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Ce jouet, car c'en fut un, était très en vogue dans les familles bourgeoises européennes, du début du 19e à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Il tire son origine dans ce qui n'était pas un jeu, d'une part la reconstitution des théâtres en petit (une vidéo montre celui superbe de la Monnaie), et de l'autre, les dioramas qui ne constituaient pas des jouets, mais l'évocation en relief de la vie quotidienne ou de faits historiques. C'est un commerçant anglais du nom de William West qui, le premier, à l'idée de reproduire pour les familles des versions miniatures et en papier des scènes théâtrales londoniennes: un théâtre qu'il s'agit de construire soi-même, en famille. Très vite, l'Allemagne devient le leader de la production de ce jouet qui fait le bonheur des petits (et des grands) autant que les lanternes magiques, jeux de société et stéréoscope (ancêtre du viewmaster) présents dans l'expo auprès d'une imposante maison de poupée bruxelloise. Si dans le Nord de l'Europe et en Angleterre l'on produit des livrets à apprendre et connaître afin de rejouer Lohengrin, Guillaume Tell, Ali Baba et les quarante voleurs, des oeuvres de Mozart ou de Wagner, en France, notamment à Épinal (la plupart des productions françaises sont issues d'Alsace Lorraine, allez savoir pourquoi...), ce sont plutôt de "simples" décors: un café, l'Égypte, un théâtre et des personnages... le fabricant laissant libre cours à l'imagination des enfants... ou des plus grands. Présentée sous une lumière tamisée pour protéger ces pièces fragiles venues des réserves des musées royaux du Cinquantenaire, mais aussi du musée du jouet, des Pays-Bas ou de collections privées, cette charmante exposition proposée sur un étage de la vénérable Porte de Hal, met en avant l'engouement suscité par ce "jouet" auprès d'auteurs célèbres comme Oscar Wilde, Charlie Chaplin ou Jean Cocteau, lorsqu'ils étaient jeunes, voire même adultes! Parents éloignés de ces théâtres de papiers, le kamishibai japonais (25.000 conteurs étaient répertoriés dans tout le Japon dans les années 50) genre d'origami version théâtre ambulant, ou le théâtre d'ombres dont est présenté celui ayant appartenu à la jeune princesse Joséphine-Charlotte de Belgique et qui date de 1940. Si le pouvoir d'attraction de ces merveilles s'est érodé après la Première Guerre avec l'émergence du cinéma (les films de Méliès avaient quelque chose du petit théâtre de papier) pour s'estomper complètement après la Seconde, l'on note une résurgence de l'intérêt pour ce procédé à l'aube du second millénaire, Disney en proposait il y a une dizaine d'années tout comme Playmobil! D'ailleurs, le Bruxellois Christian Morisset conçoit encore de nos jours des théâtres en papier vendus notamment chez Benjamin Pollock, éditeur londonien situé près de Covent Garden, qui réimprime des éditions anciennes autant qu'il propose des productions actuelles dont celle du créateur Belge présent avec l'une des ses créations à la porte de Hal, dans sa ville, laquelle sert le temps d'une expo de petit théâtre dédié à un patrimoine presque oublié...