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Le champ d'application de ces nouvelles obligations est extrêmement large. Elles s'appliquent à toutes les personnes qui pratiquent un art médical conventionnel ou non. Elles sont un seuil minimal commun aux différents professionnels des soins de santé. Des exigences complémentaires sont appelées à être adoptées par le Roi, notamment, en ce qui concerne la chirurgie esthétique. Quelles sont ces nouvelles obligations qui s'imposeront dès le 1er juillet 2022? Notons que pour certaines il s'agit d'obligations qui ne sont pas complètement inédites mais qui sont précisées ou élargies. Les professionnels des soins de santé doivent être capables de justifier chacun de leur choix au regard des données scientifiques pertinentes (et plus spécifiquement des recommandations des représentations scientifiques nationales), du consentement libre et éclairé du patient et de l'obligation d'éviter au patient des prestations inutilement onéreuses. Il en découle donc une obligation d'information active quant aux dernières recommandations scientifiques. Afin de pouvoir démontrer qu'il dispose des compétences nécessaires à l'exercice de son art, le professionnel devra tenir à jour un portfolio qui rassemble des éléments démontrant la tenue à jour des compétences. Il s'agit des formations suivies ou dispensées, des techniques spécifiques maîtrisées, de l'expérience acquise, de la participation à des permanences, etc. La forme de ce portefolio est libre. Il est recommandé de le conserver sous forme informatique. En amont de chaque prestation, les professionnels de soins de santé devront " caractériser" le patient. Il s'agit de relever toutes les données pertinentes concernant le patient afin de relever son profil, son état de santé, ses antécédents, sa charge familiale, son anamnèse, l'existence de liens de comorbidité, etc. Il appartient au professionnel de soins de juger quelles données sont pertinentes. Cette caractérisation doit être inscrite dans le dossier médical du patient. Cela n'apporte pas beaucoup de changements pour les professionnels de soins de santé qui doivent déjà tenir à jour les dossiers médicaux de leurs patients. Doivent obligatoirement avoir lieu dans un hôpital, les prestations qui exigent: - des soins intensifs et des anesthésistes, des infirmiers et/ou des instrumentistes pendant ou après la prestation relative à des soins de santé ; - dans la phase postopératoire, une thérapie parentérale et/ou sous perfusion de longue durée, à savoir de plus de six heures, et nécessitant une surveillance ; - normalement pas jusqu'à 24 heures après la prestation, la prise en charge et/ou la surveillance nécessaires alors que le professionnel des soins de santé juge celles-ci indispensables compte tenu de la nature des soins de santé ; - une transfusion sanguine. Il revient aux professionnels de soins de santé de juger, sur base de la caractérisation si la prestation répond à l'une de ces catégories. Notons que ces obligations peuvent encore être précisées par le Roi. Le professionnel de soins de santé doit veiller à ce que soient réunies les conditions lui permettant d'exercer en assurant des soins de qualité. Il doit par exemple disposer d'appareils performants, d'un espace de consultation de qualité, d'un lieu de stockage de produits adéquat, d'outils de traçabilité des produits, d'outils de stérilisation, ... L'ensemble des éléments qui permettent de garantir la qualité des soins doivent respecter les réglementations belges et européennes en la matière ou les recommandations des organes représentatifs. Le professionnel de soins de santé qui pratique soit une anesthésie soit une anxiolyse doit prévoir, au préalable, une procédure d'urgence à mettre en oeuvre en cas de complication. Elle doit permettre au professionnel de soins de santé de ne pas improviser lorsqu'une complication survient. Les organisations professionnelles peuvent émettre des modèles de procédure. Le professionnel de soins de santé, sauf le dentiste et l'ophtalmologue, doivent également prévoir lorsqu'ils pratiquent ces types d'anesthésie qu': - un médecin (ou candidat médecin) anesthésiste et en réanimation soit à proximité immédiate ; - en cas de complication, le patient puisse être redirigé vers un hôpital ; - les exigences de qualités suivantes soient particulièrement respectées: ? veiller à ce que l'anesthésie s'accompagne d'un monitoring portant au minimum sur le système cardiovasculaire et respiratoire ; ? veiller à ce que l'anesthésie et le monitoring soient confiés à un seul médecin spécialiste ou candidat médecin spécialiste comme expliqué plus haut, autre que celui qui accomplit la prestation ; ? informer le patient au préalable qu'il ne peut pas rester seul pendant un laps de temps suffisant suivant les soins dispensés. Concrètement, le mécanisme de redirection vers un hôpital peut prendre la forme d'un accord avec l'hôpital en question, ce n'est toutefois pas obligatoire. On relève encore l'obligation de prévoir une procédure en cas de complications ou de transfert lorsqu'on pratique des prestations à risque. Selon la loi, une prestation à risque comporte au moins une des caractéristiques suivantes. Elle est invasive, chirurgicale ou médicale, relative à des soins de santé à but diagnostique, thérapeutique ou esthétique. Il s'agit également d'une prestation à risque si elle est nécessairement réalisée sous anesthésie générale, anesthésie locorégionale ou sédation profonde, si elle nécessite une surveillance médicale ou infirmière prolongée de plusieurs heures après la fin de la prestation ou si elle s'effectue sous anesthésie locale par tumescence. À cet égard, il n'y a pas d'automatisme. C'est au professionnel de soins de santé de juger (au regard de la caractérisation) du degré de risque qu'entraîne une prestation. Cette obligation ne s'applique pas à l'ensemble des professionnels de soins de santé, mais seulement aux médecins, infirmiers, dentistes, sages-femmes, pharmaciens, kinésithérapeutes, psychologues cliniques et orthopédagogues cliniques. De plus, les professionnels de soins de santé concernés ne doivent y participer que lorsque ces permanences sont organisées par leur profession. Pour les