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Nous entrons à peine dans la ville que déjà se dresse devant nous une première oeuvre : Art is for Everybody. C'est vrai, l'art, c'est pour tout le monde, à condition d'avoir les mollets suffisamment musclés ! Deux parcours nous attendent : 11 km à pied ou 26 à vélo. Il est également possible de combiner les deux modes : à vélo pour les sites à l'extérieur de la ville, à pied pour le centre. Dans les deux cas, vous débuterez votre virée à l'office du tourisme près du Kursaal. Vous y trouverez toutes les brochures nécessaires, ainsi que des plans (gratuits) du parcours. Pour les marcheurs, il existe aussi une application, Street Art Oostende ou le chatbot de Facebook Messenger du même nom. Quant aux cyclistes, ils se fieront à un plan papier, agrémenté de photos des oeuvres à découvrir. Depuis le Kursaal, nous traversons, masqués, le Koningspark, puis passons devant l'hippodrome Wellington. En chemin, sur la Zelliklaan, une première surprise nous attend : la magnifique fresque de DFace, l'un des petits nouveaux. Sur un fond violet se dessine une séduisante sirène embrassant un marin sous la pleine lune. DFace est une figure majeure du street art. Il puise son inspiration dans le punk, le skate... et chez Roy Lichtenstein. L'histoire raconte que l'artiste est arrivé à moto de Londres pour réaliser son oeuvre. Prenons maintenant la direction de Stene. Une longue et ennuyeuse portion de route nous attend, mais le jeu en vaut la chandelle. Nous découvrons les logements sociaux de l'Emiel Moysonplein. Le site, certes sur le déclin, trouve une nouvelle beauté grâce à de gigantesques fresques, comme celle de 40 mètres de haut de l'artiste mexicaine Paola Delfin, qui a croqué ici plusieurs Ostendaises. L'oeuvre a de quoi impressionner ! Poursuivons par la place Sint-Catharina et la place Hendrik Conscience, pour découvrir des quartiers agréables, aux multiples lieux de cultes et au cachet clairement multiculturel. Dans les ruelles derrière la chaussée de Nieuport, de très belles pièces nous attendent, comme celle de l'Américaine Miss Van, tout en sensualité, ou le travail aux fins détails et d'inspiration africaine de l'Américain Zio Ziegler. Nous nous dirigeons ensuite vers le parc Vogelzang, où nous abandonnons quelques instants nos montures pour admirer cinq oeuvres, situées à courte distance l'une de l'autre. Les deux premières sont signées par deux artistes de Montevideo, Camilo Nunez et Florence Duran du Colectivo Licuado, qui nous présentent ici deux portraits de femmes fortes, respectivement symboles de la mer et de la tempête, avec un clin d'oeil à l'activité de pêche d'Ostende. De là, SpY et son Crazy Keyboard kidnappe notre regard, par son alignement de lettres et son absence de mots... Délaissons encore un instant le centre-ville, pour pousser jusqu'au Visserskaai et traverser le port à bord de notre bac favori, peint par Roger Raveel. Nous accostons sur la Maritiem Plein, où se dresse la cité hypermoderne de l'Oosteroever, la rive Est. Nombre de ses bâtiments d'origine ont disparu. Certains résistent, les fenêtres clouées, comme cette Kantine Vismijn Bij Sjaaki en Nicky, où l'on dansait jadis le samedi soir. Heureusement, les têtes de pêcheurs coriaces de Stephan Vanfleteren sont là pour égayer le Vismijn. Le café The Sailor a lui aussi été épargné de la démolition et sa présence anachronique tombe à point nommé dans ce monde d'acier, de verre et de béton. Si seulement les murs de ce vieux café de pêcheurs pouvaient parler... Et c'est parti pour une longue virée sur le Visserijdok, et un détour par l'Achterhaven et le canal