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Le journal du Médecin: Vous avez écrit récemment: "L'enjeu de la Commission de planification des sous-quotas de la Fédération Wallonie-Bruxelles est de taille. Or, une série d'attitudes sans fondement parasitent un débat serein et basé sur des preuves. La politique de santé serait-elle ici fondée d'abord sur la volonté du consortium hospitalo-universitaire de produire des assistants spécialistes taillables et corvéables à merci?" Pourriez-vous développer? Lawrence Cuvelier: Il est un fait que les hôpitaux ont besoin de cette main d'oeuvre faite de jeunes assistants et que parfois le maître de stage on ne le voit pas beaucoup. La façon dont on fonctionne demande une main d'oeuvre hospitalière. On forme des spécialistes pas forcément en fonction des besoins. On se retrouve dans une situation déséquilibrée qui ne correspond pas à une politique de santé. Donc on se demande si c'est vraiment justifié par rapport à la demande ou bien si les hôpitaux seraient rentables s'ils n'avaient pas cette main d'oeuvre. Les hôpitaux sont généralement dans une situation financière précaire et n'ont pas d'autre choix que de faire pression sur les assistants. Par rapport au concours d'entrée en médecine, vous n'y êtes pas vraiment favorable. Mais un concours qui serait en adéquation avec le nombre de numéro Inami n'offrirait-il pas une sécurité juridique aux étudiants en médecine? Je constate une grosse inégalité en fonction du type d'écoles en relation en général avec le niveau socio-économique. Et la 1ère année a un caractère égalisateur. Tout le monde est au même niveau. La sélection au départ selon qu'ils viennent du collège Saint-Michel ou de l'Athénée de Molenbeek n'est pas identique! Ils n'ont pas les mêmes chances, à l'évidence. Par ailleurs, la matière de la physique n'est pas adéquate pour la sélection. C'est très arbitraire. Le concours ne peut anticiper le fait qu'on n'est pas fait, à l'arrivée, pour soigner des patients. Émotionnellement, l'incertitude qu'on peut avoir devant un patient tout en réussissant très bien des examens ne peut pas être testée. Je n'ai pas vraiment la solution mais je reste sceptique sur cette méthode de sélection. Pendant la campagne présidentielle en France, certains candidats proposaient carrément de le supprimer face aux "déserts médicaux" et à l'importation massive de médecins de Roumanie et du Maghreb. Serait-ce une option en Belgique? Actuellement, les quotas sont calculés sur les médecins exerçants. Or, de plus en plus, on fabrique une machine à importer les médecins de pays qui en produisent et pour compenser notre pénurie, on produit de la pénurie dans ces pays. N'importe quel médecin européen peut exercer en Belgique. Si on pousse cette logique jusqu'à sa limite, on peut fermer nos universités et produire des médecins à l'étranger. Ce n'est ni souhaitable pour notre pays ni pour ces pays. Les patients belges qui reçoivent des soins de médecins qui ne parlent pas bien leur langue maternelle, cela complique les choses. Ne faudrait-il pas convaincre la Flandre que nous francophones ne sommes pas forcément une cause de dépenses? Que c'est son intérêt de modifier sa manière de planifier? La Flandre, de toute façon, se trouve aussi dans une situation de pénurie. Mais elle nous fait payer le fait qu'elle a respecté les quotas. C'est un peu dommage. Plus de recours aux MG entraîne moins de dépenses de santé publique, en tout cas. Donc une pénurie de MG augmente mécaniquement les dépenses...