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La Trichomonas vaginalis, la Candida albicans et la vaginose bactérienne sont trois causes bien connues de vulvovaginite. " Il existe toutefois encore une quatrième forme, la vaginite aérobie, que j'ai décrite en 2002 dans le British Journal of Obstetrics and Gynaecology" (2), commence le gynécologue tirlemontois. " C'est une entité qui est souvent confondue avec la vaginose bactérienne. Lorsqu'une femme se plaint de pertes vaginales et de douleurs et que des traitements répétés ciblant les trois types classiques de vulvovaginite n'ont pas permis d'obtenir une amélioration, il sera souvent question d'une vaginite aérobie." La cause de la vaginite aérobie est une colonisation par des bactéries aérobies en provenance de l'intestin, comme Escherichia coli, des streptocoques et des entérocoques. La maladie se caractérise par une inflammation (vagin rouge et oedémateux), ce qui n'est pas le cas pour la vaginose bactérienne. La vaginite aérobie peut s'accompagner d'un défaut de maturation hormonale de l'épithélium vaginal ; le frottis révèle alors la présence de cellules parabasales qui trahissent son caractère immature. La patiente présente dans ce cas une sorte d'atrophie artificielle de l'épithélium vaginal, telle qu'on l'observe normalement à l'âge de 80 ans mais pas au cours de la vie reproductive. L'inflammation souvent présente se traduit par la présence, dans le frottis, d'un nombre accru de leucocytes normaux et hyperactifs (toxiques). On observe parfois un lien avec le type de contraception utilisé: la prise prolongée et continue d'une pilule faiblement dosée ou d'une pilule progestative ( progesterone-only-pill ou POP), par exemple, constitue parfois un facteur de risque. Classiquement, le diagnostic ne peut être posé que moyennant un examen microscopique, mais le congrès Isidog a été l'occasion de présenter plusieurs nouvelles techniques moléculaires qui permettent également de l'établir de façon précise. Le Pr Donders déplore que la microscopie soit actuellement si peu utilisée dans le diagnostic de la vulvovaginite et que l'on se fie principalement aux cultures. Celles-ci présentent en effet un certain nombre de désavantages - notamment leur coût élevé, mais aussi le fait que le résultat ne soit disponible qu'après deux jours (ce qui oblige à recontacter la patiente) et livre parfois un tableau trompeur de la situation, comme l'illustre très bien le cas de la vaginite aérobie. " Une culture positive pour une bactérie donnée ne signifie pas automatiquement qu'un traitement par antibiotiques est nécessaire", souligne le spécialiste. " Le diagnostic peut être confirmé par une culture, mais son fondement reste l'examen clinique et microscopique." Le traitement de la vaginite aérobie aussi repose sur le tableau microscopique. Lorsque les cellules parabasales sont très nombreuses, l'administration locale d'oestrogènes sera indiquée. Lorsque les coques sont très présents (au détriment des lactobacilles), on pourra prescrire un probiotique ou antiseptique local (ou, dans des cas exceptionnels, un antibiotique local). Une inflammation marquée en présence d'une infection très limitée est une indication à un traitement par cortisone intravaginale. Après mise en place du traitement initial, le tableau fera l'objet d'un suivi microscopique afin que la prise en charge puisse être adaptée à son évolution. Un second point important au niveau du diagnostic concerne le Trichomonas. " Nous avons réalisé en Flandre une étude sur 60.000 échantillons, dont il ressort qu'il est présent chez 0,4% des femmes soumises à un frottis (soit 1 sur 250)... alors même que bien des médecins sont convaincus que cette infection a été éradiquée", souligne Gilbert Donders. " Nous avons également réalisé une étude où des généralistes et gynécologues se sont vu soumettre un questionnaire concernant leurs patientes avec un test PCR positif pour le Trichomonas vaginalis. En présence d'une vulvovaginite à Trichomonas, à peine 36% des répondants initiaient un traitement adéquat. Les autres commettaient des erreurs diverses, comme un antibiotique mal choisi ou même l'absence complète de traitement. Certains envoyaient même un échantillon au laboratoire en vue d'une mise en culture... qui donne forcément un résultat négatif, puisque la culture du Trichomonas n'est pas possible avec les procédures utilisées en routine. Aucun