Selon Kirsten Catthoor, le fait que la participation à cette enquête sur la pauvreté a été nettement moins importante que celle à notre enquête précédente sur l'épuisement professionnel et les assuétudes chez les médecins en dit long sur l'intérêt limité pour ce sujet. "C'est alarmant", déclare la présidente de l'Association psychiatrique flamande.
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"La grande majorité des participants à l'enquête sont diplômés des plus grandes universités. Il s'agit principalement de personnes âgées de plus de 40 ans qui travaillent plus de 44 heures par semaine et voient en moyenne plus de 70 patients par semaine. Je pense que c'est un groupe assez représentatif et que les résultats sont fiables", commente Kirsten Catthoor. "Un résultat très important à retenir est qu'une partie des répondants ont dû travailler pour payer les études (30%) et que pas moins de 60% des participants ont dû faire attention aux coûts à un moment donné de leur vie professionnelle. La vigilance à l'égard de la problématique de la pauvreté pourrait être liée à leur propre histoire, une forme d'expertise "expérientielle"." "La plupart des médecins qui ont participé à l'enquête ont obtenu leur diplôme avant l'introduction du filtre d'admission en médecine et en dentisterie. La question se pose de savoir si ce test n'a pas entraîné un changement sociodémographique. Les attentes en matière de connaissances scientifiques sont élevées et l'éducation préalable est coûteuse. La population des étudiants ne s'est-elle pas élevée dans l'échelle sociale?", interpelle Kirsten Catthoor. Et de signaler que le Pr Eggermont, président de la commission d'examen en Flandre, précise que la commission elle-même ne collecte pas de données sociodémographiques sur les participants au test d'admission. "Il n'exclut pas la possibilité que les étudiants en médecine soient moins familiers avec la pauvreté ou les facteurs négatifs par rapport à un groupe de pairs typique. Il hésite toutefois à attribuer ce phénomène à l'examen d'entrée parce qu'il est possible de suivre des sessions de préparation accessibles, abordables et de qualité. Le Pr Eggermont partage mon avis sur le fait qu'il est important d'aborder le sujet de la pauvreté dans la formation médicale, étant donné l'impact de la pauvreté sur la santé et l'espérance de vie.""La plupart des participants étaient des médecins généralistes, des psychiatres et des gynécologues. Ce sont précisément les médecins qui sont les plus confrontés à la pauvreté. Par exemple, les psychiatres travaillent avec des patients atteints d'une grave maladie psychiatrique et disposant d'un faible revenu de remplacement: la maladie vous rend pauvre. En outre, ils travaillent avec des patients qui sont psychologiquement déséquilibrés en raison de problèmes financiers - faillite, licenciement au travail, divorce: la pauvreté rend malade. Les gynécologues sont confrontés à des patientes enceintes qui n'ont pas assez d'argent pour élever un bébé", analyse Kirsten Catthoor. "Je suis ravie de constater que plus de 70%* des collègues pensent que les personnes en situation de pauvreté ne sont pas responsables de leur situation. La pauvreté est un problème intergénérationnel, dans lequel les gens se retrouvent en raison des circonstances, encore une fois plus que ce que 70% des répondants pensent. Malheureusement, plus de 40% des médecins ont également le sentiment que ces personnes ne font pas assez elles-mêmes pour changer leur situation, et 30% estiment qu'ils fixent les mauvaises priorités. Je pense que l'image totalement erronée de personnes en situation de pauvreté se promenant avec un téléphone portable coûteux et une Playstation et ayant une télévision grand écran dans leur salon est en jeu ici. Des perceptions que les organisations de lutte contre la pauvreté combattent depuis des années, mais qui ne font apparemment pas l'unanimité. C'est un objectif prioritaire de la formation que de faire quelque chose à ce sujet, en plus d'expliquer que les personnes vivant dans la pauvreté ont des compétences insuffisantes en matière de santé. ""Durant la formation de base, 14% des médecins participants ont appris quelque chose sur la pauvreté, et dans la formation avancée 21%, ce qui est encore très insuffisant. Seuls 10% des médecins estiment avoir suffisamment de connaissances pour exercer correctement leur profession au sein de ce groupe cible. Notre hypothèse lors de l'élaboration de l'enquête était qu'il y a un manque flagrant de connaissances, et il s'avère que c'est vrai. Plus de la moitié des collègues participants souhaitent une formation complémentaire sur la pauvreté, 30% ne l'excluent pas. Les connaissances sur les catégories de remboursement des médicaments sont également lamentables", commente la psychiatre. "Les personnes interrogées s'accordent à dire que la pauvreté entraîne un risque plus élevé de troubles psychologiques et physiques, ainsi qu'une moindre connaissance de la santé, et une moindre qualité des soins administrés. Ce dernier point est alarmant et nécessite des ajustements politiques. Les soins tardifs ont également d'énormes répercussions, tant sur le pronostic individuel du patient que sur le coût économique supplémentaire pour la société", prévient le Pr Catthoor. "La réduction de l'accessibilité des services sociaux fournis par les mutuelles de santé est perçue comme très négative. Après la crise sanitaire, le fonctionnement régulier des services n'a pas été redémarré et les contacts se font majoritairement en ligne. C'est peu convivial pour les personnes qui ne connaissent pas bien le numérique. De ce fait, on a l'impression que les gens reçoivent de ce fait moins de soutien financier et pratique, et qu'ils ne peuvent pas ou insuffisamment épuiser leurs droits."Dans les mesures importantes à prendre, la psychiatre cite l'intégration multidisciplinaire avec, par exemple, le travail social dans les cabinets de médecins généralistes. "Les assistants sociaux sont indispensables à la prise en charge de ce groupe cible, mais entre-temps, ils sont aussi devenus une profession qui doit gérer un goulot d'étranglement", soutient la psychiatre. "Les autres solutions possibles qui sont mentionnées sont de fournir des repas sains aux personnes en situation de pauvreté, à l'école et en général. En outre, de soutenir et stimuler autant que possible la transition vers le travail. Mais quelqu'un qui est vraiment malade doit bénéficier d'un revenu de remplacement suffisant", souligne le Pr Catthoor. "Enfin, il est frappant de constater que les participants ne citent pas l'Ordre des médecins dans les organisations ou organes politiques qui ont une responsabilité en la matière. Mais l'Ordre ne pourrait-il pas établir des directives, par exemple, sur la manière dont les médecins doivent traiter ce groupe cible vulnérable, comme il le fait pour tant d'autres questions déontologiques?"