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Le législateur avait décidé d'adopter en 2018 une loi destinée à créer une taxation à charge des personnes disposant de comptes-titres en Belgique dont la valeur dépassait 500.000 euros. Cette loi controversée a été annulée par la Cour constitutionnelle le 17 octobre 2019. La Cour avait en effet décidé que la loi ne respectait pas les principes d'égalité et de non-discrimination et excluait de son champ d'application certains instruments financiers comme par exemple, les actions nominatives. Le législateur s'est donc remis au travail pour finalement adopter une nouvelle loi au début de cette année. La nouvelle loi frappe les comptes-titres belges et étrangers sur lesquels sont détenus des instruments financiers imposables, dont la valeur moyenne excède un million d'euros au cours de l'année de référence. Elle vise désormais tous les instruments financiers et les fonds qui sont détenus sur les comptes titres pour se conformer à la décision de la Cour constitutionnelle qui avait annulé la loi précédente pour le motif qu'elle excluait certains instruments financiers. La nouvelle loi évite donc cet écueil en définissant un champ d'application très large. La taxe vise les comptes-titres qui sont détenus par les personnes physiques, résidentes ou non, les personnes morales ou les fondateurs de constructions juridiques, à l'exception de certaines personnes telles que la Banque nationale, les sociétés de bourse ou les institutions financières. La base imposable est déterminée par la valeur moyenne des instruments financiers à quatre dates de référence, à savoir le 31 décembre, le 31 mars, le 30 juin et le 30 septembre. Si le compte est ouvert en cours d'année, seules les dates de référence qui se rapportent à un moment de l'année pendant lequel le compte existait, sont pris en considération pour le calcul de cette moyenne. La taxe est due si la moyenne des instruments financiers imposables détenus sur le compte au cours de la période est supérieure à un millions d'euros. Le taux de la taxe s'élève à 0,15%, de sorte qu'elle n'est en principe jamais inférieure à 1.500 euros. Le législateur a néanmoins introduit une subtilité pour éviter que la perception de la taxe entraîne une diminution de la base imposable en dessous du seuil d'un million d'euros. Le montant de l'impôt est donc limité à 10% de la différence entre la base imposable à partir de laquelle l'impôt est dû et le seuil d'un million d'euros, ainsi un compte sur lequel est inscrit 1.000.001 euros sera taxé de 0,10 euros. Cette taxe ne peut pas constituer une dépense déductible, même pour les comptes-titres affectés à des fins professionnelles. La taxe est payée prioritairement par les intermédiaires financiers. Les intermédiaires belges sont tenus du prélèvement de la taxe, alors que ce sont les titulaires des comptes qui doivent eux-mêmes s'acquitter de cette obligation pour les comptes-titres qu'ils détiennent à l'étranger, comme c'était déjà le cas pour l'ancienne loi. Le paiement et la déclaration doivent intervenir au plus tard le 20e jour du troisième mois qui suit la fin de la période de référence, soit le 20 décembre. La loi contient enfin une disposition anti-abus qui vise à assurer la perception de la taxe et à sanctionner les comportements qui visent à échapper à celle-ci. Plusieurs exemples sont donnés par l'exposé des motifs de la loi: ? La scission des comptes-titres au sein de la même institution financière ou d'institutions financières différentes ; ? La conversion d'actions ou d'obligations en titres nominatifs ; ? Le placement des titres dans une personne morale étrangère qui transfère les titres sur un compte-titre étranger ; ? Le transfert des titres sur un contrat d'assurance Branche 23 en dehors de la Belgique. ? Le transfert d'un compte-titre à l'étranger ; ? Etc. Cette disposition crée une présomption d'"abus fiscal" pour l'administration. Il appartiendra donc au contribuable de démontrer que l'opération qu'il a effectuée s'inscrit dans une logique non-fiscale (économique, patrimoniale, organisationnelle, etc.) et qu'elle échappe donc à l'impôt. Au-delà de cette opération, sont également inopposables à l'administration fiscale, les scissions de comptes-titres en plusieurs comptes détenus auprès du même intermédiaire et la conversion d'instruments financiers imposables en instruments nominatifs réalisées à partir du 30 octobre 2020. La loi soulève de nouvelles questions, notamment en ce qu'elle concerne les contrats d'assurance-vie de la branche 23 qui sont désormais taxables en Belgique lorsque les comptes-titres sont détenus par des institutions financières belges qui en sont titulaires pour leurs assurés, mais pas à l'étranger lorsqu'ils sont souscrits par des belges auprès d'institutions étrangères, ce qui crée une nouvelle et indiscutable discrimination quoiqu'en pense le Gouvernement. La Cour constitutionnelle devra trancher. La taxe sur les comptes-titres vient apporter un correctif à une mesure à laquelle le gouvernement n'entendait pas renoncer. Le champ d'application et les objectifs de la loi ont été largement étendus pour couvrir les critiques du Conseil d'État et de la Cour constitutionnelle. Nous verrons quelles réponses cette dernière apportera aux nouveaux écueils soulevés par cette nouvelle loi et ne manquerons pas de vous en tenir informés dans nos prochains articles.