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Quels sont les facteurs qui influencent le vieillissement cognitif? Il y a un peu plus d'un an, nous présentions les premiers résultats [1] de travaux menés dans le cadre de l'étude européenne H2020 Silver Santé, coordonnée par l'Inserm (France) et à laquelle l'Université de Liège participait par l'intermédiaire du centre d'imagerie GIGA-CRC. Cette étude visait à analyser l'effet d'un programme de méditation de pleine conscience de huit semaines sur des volontaires présentant un déclin cognitif subjectif (problèmes de mémoire auto-perçus, non objectivés par des tests), comparé à un programme d'éducation à la santé. Si aucune différence n'avait été observée entre les deux interventions, elles s'étaient néanmoins soldées par une diminution de l'anxiété. L'équipe de la Pr Fabienne Collette du GIGA-CRC à l'Université de Liège continue à explorer l'intérêt de la méditation comme outil de prévention des démences et d'amélioration de la santé mentale et du bien-être des personnes âgées, et participe au projet de recherche européen Medit-Ageing. Ces chercheurs ont publié les résultats (2) d'une étude où des personnes âgées qui n'avaient pas de plaintes cognitives ont suivi un programme de méditation. "On est parti sur l'idée que deux types d'interventions pouvaient être intéressantes: une centrée sur la méditation où on travaille l'attention via la pleine conscience et des aspects plus 'compassion' centrés sur le bien-être de la personne pour gérer le stress et l'anxiété. L'autre intervention était uniquement basée sur des processus cognitifs où on faisait apprendre une nouvelle langue (l'anglais). Nous partions du principe que les deux interventions devraient être positives via des mécanismes différents", précise-t-elle. L'essai clinique Age-Well a regroupé 136 volontaires, sans pathologie connue, âgés de 65 ans ou plus, chez qui on a mesuré l'impact d'une intervention de méditation de 18 mois sur le volume et la perfusion tissulaire de l'insula (impliquée dans la régulation émotionnelle) et du cortex cingulaire antérieur (impliqué dans des processus de contrôle), deux régions sensibles au vieillissement. Certains paramètres cognitifs et socio-affectifs ont également été évalués. Trois groupes ont été constitués: le premier a suivi un protocole de méditation (une séance de 2 h par semaine et des exercices quotidiens à domicile, plus une retraite d'une demi-journée à la fin), le groupe "contrôle actif" a suivi un programme d'apprentissage de l'anglais (2 h par semaine avec des exercices à faire à la maison et une excursion d'une demi-journée sur une île anglophone) et le groupe "contrôle passif" n'a suivi aucune intervention. À l'issue des 18 mois d'intervention, aucune différence significative de volume ou de perfusion du cortex cingulaire ou de l'insula n'a été observée entre les groupes. Pour l'auteure principale de l'étude, Gaël Chételat, cette absence d'effet pourrait s'expliquer par le fait que 18 mois d'entraînement à la méditation ne suffisent pas pour modifier les effets du vieillissement. Néanmoins, les résultats relatifs à la perfusion montrant une tendance en faveur de la méditation, les chercheurs ont décidé de suivre ces sujets pendant 4 ans afin d'analyser les éventuels effets à long terme. "Le suivi des participants montre que le groupe méditation continue à pratiquer régulièrement, on risque donc d'avoir des données de suivi très intéressantes", commente Fabienne Collette. Autre résultat encourageant: des différences significatives ont été observées sur des mesures comportementales entre le groupe de méditation et celui d'apprentissage de l'anglais, avec une meilleure régulation de l'attention et des capacités socio-émotionnelles chez les sujets entraînés à méditer. Des mesures et analyses plus spécifiques vont être conduites au sein de l'essai Age-Well pour améliorer la compréhension de ces mécanismes. L'objectif est de déterminer les mesures les plus sensibles à la pratique de la méditation et d'étudier les mécanismes de ses effets. "Les résultats relatifs au fonctionnement de la mémoire et de l'attention sont encore en train d'être analysés", confirme la neuropsychologue. "Ensuite, ici, dans notre labo, en-dehors du projet européen, on aimerait voir si les personnes bénéficient plus ou moins de l'intervention méditation/anglais en fonction de facteurs de risque présents au départ, par exemple pour la maladie d'Alzheimer (soit antécédents familiaux, soit porteurs de l'allèle E4, soit présence de protéines Tau). On pourrait faire l'hypothèse que celles qui bénéficieront le plus de nos interventions seraient soit les personnes à risque (possibilité de récupérer ce qu'elles sont en train de perdre sans s'en rendre compte), soit celles en meilleure forme. On aimerait aussi voir l'influence de la qualité du sommeil sur les nouveaux apprentissages." Ce genre d'étude prouve à nouveau que la prévention doit viser à la fois le corps et l'esprit. "Concernant la maladie d'Alzheimer, des études montrent qu'un haut niveau d'anxiété est un des facteurs de risque. Il est donc important de pratiquer des activités qui tendent à diminuer le stress, qu'il s'agisse d'aller régulièrement à des cours de yoga, de méditation ou de marcher en forêt. Pour vieillir le mieux possible, pour garder une bonne cognition et si jamais, même sans le savoir, on a des facteurs de risque Alzheimer, pour les garder le plus bas possible, il faut rester actif, aussi bien physiquement que mentalement, et surtout trouver des activités qui nous plaisent", insiste la Pr Collette.