 1.450 euros, plus de deux millions de Belges (quasi une personne sur cinq) se situent sous ou à ce niveau de revenus. Or le vieillissement de la population, l'augmentation des maladies chroniques et la paupérisation de manière générale ne vont qu'accroître ce chiffre. Et l'Institut Solidaris de plaider, donc, pour une assurance maladie-invalidité "forte", c'est-à-dire "correctement financée". "Prenons l'exemple des lunettes, indispensables, mais prestation encore mal remboursée", illustre le coordinateur du plaidoyer politique de Solidaris (un francophone sur cinq a renoncé aux soins optiques en 2024, NdlR). "Il faut à la fois étendre la couverture de remboursement - élargir les seuils de dioptries, par exemple à -5 - et augmenter le remboursement des seuils déjà remboursés. Le Bureau fédéral du plan estime que les dépenses nécessitent une norme de croissance à 3,3%, nous étions à 2,5% en moyenne sur la dernière législature. Si l'on va vers 2% de norme dans les années à venir, on aura deux milliards de manque à gagner, de tels nouveaux investissements dans la couverture assurance maladie seront donc impossibles, et nous assisterons à davantage, encore, de report de soins pour des populations déjà fragilisées, voire à des restrictions de remboursements ou des augmentations de ticket modérateur..."