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Le Centre d'aide à la performance sportive (CAPS) réalise des évaluations de la performance physique d'athlètes de haut niveau de la Fédération Wallonie-Bruxelles ainsi que de sportifs amateurs. Cette asbl est composée d'experts en optimisation de la performance sportive, issus de l'UCLouvain, de l'ULB et de l'ULg. Pour Nicola Maffiuletti (Schulthess Clinic, Zurich), l'électrostimulation neuromusculaire (NMES) a un réel intérêt pour améliorer la force pendant ou après immobilisation: " L'étude reine qui prouve cet effet (en cas de fracture du tibia) est parue en 1988 dans le Lancet (Gibson). C'était la première preuve que la NMES (stimulation du quadriceps, 40 j, 1h/j, 30Hz) peut préserver la masse musculaire et la synthèse protéique." Les études réalisées chez les astronautes démontrent également que l'application la plus importante de cette technique concerne la phase d'immobilisation: " Plus le patient est immobilisé, plus l'effet de l'électrostimulation risque d'être important. Une méta-analyse réalisée sur des patients gravement malades (insuffisance cardiaque ou respiratoire, cancer, HIV) donne des résultats significatifs. Comme en réanimation, où la stimulation au moins une heure par jour entraîne moins de problèmes lors de la sortie et une récupération plus rapide." Peut-on améliorer la performance sportive grâce à la NMES? " Un programme de séances de dix minutes au début, 20 à la fin du traitement (trois ou quatre semaines), le plus souvent en position statique (isométrique) en phase préparatoire, augmente de façon quasi sûre la force maximale, avec un effet possible sur la performance sportive. C'est une forme de travail peu appréciée par les sportifs, d'où le succès mitigé", explique le Dr Maffiuletti. Pourquoi gagne-t-on en force? " Parce que trois ou quatre semaines d'électrostimulation modifient surtout l'adaptation nerveuse, la capacité à activer les muscles. On observe aussi un effet croisé: si on électrostimule à droite, quel que soit le muscle, on gagne en force (+20% de la force max) et, si on teste le muscle controlatéral, il a aussi gagné (la moitié du muscle entraîné), grâce à l'adaptation nerveuse. L'adaptation musculaire n'intervient qu'après deux mois." Quel est l'intérêt de la NMES, en complément pour la réadaptation, avant, pendant ou après l'immobilisation associée à une blessure ou une opération? " En préopératoire, on familiarise le sujet avec l'électrostimulation. Ensuite, on démarre une ou deux semaines après l'opération (trois séances de 15 minutes par jour) et, après une semaine, on évalue s'ils sont répondeurs ou non. La période d'immobilisation est celle où il y a le plus de bénéfices pour préserver la masse musculaire (toujours en complément d'une réhabilitation classique). Mais il n'y a aucune preuve relative à la prévention/réduction du risque de blessure." " Les études sur les astronautes pour étudier comment minimiser les effets du bedrest (60 jours) montrent, chez tous les sujets, que l'électrostimulation a un effet significatif sur la masse musculaire (par rapport au groupe contrôle), mais un effet moindre sur la force", ajoute-t-il. En réadaptation, on s'appuie sur l'effet croisé. Dès lors, pourquoi ne pas utiliser l'électrostimulation controlatérale quand il y a une lésion ou une opération, de façon à limiter le déficit d'activation? " Chez les patients avec rupture du ligament croisé, quand la stimulation est intégrée à la réhabilitation classique, il y a des effets positifs pour rétablir force et fonctionnalité. Ceux qui ont utilisé la NMES récupèrent plus vite et mieux que ceux qui utilisent la réhabilitation classique. Cela s'applique à quasi toutes les opérations du genou, pas pour les lésions musculaires parce qu'on ne peut pas les stimuler tôt", indique le spécialiste. Après un trail ou une étape du Tour de France, l'application d'un courant à basse fréquence (moins de 10Hz, en continu pendant 30 minutes) qui induit une sorte de massage, améliore-t-elle la récupération? " Cette électrostimulation permet de réduire la fatigue par un effet de pompe musculaire (réduction des dommages musculaires). L'idée est de maximiser le flux sanguin, de nettoyer plus rapidement le muscle et donc d'améliorer la récupération physiologique. Il y a aussi un volet perceptif (feedback sensoriel du courant): stimuler les muscles pendant 30 minutes après une étape du Tour, c'est mieux que de faire une séance de récupération sur vélo d'une demi-heure!", souligne-t-il. Une étude faite par le Dr Maffiuletti et ses collègues montre que les bénéfices physiologiques de la NMES (30 minutes d'électrostimulation) comparée à la récupération passive (assis) sont peu concluants, mais que les effets psychologiques sont possibles. " Les bénéfices physiologiques sont supérieurs sur les muscles plus distaux (mollets, pieds pour maximiser le retour veineux, derrière le genou qui induit des mini-contractions) que le quadriceps, si les séances sont très longues et en présence de dommages musculaires. Il n'y a pas beaucoup de données sur les effets de la stimulation sur l'endurance. En fait, à haute fréquence, vous mimez un entraînement de force et, à basse fréquence, vous mimez un entraînement d'endurance", résume-t-il. " Il ressort de différentes études que l'électrostimulation n'a pas un effet clair sur l'amélioration de la performance (une chance sur deux de réussite). En revanche, pour la réadaptation, dans 75% des cas, elle a un effet positif quand on la fait après l'immobilisation, mais ce chiffre monte à 90% si on commence pendant cette phase de repos. En post-exercice, l'électrostimulation donne une chance sur cinq d'accélérer la récupération physiologique et trois sur cinq d'améliorer la récupération perceptive, donc psychologique", conclut Nicola Maffiuletti.