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Les entreprises actives dans l'armement, généralement qualifié en douceur de "défense", ont fait l'actualité après l'invasion de l'Ukraine et la ferme volonté de l'Europe de tonifier ses capacités militaires. On a déjà évoqué ici l'envol boursier des principaux acteurs de ce secteur et on y reviendra. Passé beaucoup plus inaperçu, il en est un autre qui s'est également renforcé, lui qui avait déjà le vent en poupe depuis la fin de l'année 2020: le nucléaire, auquel l'Europe a attribué un label "vert" le 2 février dernier. Comment en mettre une pincée dans son portefeuille? Le premier opérateur mondial de centrales nucléaires est le français EDF. Le président Macron ayant, en février dernier, annoncé un vaste plan de relance du nucléaire, serait-ce la valeur à jouer pour profiter de l'avenir aujourd'hui plus brillant promis à cette filière? On s'en gardera! Problèmes techniques d'abord: cinq des 56 réacteurs de l'Hexagone (dont ceux de Chooz) sont à l'arrêt en raison de problèmes de corrosion. Contraintes réglementaires ensuite: l'État français, qui possède plus de 83% des actions, a imposé à EDF des tarifs très bas pour une partie de sa production, en réaction à la flambée du prix de l'énergie. Résultat de ces deux contretemps: le bénéfice brut d'exploitation (Ebitda) pourrait chuter... de près de 90% cette année, entraînant une perte nette de plus de six milliards. Le cours de l'action a plongé de 12 à 8 euros (il avait dépassé les 70 euros à la fin 2007!) et son avenir reste incertain. Pourquoi ne pas remonter en amont et viser les producteurs d'uranium? C'est le conseil de plusieurs professionnels. L'Initié de la Bourse (Trends) a récemment mis en lumière Nexgen Energy, entreprise canadienne spécialisée dans l'exploration et active dans le bassin d'Athabasca, situé dans le nord de la province de Saskatchewan. Parce qu'elle est en train de développer le site d'Arrow, qui devrait produire plus de 20 millions de livres d'uranium (c'est l'unité usitée dans ce secteur) à partir de 2026 ou 2027, à un coût qui situerait le site dans le dixième le plus rentable de la production mondiale. Après avoir longtemps évolué entre deux et trois dollars canadiens (CAD), et un plus bas de 76 cents en mars 2020! , le cours de Nexgen Energy a pris le mors aux dents à la fin 2020, pour frôler les huit dollars à la mi-avril 2022 et revenir ensuite à moins de 6,50 dollars (soit 4,70 euros environ). La société ne paie pas de dividende, car elle est toujours en perte. Celle-ci, de -26 cents par action l'an dernier, est attendue à -7 cents cette année et la suivante. Capitalisation boursière: 3,2 milliards CAD. Les neuf analystes qui suivent l'action sont tous positifs, avec un objectif de cours moyen de 9,90 CAD. On a bien compris que Nexgen Energy était un pari sur le succès de la mine d'Arrow. Raisonnable ou audacieux... La principale entreprise du secteur demeure toutefois Cameco, également canadienne et basée dans le Saskatchewan. Elle dispose aussi de sites de production au États-Unis, en Australie et au Kazakhstan (premier producteur mondial). Le groupe produit plus de 50 millions de livres de concentrés d'uranium par an. La mine de McArthur River, la plus grande du monde, en assure la moitié à elle seule. On ne saurait pour autant négliger la perle du groupe qu'est la mine de Cigar Lake, détenue pour moitié, dont la teneur en uranium est de 100 fois la moyenne mondiale. Un investisseur hésitant à acheter le titre en raison de ses convictions ESG sera peut-être rassuré par l'approche très "verte" du groupe, qui affiche par exemple "une stratégie responsable pour alimenter de manière fiable une énergie nucléaire propre et gérer une croissance rentable". Et qui affirme par ailleurs "les considérations ESG font partie intégrante de notre stratégie, de nos activités et de notre communication". À chacun ses convictions... Préoccupation plus prosaïque: le cours de l'action est très chahuté. Moins de deux dollars au début 2000, un éphémère sommet à plus de 50 CAD au printemps 2007, une chute à moins de 15 CAD au début 2009... Après un parcours assez stable aux alentours des huit à douze CAD, l'action a décollé à la fin 2020 pour flirter avec les 30 CAD au début du mois dernier. L'optimisme de certains demeurait intact après ce brillant parcours puisque, le 11 avril, un analyste de Royal Bank of Scotland rehaussait sa recommandation sur l'action et portait son objectif de cours de 24 à 40 dollars canadiens. Trois jours plus tard, un confrère de Scotiabank portait le sien de 40 à 47 dollars! Ceci n'a toutefois pas empêché l'action de décrocher de 20% durant les deux semaines suivantes. Il ne faut pas prendre de pareils avis pour argent comptant, en tout cas pas à court terme... En tout état de cause, dans un secteur plutôt spéculatif et marqué par des cours de bourse parfois chahutés, l'investisseur souhaitant inclure l'uranium dans son portefeuille choisira plus volontiers un actif plus stable ou plus diversifié. Le fonds Sprott Physical Uranium Trust par exemple, qui est investi en uranium physique. Il en possédait fin février dernier 47,50 millions de livres, après les très gros achats réalisés en 2021, complétés par les cinq millions de janvier et février. Plusieurs ETF, ces fonds indiciels ou trackers, sont axés sur l'uranium, signale le site Zonebourse. Quatre plus précisément, à savoir Global X Uranium (sigle boursier: URA), North Shore Global Uranium (UNRM), Horizons Global Uranium Index (Hura) et VanEck Vectors Uranium + Nuclear Energy (NLR). Si la valeur du dernier n'a progressé que de 14% en 2021, les trois autres affichent des returns respectifs de 57, 79 et 79%! Avec 1,85 milliard de dollars US d'actifs, le Global X Uranium est le plus important. Il est investi pour moitié au Canada (dont 23% rien que pour Cameco) et à hauteur de 15% en Australie, le Kazakhstan suivant avec 9%. Le cours oscillait aux environs de 10-11 dollars depuis deux ans quand il a décollé vers la fin 2020 pour osciller entre 20 et 30 dollars ces derniers mois.