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L'étude de la bactérie Brucella est l'un des domaines de la microbiologie dans laquelle des équipes de chercheurs de l'Université de Namur excellent depuis plus de vingt ans. Cette bactérie de classe 3 qui infecte le bétail est à l'origine de la Brucellose, une des zoonoses les plus répandues au monde. Transmissible à l'homme par la consommation de produits laitiers non pasteurisés, par contact avec des tissus infectés ou encore par inhalation, cette maladie est sous contrôle en Europe du Nord après avoir été éradiquée du bétail dans les années 80. Mais elle sévit dans les pays du tiers monde où elle reste largement sous diagnostiquée car les symptômes (fièvre, transpiration, état de fatigue prononcé...) ne sont pas très spécifiques.D'où l'intérêt de la découverte que viennent de faire Xavier De Bolle, professeur et chercheur à l'Unité de recherche en biologie des micro-organismes (URBM) de l'UNamur, Katy Poncin, auteure principale de cette étude, chercheuse doctorante au sein de l'URBM et maintenant en postdoc à Oxford, et leurs collègues.Mais en quoi consiste cette découverte ? Les scientifiques namurois ont notamment réussi à démontrer que la bactérie pathogène Brucella est dotée de capacités de défense ultra-performantes face à des stress alkylants." Notre étude a démarré il y a environ cinq ans d'ici avec comme point de départ un double constat ", explique le Pr De Bolle. " Premièrement, nous avons pu observer de manière étonnante que la Brucella ne réplique pas son ADN durant un temps de repos, à l'intérieur d'une cellule de mammifères, avant qu'elle ne s'y multiplie. Deuxièmement, dans les deux chromosomes de la bactérie, nous avons retrouvé un tas de gènes qui permettent de réparer son ADN quand il est alkylé. L'alkylation, ce sont des petits groupements chimiques qui sont ajoutés à des bases de l'ADN. C'est une sorte de stress qui touche l'ADN, qui peut générer des mutations ou tuer la cellule, autrement dit qui peut être mutagène ou toxique. "" Sur la base de ces deux constats, on s'est dit qu'il était possible que Brucella répare son ADN avant de le copier. Et nous avons mené plusieurs expériences pour en avoir le coeur net. "Xavier De Bolle et son équipe ont commencé par mettre au point un système qui leur permet de détecter des dommages de type " alkylation "." Pour chaque bactérie observée au microscope, on peut dire si elle répond ou non au stress alkylant, avec un système 'mouchard'. Lorsqu'elles infectent des cellules de mammifères, une partie des bactéries deviennent vertes fluorescentes, ce qui indique qu'elles subissent une attaque. "" Ensuite, nous avons désarmé la bactérie en lui retirant les gènes qui permettent de réparer les dommages causés à l'ADN par le stress alkylant. Et quand nous avons infecté des souris avec des bactéries mutantes nous avons constaté qu'une fois en présence d'agents alkylants, ces bactéries se font éliminer beaucoup plus rapidement que leurs homologues de contrôle non désarmées. Donc, indirectement, cela signifie que pour réussir à infecter les cellules de l'hôte, la bactérie doit être capable de se défendre face à ce type de stress. C'est une nouvelle caractéristique qui explique sa résistance dans l'hôte. Mais cela montre aussi que nous, les mammifères, en l'occurrence ici la souris, sommes capables de générer directement ou indirectement une agression de ce type-là sur la bactérie. Et cela n'avait jamais été démontré jusqu'ici, pour aucune bactérie pathogène. "Mais quel peut être l'intérêt de cette découverte ? En comprenant mieux la résistance de la bactérie, les scientifiques disposent d'informations plus spécifiques pour, dans le futur, développer de nouveaux traitements visant à éliminer les bactéries pathogènes." Si nous trouvons le moyen d'aider l'hôte à développer le stress alkylant, alors, en effet, on pourrait se débarrasser plus facilement de telles bactéries, " confirme le Pr De Bolle. " A condition de ne pas altérer notre propre ADN. Autrement dit, il faut pouvoir désarmer la bactérie sans altérer l'hôte. "Signalons aussi que parallèlement à cette découverte, l'équipe namuroise a élaboré des outils capables d'analyser une seule bactérie à la fois. " Cela s'appelle du 'single cell'. Il nous a fallu des années pour mettre au point cette technologie avec l'appui de chimistes organiciens du laboratoire du Professeur Stéphane Vincent, entre autres. Il faut savoir en effet que Brucella mesure à peine un micromètre et qu'elle est donc extrêmement difficile à observer au microscope. Désormais, la plupart des travaux que nous réalisons se font à cette échelle-là et c'est d'autant plus intéressant que les bactéries présentent des différences entre individus, qu'il s'agisse de fonctions, de mécanismes de défense ou encore de degrés de pathogénicité. "Une expertise de pointe aujourd'hui valorisée par l'investissement de l'UNamur dans l'organisation d'un Master en microbiologie moléculaire qui a débuté en septembre dernier...