Gand-Bruges, où nous attend le marin géant de l'artiste anversois Joachim. Nous reprenons la route jusqu'au ferry, en passant par la Doksluis, le Spuikom et les huitrières, le Vuurtorenwijk, le Zeepreventorium et le Fort. Voilà le parcours idéal à vélo, compte-tenu d'un vent de côté à faire tomber un peloton de coureurs professionnels. Les points d'orgue de cette partie du parcours sont le portrait hyperréaliste de l'Australien Guido van Helten, le blason d'Ostende d'Alexis Diaz, le travail coloré du collectif Buck (dont fait partie Matthias Schoenaerts), les personnages fantomatiques de Phlegm (GB) et le splendide trompe-l'oeil du Néerlandais Leon Keer. Une nature morte représentant trois gigantesques porcelaines de Delpht. Le bac nous ramène dans le centre-ville. Nous déposons à nouveau nos vélos et poursuivons notre grande visite le deuxième jour. Cette fois, nous partons du quartier de l'AZ Sint-Jan. A l'entrée de l'hôpital, une sculpture de Nick Ervinck, d'un jaune typique à l'artiste, capte d'entrée de jeu notre attention. Ici, la pièce maîtresse constitue la fresque que les élèves de l'Institut Ensor ont réalisée sur le murs de l'école. Ces mêmes étudiants étaient descendus dans la rue en 2019, demandant davantage d'art dans le paysage urbain. Ajoutant l'acte à la parole, ils ont peint collectivement cette oeuvre bariolée, comme une affirmation de leurs envies artistiques. L'oeuvre a été intégrée au parcours artistique de la ville. Un bel exemple de la dimension non seulement artistique, mais aussi sociale que doit englober le street art. Nous arpentons la Spoorwegstraat pour nous diriger vers la maison communale, dont le duo belge Jeps & Jucte a peint la façade. Une fresque musicale en quelque sorte, puisque sont célébrés ici la légende de la soul Marvin Gaye (dont le hit Sexual Healing a été composé à Ostende), la chanteuse de charme Lucy Loes, Johannes Verschave des Van Jets et, bien entendu, Arno. Nous faisons le tour de la Vuurkruisenplein et continuons notre promenade par le Jachthaven, pour enfin se plonger dans le centre-ville par la place Marie-José. Ostende n'est pas une ville morne, mais une ville avec du chien. Pêcheurs et gens de bonne famille se côtoient ici en toute harmonie. Certains artistes sont parvenus à rendre compte de cette sensation typiquement ostendaise dans leur travail. Au-delà des bien connues rues commerçantes de la ville, laissez-vous porter jusque dans les ruelles, là où se nichent les portraits de Case Maclaim, Andreas von Chrzanowski de son vrai nom. L'artiste allemand s'est pour cela rendu plusieurs jours durant au Ron's Pub pour apprendre à connaître les habitués. L'un d'eux orne même sa peinture murale. Au programme également, l'Espagnole Marina Capdevilla, qui confronte la beauté d'une femme avec une décharge. Notons au passage la singularité de ce portrait de fillette, oeuvre de l'Argentin Bosoletti, qui orne l'Achturenplein. L'artiste à peint sa fresque en négatif. Pour lui donner vie et l'admirer pleinement, il faudra donc regarder à travers un filtre négatif. Mais la plus grande émotion nous attend encore, sous la forme d'un hommage à l'amour, celui du Britannique Ben Slow, qui peint ici un couple en train de danser, Jean et Jeanine. Le premier, 89 ans, regarde le spectateur avec satisfaction et fierté, alors que sa compagne, 76 ans, pose sa main sur l'épaule de son partenaire et lui porte un regard plein d'amour. Dansant sur un morceau de Lucy Loes peut-être ou, qui sait, de Marvin Gaye. Voilà le point d'orgue de ce grandiose parcours artistique. Nous avons bien mérité notre croquette aux crevettes de chez Madam Kroket, dans la Nieuwstraat.