traitement n'est alors mis en place. Notre conclusion est que les médecins flamands ne sont plus suffisamment familiarisés avec la vulvovaginite à Trichomonas... or il convient de souligner que cette infection n'est pourtant pas si rare." On parle actuellement beaucoup de l'analyse du microbiome dans le cadre de la prise en charge de la vulvovaginite. " Les technologies de l'ADN seront certainement utilisées dans le futur pour la mise au point de tests rapides, mais si l'on veut vraiment se faire une idée globale des infections mixtes et de la réponse au traitement, un examen microscopique méticuleux est actuellement nettement plus utile", relativise le Pr Donders. En ce qui concerne le traitement, on peut dire pour résumer que le métronidazole et le tinidazole restent la pierre angulaire de la prise en charge de la vulvovaginite à Trichomonas. On n'oubliera pas, dans ce cadre, de traiter également le partenaire. Une résistance au metronidazole/tinidazole n'est pas exclue et nécessitera le renvoi à un médecin spécialisé dans la vulvovaginite. Une nouvelle option est aujourd'hui disponible pour le traitement de la vaginose bactérienne récurrente: il s'agit du chlorure de déqualinium, un agent antimicrobien proposé sous la forme de comprimés à administration vaginale (Fluomizin®. Deux essais de phase 2 sont également en cours avec une autre nouveauté prometteuse, les endolysines, des enzymes extraites de bactériophages qui sont capables de détruire la paroi bactérienne. Elles sont là aussi administrées sous la forme d'un comprimé vaginal. Les probiotiques peuvent également être utilisés dans cette indication ; ce traitement vise, par l'administration de lactobacilles, à gagner du terrain sur les germes anaérobies responsables de la vulvovaginite. La combinaison optimale reste à identifier, mais la prise de conscience qu'elle doit être adaptée en fonction de la zone géographique est récemment venue ouvrir une nouvelle piste de réflexion. Il semble en effet que l'action d'un probiotique donné diffère d'une région du monde à l'autre... et cette découverte marque un premier pas vers une adaptation encore plus poussée des probiotiques aux caractéristiques individuelles des patientes. Pour les infections récurrentes à Candida, le schéma ReCiDiF est aujourd'hui utilisé en routine dans la majorité des pays européens. En cas de VVRC établie (minimum quatre épisodes par an), on initiera dans ce cadre un traitement hebdomadaire par fluconazole, qui sera ensuite abaissé progressivement à la dose minimale efficace (voire interrompu) en fonction de la réponse individuelle. Avec cette approche, 75% des patientes restent asymptomatiques jusqu'à plus d'un an après l'introduction du traitement ; il subsiste néanmoins un petit groupe qui n'y répond pas ou mal. Pour ces non-répondeuses, on peut distinguer trois grands groupes d'options thérapeutiques nouvelles. Les vaccins se trouvent actuellement au stade des études de phase 2, mais les résultats ne semblent pas spectaculaires. Ensuite, il y a les molécules améliorées, des fongicides classiques auxquels on ajoute pour renforcer leur effet une autre substance comme par exemple le chlorure de déqualinium, le bromure de domiphène ou l'ibuprofène. Contrairement aux azolés seuls, qui sont plutôt fongistatiques, ces combinaisons ont un réel effet fongicide. Elles sont actuellement à l'étude dans des essais de phase 1/2. "J'en coordonne d'ailleurs un certain nombre moi-même ici en Belgique", précise le Pr Donders. " L'otéséconazole, un nouvel antifongique azolé, est actuellement en cours d'évaluation à la FDA et sera probablement commercialisé aux États-Unis début 2022. Il s'agit d'un produit à demi-vie longue efficace contre le Candida albicans et non-albicans, qui a été testé ici en Belgique dans le cadre d'études de phase 3. Son efficacité est presque "effrayante": malgré le protocole en double aveugle, après trois mois, nous pouvions distinguer sans peine les patientes qui avaient reçu le médicament ou le placebo tant il était évident qu'il y avait des récidives dans un groupe et pas dans l'autre. C'est la première fois que j'ai vu cela dans toute ma carrière de chercheur. Enfin, je voudrais encore citer l'ibrexafungerp, un produit non azolé, qui se trouve également au stade des études de phase 3. Là aussi, les résultats chez les femmes qui souffrent de VVRC sont extrêmement prometteurs sur le long terme."