La Chaire de Psychiatrie de Transition de l'ULB développe une approche non stigmatisante pour améliorer l'accompagnement des adolescents en souffrance psychopathologique lors de leur passage de la pédopsychiatrie vers la psychiatrie adulte. Un colloque a fait le point sur l'évolution de ses travaux.
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La transition concerne les jeunes âgés de 16 à 23 ans en train de passer de la pédopsychiatrie à la psychiatrie adulte. Les études internationales montrent qu'à cette période-là, ils tombent souvent dans un 'trou' aggravant les psychopathologies et surtout les comorbidités (addictions, suicide, désocialisation...). Il convient donc de modifier les pratiques autour de ce moment délicat. Tel est l'objet de la Chaire universitaire de Psychiatrie de Transition de l'ULB, lancée en octobre 2019, avec le support du Fond Julie Renson, du Fond Reine Fabiola et de la Fondation Roi Baudouin pour une période de quatre ans. Deux chaires existent: côté francophone, celle de l'ULB, portée par la Pr Véronique Delvenne (service pédopsychiatrie Huderf, Bruxelles), en collaboration avec l'hôpital Érasme (Pr Marie Delhaye), le CHU Brugmann (Pr Charles Kornreich) et le service de santé mentale de l'ULB (Pr Hélène Nicolis), et, côté néerlandophone, celle de la KUL "Youth in Transition", portée par le Pr Ruud van Winkel. L'un des objectifs de cette chaire est de mener des projets de recherche interdisciplinaires et d'en transposer les résultats sur le terrain. " Nos chercheurs réalisent, malgré les conditions sanitaires, une recherche prospective auprès de 250 jeunes qu'ils vont suivre pendant deux ans, dans cette période de transition, certains en souffrance psychopathologique, d'autres en service résidentiel et une population de sujets contrôles", explique Véronique Delvenne. Leurs résultats devraient être présentés l'année prochaine puisque le deuxième objectif de cette chaire est le partage des connaissances. Ainsi, depuis son lancement fin 2019, un colloque annuel permet de faire le point, il y en a eu un en septembre 2020 et un second le 3 septembre dernier. Partage vers les professionnels de santé mais aussi vers les jeunes et leurs familles parce que l'une des façons de combler le fossé qui existe encore entre pédopsychiatrie et psychiatrie adulte est d'inclure ceux-ci aux soins. Autre raison d'être de cette chaire: transformer les dispositifs de soins et d'accueil et faciliter cette période transitionnelle entre l'adolescence et l'entrée dans l'âge adulte. " Un changement de mentalité doit se faire, il doit y avoir un travail collaboratif entre ceux qui s'occupent des ados et ceux qui s'occupent des adultes, ce n'est pas toujours simple. J'encourage à forcer ces ponts avec la psychiatrie adulte, je sens cette volonté dans la génération des jeunes assistants", se félicite-t-elle. Enfin, il y aussi un objectif d'enseignement. " Il existe des modules en faculté de psychologie et de médecine, mais pour l'année académique à avenir, nous avons le projet de créer une formation continue en transition. Tout un travail de sensibilisation doit être fait dans les hautes écoles, les écoles d'infirmières, d'assistants sociaux et d'enseignants, parce que les intervenants qui travaillent avec les jeunes doivent pouvoir reconnaître des signes de troubles en santé mentale." La Pr Delvenne se réjouit de l'aide que la Reine Mathilde ne manquera pas d'apporter. Elle vient en effet d'être admise comme membre d'honneur des deux Académies royales de médecine: " Dans ce cadre là, un groupe de travail dont je suis vice-présidente, a été chargé d'organiser un colloque pour l'intronisation de Sa Majesté qui a choisi le thème de la santé mentale des enfants et des adolescents. Elle est porte-parole aux Nations Unies sur ces questions-là, c'est un sujet qui lui tient extrêmement à coeur." " Les deux Académies ont remis un rapport qui synthétise deux ans de travail sur l'état des lieux à l'international et en Belgique. Il parle de la réforme de 2015 des soins de santé mentale des enfants et des adolescents et définit ce qu'il y a encore lieu d'améliorer dans notre pays." Parmi ces points, la pédopsychiatre relève la définition de la santé mentale, la participation des jeunes aux soins, la déstigmatisation, la nécessité d'une road map pour savoir où trouver de l'aide et d'une base de données relative à la santé mentale des enfants et des adolescents. " Qu'est-ce que c'est la santé mentale? Quand vous posez cette question à des jeunes tout venant, ils ne savent pas très bien. En revanche, ceux qui sont passés par là vous en donnent des définitions très claires mais ils parlent aussi du regard des autres: la déstigmatisation est donc essentielle parce qu'elle est elle-même source de souffrance. Une des recommandations de l'Académie concerne la participation des jeunes et des familles dans les dispositifs de soins, c'est un défi extrêmement important pour les deux dernières années de la chaire." " Malheureusement, compte-tenu de la situation Covid bruxelloise, le colloque prévu le 1er octobre sera postposé au printemps. Ce qui nous donnera un peu plus de temps pour réunir suffisamment d'intervenants afin qu'au terme de ce colloque, il y ait des propositions fermes d'engagement pour modifier la situation." " La crise Covid a atteint très spécifiquement les jeunes, surtout ceux en transition. Diverses études ont montré le degré de dépression, d'anxiété, de repli sur soi, de difficultés d'intégration que le Covid a encore très largement aggravé", précise la Pr Delvenne qui insiste sur la véritable épidémie en santé mentale constatée chez les enfants et les adolescents: " Au printemps, on avait plus de 250% d'augmentation des demandes aux urgences pédopsychiatries, c'est assez dramatique, avec des tentatives de suicide, une épidémie de troubles des conduites alimentaires..." Une situation qui souligne encore l'absolue nécessité d'améliorer l'accompagnement de ces jeunes en transition vers l'âge adulte.