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Né en Roumanie en 1876 et émigré en France très tôt en 1904, à l'âge de 28 ans, Constantin Brancusi a finalement peu vécu en Roumanie, y étudiant les Beaux-arts et effectuant notamment un stage chez un teinturier dans la ville de Targu Jiu, chef-lieu de sa région natale. Reste de la Roumanie, des photos d'un jeune homme qui se prend en selfie de l'époque et travaille déjà à son autobiographie : le narcissisme d'un artiste, ce qui est souvent prometteur.Dès le début de son exil parisien définitif, il se met à la sculpture (sans autoportrait) d'abord dans un style académique, comme le montre notamment une tête d'enfant endormi daté de 1906, qui évoque son attirance pour ces sujets, et annonce déjà La muse endormie vingt ans plus tard. Dans sa chronologie, l'expo évoque son passage de trois mois chez Rodin, qu'il quitte bien vite, délaissant le moulage pour la taille brute : en regard d'une Prière de l'Auguste, celle de Brancusi, dans un dépouillement annonciateur, évoque Georges Minne. À la vue de La tête de jeune fille, on pense aux essais sculptés de Modigliani et au cubisme des premières civilisations grecques. Un dessin de Gauguin période Marquises (S oyez amoureuses et vous serez heureuses) est mis en regard de La sagesse de la terre, laquelle confirme chez Brancusi ce mélange subtil entre Art premier et Modernité.Très vite, Brancusi dérive vers une épure, celle du Commencement du monde qui vire à l'abstraction. Son atelier de la rue Ronsin, dans le quartier Montparnasse accueille ses amis dont Erik Satie, qui partage son dépouillement au niveau musical, Man Ray dont les photos nombreuses que Brancusi prenait de ses oeuvres a du être inspirés et....Modigliani entre autres. Il accueille également de jeunes artistes femmes comme Isamo Noguchi et Irène Codréano, fortement influencées par le maître.L'expo évoque aussi le mouvement que Brancusi cherche à obtenir par le choix du matériau et le traitement de la surface, notamment dans le bronze poli du Poisson rouge ellipsoïdal ou l'évocation épurée de Leida. Les deux oeuvres sont présentes, mais sont également évoquées par deux séries de cinq clichés photographiques. Impression désagréable, comme dans l'affichage des pochettes de disque qu'il écoutait dans son atelier, d'un remplissage à défaut de pouvoir présenter de nombreuses oeuvres sculptées, à l'instar de la reconstitution de l'atelier.Reste tout de même les muses, dont la célèbre endormie (mis en rapport de la fameuse photo noir et blanc datée de 1926 de Man Ray qui voit le sujet tenir une autre sculpture de Brancusi, absente de l'expo). À coté, un cliché d'Edward Steichen qui utilise un canevas semblable en 1930 à New York. L'une des premières " muses ", et de pierre cette fois, à des allures, étonnantes, de statue archéologique.Celle de bronze intitulée Pogany II a sans doute dû inspirer Strebelle. Ses oiseaux comme Maiastra en 1911 évoque le futurisme par son épure aérodynamique, plus accentué encore avec L'oiseau d'or : lequel n'est plus qu'un fuselage.Si Brancusi s'intéresse au corps féminin, dans ses troncs - dont un en marbre est exposé et ressemble à un fragment de statue antique à côté d'un nu sur tempera en carton peint, qui a des airs de petit Modigliani -, sa Princesse X, en forme profilée de sexe masculin, fait scandale au salon des Indépendants en 1920, où elle fut refusée.Une fois encore, on ne la voit qu'en photographie, au contraire d'un torse de jeune homme datant de 1924 (moins connu et sulfureux) : une photo qui évoque près de 60 ans à l'avance les photographies scandaleuses de Robert Mapplethorpe.Entre photos, films, dessins et peintures, l'exposition, riche en documents, se montre assez pauvre en sculptures, et ne fait qu'ébaucher une oeuvre plutôt que sculpter son portrait...