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C'est tout l'intérêt de l'étude: Anne-Laure Lenoir (ULiège) a étudié la prise en charge des médecins généralistes par des psychologues. "Nous avons contacté 43 psychologues. Parmi eux, 24 n'avaient aucune expérience dans la prise en charge de médecins. Nous sommes arrivés à saturation des données après dix entretiens", précise la chercheuse. Les psychologues interrogés ont mis en exergue les spécificités de la prise en charge de médecins: ces derniers consultent tard et éprouvent des difficultés à se considérer comme patients. "Ces difficultés viennent de la réticence à demander de l'aide, et d'un manque de soins envers soi-même", explique la Dre Lenoir après l'analyse des entretiens. "Les psychologues mettent en évidence une certaine culture de l'endurance chez les médecins. Ces derniers ont également peur du jugement professionnel et social, plus prononcé que dans d'autres professions. Un médecin ne demande pas l'aide d'un autre soignant. Il est formé à endurer, à serrer les dents et à ne pas se plaindre. Les médecins éprouvent des difficultés à réduire l'engagement professionnel. Il y a une culture de la vocation qui explique cet état de fait."On peut aussi parler d'une culture d'endurance qui est socialement renforcée par la perception sociétale des médecins comme des héros capables de faire face à n'importe quel défi. "Toute leur vie est dédiée aux soins des autres, ce qui biaise leur propre perception du bien-être", explique Anne-Laure Lenoir. "Cette situation est aggravée par l'absence de supervision régulière et de soutien psychologique dans le quotidien professionnel, contrairement aux psychologues et àd'autres professionnelles qui intègrent ces outils dans leur exercice."Anne-Laure Lenoir propose quelques solutions. D'abord, l'introduction du self-care dans la formation initiale et continue des médecins. "On peut par exemple former les médecins généralistes à l'autocompassion", glisse-t-elle. Ensuite, le soutien par les pairs. "La création de groupes de soutien par les pairs pourrait encourager les médecins àpartager leurs expériences età chercher de l'aide sans crainte de répercussions professionnelles." Enfin, il faut changer la culture professionnelle.