...

L'estimation des échelles de temps virales est fondamentale pour comprendre la biologie évolutive des virus. Les horloges moléculaires sont largement utilisées pour révéler les histoires évolutives récentes des virus, mais peuvent gravement sous-estimer leurs origines à plus long terme en raison de la corrélation inverse entre les taux d'évolution inférés et l'échelle de temps de leur mesure. Des chercheurs proposent un modèle mécaniste prédictif qui explique facilement le phénomène de décroissance du taux d'évolution sur une large gamme d'échelles de temps. Pour l'élaborer, ils se sont penchés sur les origines des sarbécovirus, qui comprennent le Sars-CoV-1 et le Sars-CoV-2, ayant respectivement conduit à une épidémie mortelle de 2002 à 2004 et à l'actuelle pandémie de Covid-19. " Trouver les origines évolutives des infections virales pandémiques telles que le Covid-19 nous aide à comprendre combien de temps l'humanité a pu être exposée à ces virus, à quelle fréquence ils ont pu provoquer des épidémies dans le passé et à quel point ils pourraient être à l'origine de nouvelles épidémies dans le futur," précise le Pr Aris Katzourakis. Bien que les virus évoluent rapidement sur de courtes échelles de temps, pour survivre, ils doivent rester très adaptés à leurs hôtes, ce qui impose des restrictions sur les mutations qu'ils peuvent accumuler, sans réduire leur forme physique. En conséquence, le taux d'évolution apparent semble ralentir avec le temps. La nouvelle recherche, pour la première fois, recrée avec succès les schémas de cette décroissance observée chez les virus. Mahan Ghafari, biologiste et épidémiologiste, décrit le processus: " Nous avons développé une nouvelle méthode qui peut récupérer l'âge des virus sur des échelles de temps plus longues et corriger une sorte de 'relativité évolutive'. Notre estimation basée sur des données de séquence virale, datant d'il y a plus de 21 000 ans, est en concordance frappante avec une analyse récente sur un ensemble de données génomiques humaines qui suggère une infection par un ancien coronavirus à peu près à la même époque. " Ce nouveau modèle permet de reconstruire l'histoire évolutive des virus liés au Sars-CoV-2, mais également celle d'une gamme beaucoup plus large de virus à ARN et à ADN, pas seulement les sarbécovirus, lors de périodes plus reculées dans le passé. Les prédictions du modèle pour le virus de l'hépatite C sont cohérentes avec l'idée qu'il circule depuis près d'un demi-million d'années. Ainsi, le VHC pourrait s'être répandu dans le monde entier par le biais de la migration "hors d'Afrique" des humains modernes il y a environ 150.000 ans. " Avec cette nouvelle technique, nous pouvons examiner plus largement d'autres virus, réévaluer les échelles de temps de leur évolution plus profonde et obtenir des informations sur les relations avec l'hôte qui sont essentielles pour comprendre leur capacité à provoquer des maladies," conclut le virologue Peter Simmonds. Signalons encore que l'étude a également montré que l'humanité pourrait avoir été exposée à des sarbécovirus dès la période paléolithique.