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La taxation d'un bien immobilier situé à l'étranger se fonde normalement sur la valeur locative brute de l'immeuble diminuée de 40%. Ceux qui connaissent quelques rudiments de fiscalité comprendront que ce régime est différent de celui qui est applicable aux revenus immobiliers des biens situés en Belgique puisque les revenus de ces biens, pour peu qu'ils ne soient pas donnés en location ou soient donnés en location à des personnes qui ne les affectent pas à leur activité professionnelle (les locations à des fins d'habitation privée), sont taxés sur la base du seul revenu cadastral indexé. Or le droit européen interdit ce genre de discrimination. La Cour de Justice de l'Union européenne l'a donc logiquement condamnée une première fois le 11 septembre 2014 et une seconde fois en 2018 avant de confirmer le 12 novembre une troisième condamnation formelle prononcée par la Commission européenne en 2019 qui condamnait la Belgique à deux millions d'euros d'amende et 7.500 euros d'astreinte par jour jusqu'à complète exécution de la décision et son intégration au Code des impôts sur les revenus. Bien entendu, cette discrimination n'est interdite que pour le territoire de l'Union européenne. Les propriétaires d'immeubles situés en dehors de l'UE devront se résigner à continuer à appliquer la formule de la valeur locative brute ci-avant décrite. Il est impossible de cacher que la Belgique a traîné les pieds pour se conformer au droit européen. Après la décision de 2014, elle avait attendu 2016 pour régler par voie de circulaire le sort du revenu cadastral des immeubles situés en France, puis 2018 pour régler celui des immeubles situés sur le territoire des Pays-Bas. La Belgique n'avait toujours pas scellé le sort des immeubles situés sur le territoire de ses autres voisins européens. Face à la décision de la Cour de Justice et aux sanctions financières qui l'accompagnent, la Belgique, dos au mur a miraculeusement pu trouver une solution à cette problématique qui empoisonne les contribuables et leurs conseillers depuis une dizaine d'années. La Belgique a décidé de se conformer aux exigences européennes en imputant un revenu cadastral belge à l'immeuble situé à l'étranger. Le revenu cadastral est une notion unique en Belgique qui répond à des règles particulièrement singulières. En effet, le revenu cadastral est déterminé sur la base de la valeur locative de l'immeuble telle que fixée en 1975 sur la base de critères précis. Cette valeur devait être revue tous les dix ans (la "péréquation"), mais ne l'a jamais été, de sorte qu'elle est simplement indexée pour déterminer le montant sur la base duquel est calculé le précompte immobilier et sont taxés les revenus immobiliers générés par l'immeuble. Le gouvernement impose donc de se référer à plusieurs valeurs pour déterminer le montant du revenu cadastral: ? La valeur locative nette de l'immeuble ou d'une "parcelle de référence adéquate" au 1er janvier 1975 ; ? 5,3% de la valeur vénale normale de la parcelle au 1er janvier 1975 ; ? La "valeur vénale normale actuelle" de la parcelle à laquelle est appliqué un "facteur de correction" de 15,036% en 2020 (ce montant est revu chaque année). Cette dernière méthode de calcul sera probablement la plus utilisée, puisqu'il est compliqué de déterminer la valeur des immeubles au 1er janvier 1975 et que cette méthode de calcul peut également être appliquée aux immeubles situés en Belgique, ce qui pourra peut-être mettre un terme à la controverse de la détermination du revenu cadastral dont les règles sont parfois assez difficiles à saisir. Le gouvernement ne s'est cependant pas borné à fixer une méthode de calcul du revenu cadastral des immeubles à l'étranger, il a également voulu s'assurer de la bonne déclaration de l'existence de ceux-ci dans la déclaration fiscale annuelle des contribuables, et, c'est une nouveauté, imposer la déclaration spontanée de l'existence de ces biens immobiliers à l'étranger via une procédure distincte. Cette déclaration doit désormais être faite par le biais d'un formulaire adressé à l'administration de la documentation patrimoniale (le cadastre), dans les quatre mois de l'acquisition du bien immobilier situé à l'étranger. Les contribuables qui déclarent déjà l'existence de biens à l'étranger seront vraisemblablement contactés par le fisc dans le courant de l'année 2021 pour établir cette déclaration. En tout état de cause, cette déclaration sera imposée aussi en Belgique pour: ? l'occupation ou la location, si celle-ci précède l'occupation des immeubles nouvellement construits ou reconstruits ; ? l'achèvement des travaux des immeubles bâtis modifiés ; ? Le changement du mode d'exploitation, la transformation ou l'amélioration des immeubles non bâtis ; ? la mise en usage ou la désaffectation ou la modification de matériel ou d'outillage. Le défaut de se soumettre à cette obligation de déclaration sera sanctionné par de nouvelles amendes, variant de 250 à 3.000 euros dont la hauteur sera établie selon une échelle fixée par Arrêté royal, qui vous l'aurez compris, visera les biens situés tant en Belgique qu'à l'étranger. Les dispositions précitées sont entrées en vigueur le premier janvier de cette année. On regrettera que le gouvernement ait dépensé tant d'énergie pour s'opposer pendant des années à une problématique dont l'issue était écrite à l'avance, alors que les biens situés à l'étranger n'ont que peu d'impact sur les revenus de leurs propriétaires, puisqu'ils sont presque toujours taxables dans le pays où est situé l'immeuble et sont exonérés par convention en Belgique. Cette décision semble désormais définitivement tranchée.