médecins généralistes, ceux-ci doivent effectuer leur permanence dans la zone où ils exercent. La notion de zone doit être comprise comme les environs du lieu habituel de prestation, en prenant compte la coopération fonctionnelle avec les autres médecins généralistes. Le Roi fixera les conditions minimums pour satisfaire à une permanence. Les professionnels de soins de santé concernés doivent informer leurs patients de la répartition des permanences. Sinon, celles-ci pourront être retrouvées grâce au "Registre des pratiques". Les professionnels de soins de santé concernées peuvent bénéficier d'une dispense de participation aux permanences sur base d'une décision de leurs organes déontologiques respectifs (ou de la commission contrôles s'il n'en existe pas). Ces décisions doivent être motivées et reposer sur des considérants liés à l'état de santé, de l'âge, la situation familiale ou l'exercice effectif de la profession de soins de santé. Ce dernier élément concerne, par exemple, les personnes qui exerce de manière exceptionnelle, qui sont médecins d'assurance ou scolaire. La participation à ces permanences doit se retrouver dans le portfolio. La loi fixe les mentions minimums qui doivent figurer sur les prescriptions, les prescriptions de renvoi, les prescriptions de groupe. Les "prescriptions de renvoi" sont encadrées. Celles-ci concernent les cas où un professionnel des soins de santé fait appel à un autre professionnel des soins de santé concernant le diagnostic ou la mise en route du traitement. On pense notamment aux imageries médicales ou encore aux séances de kinésithérapie. Les prescriptions de groupe sont aussi introduites. Celles-ci visent le cas où une équipe pluridisciplinaire décide ensemble de faire une prescription. Il s'agit par exemple des équipes de médecins, infirmiers, podologues, etc., qui se concentre sur les patients diabétiques. Ce type de prescription nécessite l'accord de l'ensemble de l'équipe en question. La loi encadre également la communication au public d'informations de la part des prestataires de soins. Toute forme de communication ayant pour but direct et spécifique de faire connaître un professionnel des soins de santé ou de fournir des informations sur la nature de sa pratique doit respecter les exigences suivantes: - être conforme à la réalité, objective, pertinente et vérifiable, et doit être scientifiquement fondée ; - ne pas inciter à pratiquer des examens ou des traitements superflus - ne pas avoir pour objectif de rabattre des patients. - mentionner le(s) titre(s) professionnel(s) particulier(s) dont dispose le professionnel des soins de santé. Ces conditions doivent être respectées par le professionnel des soins de santé quels que soient l'endroit, le support ou les techniques utilisés, en ce compris les réseaux sociaux. La loi impose également une obligation pour le pharmacien d'informer le patient s'il procède à la substitution d'une spécialité par une autre. Afin d'assurer une uniformisation minimale et augmenter la qualité des soins, la loi prévoit désormais un contenu minimum et uniforme du dossier médical. Il devra au minimum contenir: - l'identification du patient par son numéro d'identification à la sécurité sociale (Niss), son nom, son sexe, sa date de naissance, son adresse, ses numéros de téléphone et ses adresses électroniques ; - l'identification du médecin généraliste du patient ; - l'identification personnelle du professionnel des soins de santé et, le cas échéant, celle du référent et des professionnels des soins de santé qui est/sont également intervenus dans les soins de santé dispensés ; - le motif du contact ou la problématique au moment de la consultation ; - les antécédents personnels et familiaux ; - les résultats d'examens tels que des examens cliniques, radiologiques, biologiques, fonctionnels et histopathologiques ; - le compte-rendu des entretiens de concertation avec le patient, d'autres professionnels des soins de santé ou des tiers ; - les attestations, rapports ou avis reçus du patient ou de tiers ; - les objectifs de santé et les déclarations d'expression de la volonté reçues du patient ; - le diagnostic établi par le professionnel des soins de santé concerné ; - la caractérisation du patient telle que visée ci-dessus ; - l'aperçu chronologique des soins de santé dispensés avec indication du type et de la date ; - l'évolution de l'affection si cela est pertinent ; - les renvois vers d'autres professionnels des soins de santé, services ou tiers ; - les médicaments et les produits de santé pré, péri- et postopératoires, y compris le schéma de médication ; - les complications qui nécessitent un traitement complémentaire ; - en cas d'hospitalisation du patient, si le professionnel des soins de santé le juge pertinent, une note journalière d'évaluation de l'état de santé du patient (surtout en cas de changement de l'état de santé du patient) ; - la mention que des informations ont été communiquées, avec l'accord du patient, à une personne de confiance ou au patient en présence d'une personne de confiance et l'identité de cette personne de confiance ; - la demande expresse du patient de ne pas lui fournir d'informations ; - la motivation du fait de ne pas divulguer des informations au patient ; - la demande du patient de se faire assister par une personne de confiance désignée par lui ou d'exercer son droit de consultation par l'entremise de celle-ci ainsi que l'identité de cette personne de confiance ; - la motivation du rejet total ou partiel de la demande d'un représentant du patient visant à obtenir la consultation ou une copie du dossier de patient ; - la motivation de la dérogation à la décision prise par un représentant du patient. L'objectif de ce contenu minimum est de permettre la traçabilité et la continuité des soins (ex. médicaments et implants). Le dossier doit encore contenir l'information de l'éventuel renvoi du patient vers un confrère ou une consoeur. Lorsqu'un professionnel de soins de santé arrête sa pratique, il doit transmettre les dossiers de ses patients aux professionnels qui le remplacent. La nouveauté en l'espèce porte surtout sur l'élargissement de ce principe (déjà bien connu des médecins) aux pharmaciens ou encore aux infirmiers.